IRA di Bastia : sta riescita deve campà !
L'IRA de Bastia qui a été créé pour répondre à une logique d'aménagement du territoire et plus particulièrement apporter à la Corse un outil de développement économique et intellectuel.......
IRA di Bastia : sta riescita deve campà !
L’IRA de Bastia qui, outre pour former des cadres de la fonction publique d’État, a été créé pour répondre à une logique d’aménagement du territoire et plus particulièrement pour apporter à la Corse un outil de développement économique et intellectuel, répond parfaitement à cette double fonction depuis qu’il a ouvert ses portes en 1980.
Laurent Marcangeli, ministre de l'Action publique, de la fonction publique et de la simplification, a évoqué, le 7 mai dernier, la fusion possible des cinq Instituts régionaux d’administration (IRA) en une entité unique, sans plus de précision. Cette annonce a fortement inquiété les personnels de l’IRA de Bastia. Les paroles du ministre ont d’autant plus inquiétées qu’elles ont été prononcées lors de l’audition de ce dernier par la Commission d’enquête du Sénat sur des organismes de l’État, dans le cadre d’une démarche visant à identifier de possibles coupes budgétaires (objectif 2 à 3 milliards d’économies) pour réduire le déficit de l’État (au besoin à partir de réductions de voilure ou de suppressions d’organismes jugés être trop coûteux ou inutiles). Les personnels de l’IRA de Bastia ont été plus particulièrement affectés car, il y a quelques mois, leur établissement avait obtenu la promesse d’un renforcement de ses moyens humains et réalisé des travaux travaux d’extension et de modernisation des locaux pour assumer un apport plus important d’élèves. Cependant, ils étaient déjà en alerte depuis février dernier car la création d’une antenne IRA au sein de l’Université Paris-Nanterre avait donné lieu à un redéploiement d’effectifs de nature à remettre en cause les augmentations de postes promises à Bastia et ailleurs et car il se disait que des projets de mutualisation de services support étaient à l’étude.
Laurent Marcangeli s’est employé à déminer et rassurer
Ayant été informé du vent de panique qu’avait provoqué son annonce, Laurent Marcangeli s’est employé à déminer et rassurer. Dans un communiqué, il a précisé qu’il n’envisageait pas des suppressions de sites mais entendait seulement réformer en recherchant une organisation plus intégrée, rationnelle et performante des IRA selon le schéma suivant : mieux fédérer l’ensemble des sites au sein d’une école nationale des cadres ; maintenir une augmentation significative des moyens des IRA alors même que le contexte budgétaire d’ensemble est particulièrement contraint ; ne pas remettre en cause l’ancrage territorial des IRA (engagement de maintenir en place les implantations géographiques et les équipes de direction) ; fédérer les IRA au sein d’une structure unifiée capable de rayonner et s’inscrire dans une logique d’excellence comparable aux autres grandes écoles de service public, et appelée à chapeauter les sites IRA et mutualiser les fonctions support ; associer les directrices et directeurs des IRA à la réforme, et également tous les agents ; aucune incidence de la réforme sur lasituation des élèves.
Certaines craintes avivées par le communiqué du ministre
Les personnels de l’IRA Bastia sont cependant dubitatifs et expriment plusieurs craintes dont certaines ont d’ailleurs été avivées par le communiqué du ministre. La mutualisation annoncée leur semble porter la menace de devoir rendre des postes (particulièrement des postes administratifs). Ils redoutent qu’avec la fusion, il soit mis fin à la régionalisation des affectations à l’issue des examens de sortie de l’IRA (les élèves de Bastia ont la garantie d’être prioritaires sur les postes du grand Sud, c’est-à-dire de la Corse, de la région PACA et de l’Occitanie), ce qui conduirait à une perte d’attractivité du site de Bastia car c’est cette garantie d’affectation qui incite des élèves à le choisir malgré sa[1] situation géographique excentrée. Le projet de création d’une structure unifiée « capable de rayonner et de s’inscrire dans une logique d’excellence », leur paraît annonciateur d’une remise en cause d’une certaine autonomie du fonctionnement administratif et managérial et de l’organisation pédagogique dont jouit aujourd’hui chaque IRA. Enfin, ils se disent que si un jour une coupe budgétaire drastique impose une ou deux fermetures d’IRA, celui de Bastia situé dans une petite région et hors de l’Hexagone sera le premier concerné.
