Espagne : Le franquisme judiciaire respire encore
L'ex-président et deux ex-minitres de la Generalitat de Catalunya restent poursuivis.............
Espagne : le franquisme judiciaire respire encore
L’ex-président et deux ex-ministres de la Generalitat de Catalunya restent poursuivis pour avoir voulu permettre à leur peuple de s’exprimer. Les tortionnaires franquistes peuvent tranquillement jouir de la vie.
Le 10 septembre dernier, Pablo Llarena, juge du Tribunal Supremo (plus haute juridiction espagnole en matière civile, pénale, sociale et du contentieux administratif, à l'exception de ce qui est prévu en matière de garanties et de droits constitutionnels, dont la compétence relève du Tribunal Constitucional) s’est prononcé. Il a refusé que Carles Puigdemont, Tony Comín et Lluis Puig, respectivement ancien Président et anciens ministres indépendantistes de la Generalitat de Catalunya, bénéficient de la loi d’amnistie applicable aux indépendantistes catalans poursuivis ou condamnés pour avoir participé à l’organisation du referendum d’autodétermination de la Catalogne du 1er octobre 2017. Pour motiver sa décision, le magistrat a retenu que le détournement de fonds publics pour financer l’organisation du referendum- ce que l’on reproche aux trois ex-dirigeants de la Generalitat - n’entre pas dans le champ d’application de la loi d’amnistie car il a pu permettre aux trois intéressés d’obtenir « un bénéfice personnel de caractère patrimonial », crime non concerné par la loi d’amnistie. Le Parquet et l’avocat de l’État avaient pourtant demandé l’application de la loi d’amnistie car les faits leur apparaissaient indiscutablement liés aux événements du 1er octobre 2017. Pablo Llarena n’a rien voulu entendre. Carles Puigdemont a réagi sur X en soulignant que la décision du juge Llarena est intervenue « le jour même où l’Espagne a contredit le droit international humanitaire et décidé de maintenir impunis les crimes de Franco ». A quoi a fait référence l’ancien président de la Generalitat ? Il a évoqué le dossier Julio Pacheco. Qu’en est-il ?
Refus d'ouvrir des procédures contre les criminels franquistes
Tout commence en août 1975, trois mois avant le décès du général Franco qui dirige dictatorialement l’Espagne. Âgé alors de 19 ans, membre d'une organisation étudiante antifranquiste, Julio Pacheco est arrêté à Madrid. Conduit dans les locaux de la Direction générale de la sécurité, il y est interrogé et torturé avant d’être emprisonné pour terrorisme. En février 2023, soit près d’un demi-siècle après les faits et la mort du général Franco, soit quarante-cinq après l’adoption d’une Constitution qui devait en principe signifier la fin du franquisme, Julio Pacheco dépose plainte contre quatre de ses tortionnaires. Le 15 septembre 2023, sa plainte ayant été déclarée recevable, il devient la première victime de tortionnaires franquistes à être entendue par un juge d’instruction en Espagne. En effet, jusqu’à cette date, les magistrats espagnols avaient toujours rejeté les plaintes des victimes de la dictature franquiste en invoquant soit la prescription des faits ; soit le détournement d’une loi d'amnistie adoptée en 1977 dont le bénéfice initialement réservé aux prisonniers politiques de tous bords, était interprétée par les tribunaux, encore sous influence de magistrats issus du franquisme, comme permettant de refuser d'ouvrir des procédures contre les criminels franquistes.
Franquisme pas mort
La juge Ana Maria Iguacel a été le premier magistrat à oser prendre le contre-pied de ses pairs en déclarant recevable la plainte de Julio Pacheco du fait d’une « possible existence », dans les faits invoqués par ce dernier, de « crimes contre l'humanité et tortures ». Envisager une telle qualification était une première. En effet, ordinairement, affirmant que les autorités franquistes ne torturaient pas systématiquement, les magistrats espagnols estimaient que les cas de torture avérés ne pouvaient être qualifiés de crimes contre l'humanité. Julio Pacheco et bien d’autres ont quelques mois espéré que d'autres plaintes pourraient être déclarées recevables et que le temps de l'impunité des tortionnaires était enfin révolu. Le 10 septembre dernier, ils ont su que ce temps n’est pas encore révolu et que le franquisme n’est pas mort. L’ex-président et deux ex-ministres de la Generalitat de Catalunya restent poursuivis pour avoir voulu permettre à leur peuple de s’exprimer. Les tortionnaires franquistes peuvent tranquillement jouir de la vie.
