Réforme du Code de la famille : Mohammed VI marche sur des œufs
Pour éviter de connaître le sort du Shah d’Iran qui entendait réformer son pays à marche forcée, Mohammed VI doit se garder d’ouvrir trop grand les portes à une modernité encore jugée impie par une partie importante de son peuple.
Réforme du Code de la famille : Mohammed VI marche sur des œufs
Pour éviter de connaître le sort du Shah d’Iran qui entendait réformer son pays à marche forcée, Mohammed VI doit se garder d’ouvrir trop grand les portes à une modernité encore jugée impie par une partie importante de son peuple.
En 2004, souhaitant consolider son image de monarque et commandeur des croyants ouvert à la modernité, Mohammed VI a initié et imposé une réforme du Code de la famille accordant davantage de droits aux femmes. L’évolution a toutefois été jugée trop timide par les composantes de la société civile qui militent pour une égalité des droits entre les hommes et les femmes. En 2022, Mohammed VI a annoncé sa volonté d’aller plus loin. Un comité ad hoc a alors été mis en place pour organiser et conduire une grande consultation au sein de la société marocaine, ainsi que pour élaborer des propositions. En mars dernier, des propositions ont été remises à Mohammed VI qui, après en avoir pris connaissance, les a soumises au Conseil supérieur des oulémas. Cette institution a pour but d'éclairer la politique religieuse du royaume du Maroc en émettant des fatwas. Son rôle est cependant très encadré par le pouvoir royal. En 2009, Mohammed VI a d’ailleurs rappelé : « Nous attendons d’eux (des oulémas, ndlr) qu’ils puissent, avec l’aide et l’appui de Dieu, et avec l’efficience et la constance escomptées, mener à bonne fin la mission que Nous leur avons confiée en matière de prêche, de sensibilisation et d’orientation » .
Un sentiment de déception semble se dessiner
Il y a quelques jours, le ministre de la Justice et le ministre des Affaires islamiques ont dévoilé ce qui sera inscrit dans le projet de loi portant réforme du Code de la famille. Figureront notamment les propositions suivantes : âge permettant à un juge d’autoriser les mariages « arrangés » de mineures porté de 15 ans à 17 ans ; après un divorce, possibilité d’un partage entre les ex-époux de la tutelle des enfants qui, à ce jour, est automatiquement attribuée au père ; conservation par une mère remariée du droit de garde des enfants du premier lit ; possibilité de transmissions illimitées aux héritières alors qu’actuellement les femmes ne peuvent bénéficier que de la moitié de la part attribuée aux hommes ; polygamie si avis favorable de l’épouse et consignation de cet avis dans le contrat de mariage. Avant d’émettre un jugement définitif sur la portée de la réforme, les composantes de la société civile qui militent pour une égalité des droits entre les hommes et les femmes, attendent de pouvoir prendre connaissance du projet de loi. Un sentiment de déception semble toutefois se dessiner. Certaines propositions sont certes saluées (notamment celle prévoyant la fin du risque pour la mère divorcée, si elle se remarie, de perdre la garde des enfants du premier lit). En revanche, il est sévèrement critiqué la mise à l’écart de propositions survenue à la suite d’avis défavorables émis par les oulémas. Ont notamment été écartés : les tests ADN visant à établir la paternité biologique pour les enfants nés hors mariage ; la suppression des dérogations judiciaires permettant les mariage « arrangés » de mineures ; la suppression de la polygamie.
Pour éviter de connaître le sort du Shah d’Iran
Comme l’affirment des voix se réclamant du progressisme et du féminisme, le nouveau Code marocain de la famille restera certes dominé par une philosophie patriarcale. Mais il convient de reconnaître qu’il comportera des avancées significatives en faveur de la femme (si le Parlement ne rogne pas ce qui a été accepté par le Roi et les oulémas). Par ailleurs, il convient aussi d’admettre que Mohammed VI marche sur des œufs. En effet, le Maroc n’échappant pas à la vague islamiste et celle-ci étant favorablement accueillie par une partie sans doute majoritaire de la population, son monarque, en faisant acte de modernité sociétale, se place sous la menace d’être désavoué et pire encore considéré mécréant ou apostat, c’est-à-dire ennemi auquel il convient de faire la guerre parce qu'il s'oppose à l'autorité divine dont la parole et les actes sont inscrits dans la Charia. Mohammed VI doit donc rester prudent. Pour éviter de connaître le sort du Shah d’Iran qui entendait réformer son pays à marche forcée, il lui faut se garder d’ouvrir trop grand la porte à une modernité encore jugée impie par une partie importante de son peuple. D’où sans doute le fait qu’il ait précisé que la réforme engagée devrait être fondée à la fois sur le respect d’une harmonie entre les préceptes de l’Islam et sur les valeurs universelles que sont justice, égalité et solidarité.