Intégration réussie et porteuse de retombées positives
Conscient des interrogations et de l’inquiétude, Michel Castellani, député de la première circonscription de Haute-Corse qui a d’ailleurs dispensé des cours d‘économie à l’IRA de Bastian, a réagi dès qu’il a eu connaissance des propos de Laurent Marcangeli. Il l’a fait sur le réseau social X en écrivant : « La réforme envisagée des IRA fait peser une lourde menace. Je me positionne sans nuance aux côtés de l’IRA de Bastia, dont je connais l’utilité pédagogique, mais également le rôle social et sociétal qu’il remplit en faveur de Bastia et de la Corse ». Ce rôle « social et sociétal » est évident. Il est d’ailleurs partie intégrante de l’ADN de l’IRA de Bastia. En effet, l’établissement qui, outre pour former des cadres de la fonction publique d’État, a été créé par décret n° 79900 du 1er octobre 1979 pour répondre à une logique d’aménagement du territoire et plus particulièrement pour apporter à la Corse un outil de développement économique et intellectuel, répond parfaitement à cette double fonction depuis qu’il a ouvert ses portes en 1980. Son budget de 9 millions € / an est réinjecté à 90% dans l’économie locale. Il représente un lieu d’ouverture intellectuelle notamment par ses conférences ouvertes à tous les publics. Les milliers de cadres intermédiaires de la fonction publique de l’Etat qui y ont été formés au cours de ses quatre décennies d’existence, et qui se sont toujours bien intégrés à la vie locale, représentent des relais transmettant une image positive de la Corse, de sa société et de ses habitants. Il est possible d’affirmer que l’IRA de Bastia est un réussite qui doit vivre una (Sta riescita deve campà !) tant l’intégration a été réussie et porteuse de retombées positives. *
En pointe dans la maîtrise et la transmission de l’usage de nouveaux outils
L’excellence est aussi déjà présente. L’IRA de Bastia assume parfaitement trois missions. Sa mission principale : la formation de fonctionnaires de catégorie A d'administration générale (cadres). Deux autres missions : la formation continue interministérielle d’agents de l'État, toutes catégories confondues, exerçant dans les régions PACA, Occitanie, Corse et aux Antilles et en Guyane ; la formation continue de fonctionnaires territoriaux et, dans certaines conditions, d'autres acteurs des politiques publiques (par exemple, les salariés des associations dans le cadre de la politique de la Ville). L’IRA de Bastia s’efforce d’être en pointe dans la maîtrise et la transmission de l’usage de nouveaux outils. Ainsi, ces derniers mois, dans ses contenus pédagogique, il intègre l’utilisation des opportunités de l’Intelligence artificielle (IA). Il a d’ailleurs dernièrement présenté cet outil et ses potentialités à ses élèves, ses agents, des agents des trois fonctions publiques lors d’une journée intitulée « Comprendre, apprivoiser et humaniser l’intelligence artificielle » avec pour objectif de faire connaître ce que peut apporter l’IA aux missions de service public. Plusieurs experts sont intervenus : le conseiller Innovation à la préfecture de la région Corse a fait découvrir la « longue marche » des IA génératives, depuis leurs premiers pas jusqu’à leur essor dans les vies professionnelles et personnelles ; un magistrat à la Cour d’appel de Bastia, expert en droit du numérique, a sensibilisé à la responsabilités des agents publics dans l’usage de l’IA (devoir de vigilance, respect de la déontologie, nécessaire connaissance des normes nationales, européennes et internationales ; le conseiller « Veille innovation et prospective » de l’IRA Bastia, a mis en garde contre les biais cognitifs et les hallucinations générés par l’IA afin d’aider à l’intégration et l’utilisation de cet outil sans renoncer aux valeurs fondamentales ; une membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a plaidé pour une IA au service de l’intérêt général ; un docteur en robotique, maître de conférences à l’Université de Corse, a présenté des terrains concrets de déploiement de l’IA et les perspectives de son utilisation dans quasiment tous les secteurs d’activité. L’après-midi a été consacré, à partir de l’objectif global « tester, manipuler, débattre autour de quelques outils d’IA générative», à trois ateliers : Découverte de la méthode de prompting CRAFT pour structurer les échanges avec l’IA et en tirer le meilleur parti ; Imagination et exploration de cas d’usage professionnels et personnels ; Focus sur l’esprit critique et la métacognition pour apprendre à interroger les réponses produites par l’IA. Excellent tout cela et méritant d’être conservé et encore développé, n’en déplaise à Monsieur le ministre.
Pierre Corsi
Credit photo (logo) : IRA de Bastia
Crédit photo : Journal de la Corse