Alexandra Sereni
L’ex-président et deux ex-ministres de la Generalitat de Catalunya restent poursuivis pour avoir voulu permettre à leur peuple de s’exprimer. Les tortionnaires franquistes peuvent tranquillement jouir de la vie.
Le 10 septembre dernier, Pablo Llarena, juge du Tribunal Supremo (plus haute juridiction espagnole en matière civile, pénale, sociale et du contentieux administratif, à l'exception de ce qui est prévu en matière de garanties et de droits constitutionnels, dont la compétence relève du Tribunal Constitucional) s’est prononcé. Il a refusé que Carles Puigdemont, Tony Comín et Lluis Puig, respectivement ancien Président et anciens ministres indépendantistes de la Generalitat de Catalunya, bénéficient de la loi d’amnistie applicable aux indépendantistes catalans poursuivis ou condamnés pour avoir participé à l’organisation du referendum d’autodétermination de la Catalogne du 1er octobre 2017. Pour motiver sa décision, le magistrat a retenu que le détournement de fonds publics pour financer l’organisation du referendum- ce que l’on reproche aux trois ex-dirigeants de la Generalitat - n’entre pas dans le champ d’application de la loi d’amnistie car il a pu permettre aux trois intéressés d’obtenir « un bénéfice personnel de caractère patrimonial », crime non concerné par la loi d’amnistie. Le Parquet et l’avocat de l’État avaient pourtant demandé l’application de la loi d’amnistie car les faits leur apparaissaient indiscutablement liés aux événements du 1er octobre 2017. Pablo Llarena n’a rien voulu entendre. Carles Puigdemont a réagi sur X en soulignant que la décision du juge Llarena est intervenue « le jour même où l’Espagne a contredit le droit international humanitaire et décidé de maintenir impunis les crimes de Franco ». A quoi a fait référence l’ancien président de la Generalitat ? Il a évoqué le dossier Julio Pacheco. Qu’en est-il ?
Refus d'ouvrir des procédures contre les criminels franquistes
Tout commence en août 1975, trois mois avant le décès du général Franco qui dirige dictatorialement l’Espagne. Âgé alors de 19 ans, membre d'une organisation étudiante antifranquiste, Julio Pacheco est arrêté à Madrid. Conduit dans les locaux de la Direction générale de la sécurité, il y est interrogé et torturé avant d’être emprisonné pour terrorisme. En février 2023, soit près d’un demi-siècle après les faits et la mort du général Franco, soit quarante-cinq après l’adoption d’une Constitution qui devait en principe signifier la fin du franquisme, Julio Pacheco dépose plainte contre quatre de ses tortionnaires. Le 15 septembre 2023, sa plainte ayant été déclarée recevable, il devient la première victime de tortionnaires franquistes à être entendue par un juge d’instruction en Espagne. En effet, jusqu’à cette date, les magistrats espagnols avaient toujours rejeté les plaintes des victimes de la dictature franquiste en invoquant soit la prescription des faits ; soit le détournement d’une loi d'amnistie adoptée en 1977 dont le bénéfice initialement réservé aux prisonniers politiques de tous bords, était interprétée par les tribunaux, encore sous influence de magistrats issus du franquisme, comme permettant de refuser d'ouvrir des procédures contre les criminels franquistes.
Franquisme pas mort
La juge Ana Maria Iguacel a été le premier magistrat à oser prendre le contre-pied de ses pairs en déclarant recevable la plainte de Julio Pacheco du fait d’une « possible existence », dans les faits invoqués par ce dernier, de « crimes contre l'humanité et tortures ». Envisager une telle qualification était une première. En effet, ordinairement, affirmant que les autorités franquistes ne torturaient pas systématiquement, les magistrats espagnols estimaient que les cas de torture avérés ne pouvaient être qualifiés de crimes contre l'humanité. Julio Pacheco et bien d’autres ont quelques mois espéré que d'autres plaintes pourraient être déclarées recevables et que le temps de l'impunité des tortionnaires était enfin révolu. Le 10 septembre dernier, ils ont su que ce temps n’est pas encore révolu et que le franquisme n’est pas mort. L’ex-président et deux ex-ministres de la Generalitat de Catalunya restent poursuivis pour avoir voulu permettre à leur peuple de s’exprimer. Les tortionnaires franquistes peuvent tranquillement jouir de la vie.
Alexandra Sereni