Alexandra Sereni
Crédit photo : Ministry of the Presidency, Government of Spain
Pour éviter de connaître le sort du Shah d’Iran qui entendait réformer son pays à marche forcée, Mohammed VI doit se garder d’ouvrir trop grand les portes à une modernité encore jugée impie par une partie importante de son peuple.
En 2004, souhaitant consolider son image de monarque et commandeur des croyants ouvert à la modernité, Mohammed VI a initié et imposé une réforme du Code de la famille accordant davantage de droits aux femmes. L’évolution a toutefois été jugée trop timide par les composantes de la société civile qui militent pour une égalité des droits entre les hommes et les femmes. En 2022, Mohammed VI a annoncé sa volonté d’aller plus loin. Un comité ad hoc a alors été mis en place pour organiser et conduire une grande consultation au sein de la société marocaine, ainsi que pour élaborer des propositions. En mars dernier, des propositions ont été remises à Mohammed VI qui, après en avoir pris connaissance, les a soumises au Conseil supérieur des oulémas. Cette institution a pour but d'éclairer la politique religieuse du royaume du Maroc en émettant des fatwas. Son rôle est cependant très encadré par le pouvoir royal. En 2009, Mohammed VI a d’ailleurs rappelé : « Nous attendons d’eux (des oulémas, ndlr) qu’ils puissent, avec l’aide et l’appui de Dieu, et avec l’efficience et la constance escomptées, mener à bonne fin la mission que Nous leur avons confiée en matière de prêche, de sensibilisation et d’orientation » .
Un sentiment de déception semble se dessiner
Il y a quelques jours, le ministre de la Justice et le ministre des Affaires islamiques ont dévoilé ce qui sera inscrit dans le projet de loi portant réforme du Code de la famille. Figureront notamment les propositions suivantes : âge permettant à un juge d’autoriser les mariages « arrangés » de mineures porté de 15 ans à 17 ans ; après un divorce, possibilité d’un partage entre les ex-époux de la tutelle des enfants qui, à ce jour, est automatiquement attribuée au père ; conservation par une mère remariée du droit de garde des enfants du premier lit ; possibilité de transmissions illimitées aux héritières alors qu’actuellement les femmes ne peuvent bénéficier que de la moitié de la part attribuée aux hommes ; polygamie si avis favorable de l’épouse et consignation de cet avis dans le contrat de mariage. Avant d’émettre un jugement définitif sur la portée de la réforme, les composantes de la société civile qui militent pour une égalité des droits entre les hommes et les femmes, attendent de pouvoir prendre connaissance du projet de loi. Un sentiment de déception semble toutefois se dessiner. Certaines propositions sont certes saluées (notamment celle prévoyant la fin du risque pour la mère divorcée, si elle se remarie, de perdre la garde des enfants du premier lit). En revanche, il est sévèrement critiqué la mise à l’écart de propositions survenue à la suite d’avis défavorables émis par les oulémas. Ont notamment été écartés : les tests ADN visant à établir la paternité biologique pour les enfants nés hors mariage ; la suppression des dérogations judiciaires permettant les mariage « arrangés » de mineures ; la suppression de la polygamie.
Pour éviter de connaître le sort du Shah d’Iran
Comme l’affirment des voix se réclamant du progressisme et du féminisme, le nouveau Code marocain de la famille restera certes dominé par une philosophie patriarcale. Mais il convient de reconnaître qu’il comportera des avancées significatives en faveur de la femme (si le Parlement ne rogne pas ce qui a été accepté par le Roi et les oulémas). Par ailleurs, il convient aussi d’admettre que Mohammed VI marche sur des œufs. En effet, le Maroc n’échappant pas à la vague islamiste et celle-ci étant favorablement accueillie par une partie sans doute majoritaire de la population, son monarque, en faisant acte de modernité sociétale, se place sous la menace d’être désavoué et pire encore considéré mécréant ou apostat, c’est-à-dire ennemi auquel il convient de faire la guerre parce qu'il s'oppose à l'autorité divine dont la parole et les actes sont inscrits dans la Charia. Mohammed VI doit donc rester prudent. Pour éviter de connaître le sort du Shah d’Iran qui entendait réformer son pays à marche forcée, il lui faut se garder d’ouvrir trop grand la porte à une modernité encore jugée impie par une partie importante de son peuple. D’où sans doute le fait qu’il ait précisé que la réforme engagée devrait être fondée à la fois sur le respect d’une harmonie entre les préceptes de l’Islam et sur les valeurs universelles que sont justice, égalité et solidarité.
Alexandra Sereni
Crédit photo : Ministry of the Presidency, Government of Spain