Mobilisation inchangée contre la mafia
Un mécontentement diffus, mais constant
Mobilisation inchangée contre la mafia
À Ajaccio comme à Bastia, un peu plus de deux mille personnes ont de nouveau battu le pavé pour dénoncer l’emprise criminelle qui gangrène l’île. Pourtant, malgré l’ardeur des organisateurs et la multiplication des appels publics, la dynamique demeure presque inchangée depuis la première mobilisation du printemps. Entre 1 700 et 3 000 participants selon les sources : une présence réelle, mais une stagnation inquiétante pour ceux qui attendaient un élargissement net du mouvement.
Des messages pour rompre le silence
Sous des slogans exigeant la fin de l’impunité, les cortèges ont défilé en brandissant des messages dénonçant à la fois la violence mafieuse et la chape de silence qui l’entoure. Des pancartes rendaient hommage à deux figures devenues emblématiques : Massimu Susini et Pierre Alessandri, le responsable de Via Campagnola qui avait participé à la précédente marche du mois de mars.
Un mécontentement diffus, mais constant
Dans la foule, des jeunes par dizaines et plus encore de retraités qui partageaient la même lassitude. Beaucoup évoquaient une atmosphère étouffante faite de pressions, de chantages et de règlements de comptes qui débordent sur le quotidien. Certains défilaient par solidarité avec des proches touchés de plein fouet, d’autres par refus de voir l’île s’habituer à ces violences répétées.
Une coalition large, mais qui reste stable
La coordination antimafia qui organise ces rassemblements regroupe désormais une douzaine de structures, de collectifs citoyens aux syndicats agricoles en passant par les associations environnementales. Cette diversité montre la volonté d’unir les forces, mais l’ensemble n’a pas encore réussi à attirer un public plus vaste malgré la présence à Bastia de près de deux cents élus et à Ajaccio de la présidente de l’Assemblée et du président de l’Exécutif. Le seuil d’une mobilisation de masse semble encore hors d’atteinte en dépit de la multiplication des discours et des appels et d’une campagne médiatique rarement aussi soutenue.
Des prises de parole fermes
Au micro, les porte-parole ont insisté sur la nécessité pour la société corse de reprendre l’initiative face à des groupes criminels bien implantés, actifs aussi bien dans l’immobilier que dans le tourisme ou la restauration. Ils ont rappelé la liste des morts, les intimidations et la peur qui s’installe. Leur constance contraste avec l’absence d’élan nouveau dans la rue.
Un soutien institutionnel affiché
Les autorités judiciaires et préfectorales étaient également présentes. Le procureur de Bastia a réaffirmé une stratégie de pression continue : enquêtes multipliées, contrôles administratifs renforcés, surveillance accrue des secteurs sensibles. À Ajaccio, le parquet affiche la même orientation et encourage les démarches citoyennes. Les préfets, sortis à la rencontre des manifestants, ont rappelé que la lutte contre les groupes criminels est désormais une priorité de l’État, articulée autour de la prévention, du soutien aux entreprises vulnérables et d’une coopération accrue entre services.
Émotions et interrogations
Une minute de silence a été observée pour les victimes. Les familles endeuillées ont réclamé une réponse judiciaire claire. Des responsables politiques ont salué la démarche citoyenne, estimant qu’elle exprime la volonté de défendre la démocratie et la liberté d’entreprendre. Mais dès lors qu’il est constaté que la mobilisation n’attire pas davantage de participants qu’au printemps ne faudrait-il pas réfléchir à une stratégie autre ?
Un contexte toujours alarmant
Le nombre d’homicides rapporté à la population reste l’un des plus élevés du pays. Une vingtaine de groupes criminels sont recensés, et Jacques Santoni, supposé dirigeant du Petit Bar a réussi à éviter l’incarcération pour raisons médicales. Des procès qui ont lieu douze parfois quinze ans après les faits pendant que les réformes se succèdent tout au moins sous forme de promesses avec notamment la création d’un pôle régional dédié à la criminalité organisée et d’une commission insulaire pour lutter contre les pratiques mafieuses, le terrain social, lui n’évolue pas.
Un plafond qui ne se brise pas
Pour l’heure, un constat domine : les cortèges ne grandissent pas. Une partie de la société observe à distance, par peur, par fatalisme ou par méfiance. L’île manifeste, mais sans effet d’entraînement. Tant que ce plafond ne cédera pas, l’espoir d’un basculement durable restera fragile. D’autant que si les enquêtes parviennent à des résultats modestes contre les bandes la justice semble inopérante pour dévoiler et mettre à mal les complicités politiques. Il semblerait que la mise en place du pôle anti mafia soit reculée à l’année 2027 c’est — à-dire la méga année électorale où par définition il ne se passera rien. Peut-être est-ce là l’explication du piétinement de la mobilisation : des slogans qui résonnent dans le vide malgré la présence de préfets et de magistrats dans la rue, un geste désormais convenu : un tocsin qui sonne et sonne encore sans que le son n’atteigne Paris.
GXC
Photo : jdc