Outrances de langages
Le débat politique n'a plus de débat que le terme.
Outrances de langages
Le débat politique n’a plus de débat que le terme. Un camp et l’autre s’invectivent, se lancent à la figure des suppositions idéologiques plutôt que des faits et n’hésitent pas à user d’outrances de langage qui apportent toujours plus de brouillard à une situation déjà singulièrement brumeuse.
Immigration zéro ou immigration contrôlée
Il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui la question de l’immigration est devenue la question centrale dans le monde entier. L’Afrique et l’Asie sont les deux continents les plus touchés par ces mouvements humains intra continentaux. Car à bien y regarder, ceux qui se déplacent de l’Afrique ou de l’Orient vers l’Europe sont minoritaires et pourtant ce sont bien eux dont on parle le plus souvent parce qu’ils touchent une zone favorisée de la planète qui, de plus, possède d’importants moyens de communication. Les récentes altercations sur les bateaux frétés par des associations pour sauver des immigrés naufragés ont quelque chose d’indécent, mais aussi de mensonger. SOS Méditerranée a permis à 45 000 personnes de survivre contre 63 000 décédés en dix ans. Encore faut-il savoir que ce chiffre a largement été dépassé par les trois navires que Frontex a engagés en Méditerranée (Themis, Poséidon, Indalo). Et cela sans compter les sauvetages « privés ». Ceux qui stigmatisent les sauvetages opérés par les associations exigent-ils également l’arrêt de ceux pratiqués par Frontex et les privés ? Ce qui serait cohérent et parfaitement immonde. Que l’immigration doive être contrôlée est une chose tout à fait compréhensible. Qu’elle devienne un abattoir en est une autre qui tourne le dos à toutes les valeurs humanistes et chrétiennes.
État de droit ou état de droite
Un état de droit est l’état qui respecte la séparation des pouvoirs et place les lois au-dessus des décisions politiques sachant que par ailleurs, c’est le Parlement émanation du peuple qui vote les lois. Quand le nouveau ministre de l’Intérieur estime que le concept même d’état de droit « n’est pas intangible » il met en péril le sens même de la démocratie et tend à diriger la France vers ce qu’on désigne désormais comme des « démocraties illibérales » à l’image de la Hongrie, de la Slovaquie ou encore de la Turquie. La locution « démocratie illibérale » qualifie un régime politique qui respecte certaines règles démocratiques, comme les élections, mais s’affranchit de contraintes constitutionnelles et réduit les libertés individuelles ou publiques, tout comme le font les dictatures. Que M. Retaillau ait agi par calcul politique ne fait aucun doute. Il s’agit de ne pas s’aliéner la neutralité du RN dont le vote lors d’une motion de censure provoquerait ipso facto, la chute du gouvernement. Mais le ministre de l’Intérieur agit par conviction. Il est un véritable réactionnaire opposé à l’IVG, au mariage pour tous et il considère l’immigration comme une malchance. Ce faisant il incarne une passerelle avec ce qu’on appelle par facilité l’extrême droite et dont les frontières sont aujourd’hui totalement floues.
Génocide ou guerre
L’outrance n’est pas le propre de la droite. LFI s’en est même fait une spécialité. En qualifiant les bombardements de Gaza de « génocide » il y a non seulement une outrageuse torsion de ce concept, mais il y a également la mise en place d’une déviance perverse. Outrageuse torsion parce qu’un génocide est la volonté affichée d’un pouvoir de rayer entièrement et définitivement de la carte humaine un groupe défini par son appartenance à un groupe clairement délimité. Les Hutus ont entamé un génocide afin de détruire les Tutsis. Les Turcs ont agi pareillement vis-à-vis des Arméniens et des Syriaques et bien entendu les nazis envers les Juifs et les Tziganes. Qui peut honnêtement prétendre que l’État d’Israël tente d’exterminer cette entité humaine mal circonscrite qu’est le peuple palestinien ? Israël se livre à des bombardements sauvages comme le firent pendant la Seconde Guerre mondiale les Alliés sur les villes allemandes et sur les villes japonaises. Qui oserait prétendre qu’il s’agissait alors d’un génocide ? Un crime certainement sans nécessairement employer l’expression pléonastique de « crime de guerre ». La guerre est un crime en soi. Mais un génocide certainement pas alors que le terrible pogrom du 7 octobre, survenu voilà un an et déjà bien oublié, était lui animé par l’intention de supprimer des juifs parce qu’ils étaient juifs. La véritable intention de LFI est autre : il s’agit par glissements successifs de mettre sur un même plan l’attitude des nazis qui a abouti à la Shoah et celle des Israéliens envers les Palestiniens, de démontrer qu’Israël égale Hitler. Le procédé est ignoble, mais dans un monde gangrené par le relativisme érigé en système par le wokisme, cela peut fonctionner avec des esprits faibles. Le négationnisme d’extrême droite en était les prémisses.
GXC
Illustrations : DR