PLU de Bastia : le principal opposant ne renonce pas
Le projet de plan local d'urbanisme (PLU) de la Ville d.e Bastia est durement critiqué.
PLU de Bastia : le principal opposant ne renonce pas
Le projet de plan local d’urbanisme (PLU) de la Ville de Bastia est durement critiqué. La majorité municipale, à ce jour, ne lâche rien. Un de ses opposants non plus.
Le 14 mars de l’an passé, le projet de révision du PLU de Bastia a été présenté, défendu et voté par la majorité municipale. L’opposition a vivement critiqué la copie. L’enquête publique a été lancée au début de cette année. La municipalité bastiaise a alors affirmé souhaiter « une large participation des Bastiais afin de pouvoir établir un véritable dialogue constructif avec la population ».
Cependant, elle est restée imperméable aux critiques essuyées quelques mois plus tôt et n’a pas modifié sa copie, réaffirmant que celle-ci répondait pertinemment aux enjeux environnemental, sociétal, social et éthique, et à l’intérêt des Bastiais. L’enquête publique a duré 38 jours (14 janvier au 21 février). Durant cette période, des citoyens habitant le quartier du Fangu et le quartier Agliani, soutenus par le conseiller municipal d’opposition Julien Morganti, ont particulièrement dénoncé la densification urbaine et la verticalisation de l’habitat préconisées autour de chez eux par le projet de PLU.
Une troisième opposition citoyenne s’est manifestée. Animée par Frédéric Poletti qui est très investi dans l’action citoyenne (il anime depuis des années le collectif Agissons contre la cherté des carburants en Corse) et ne cache pas être un opposant à la majorité municipale, cette opposition a développé une critique globale. Elle a notamment dénoncé une consommation excessive et mal compensée des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA) listés dans le Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ; évoqué le gel de plus de 200 parcelles urbaines contredisant l’urbanisation préconisée par le PADDUC (densification avant extension) ; décelé des contradictions entre le projet de PLU et les orientations d’autres collectivités (la Collectivité de Corse a suggéré que l‘adoption en l’état du projet de PLU pourrait contrarier la qualité urbaine globale mais aussi la faisabilité de grand projets d’équipement et renchérir leur coût global) ; relevé que dans un document de 22 pages (postérieurement remplacé par un autre document), la Communauté d’Agglomération de Bastia avait notamment évoqué un risque d’urbanisation résidentielle et commerciale non maîtrisé de terrains privés au détriment d’activités économiques futures.
L’enquête publique a pris fin le 21 février dernier. Le rapport d’enquête a été remis le 31 mars au maire de Bastia. Le 25 avril, à l’issue d’une conférence de presse, la municipalité bastiaise a remis aux journalistes un document reprenant les éléments lui étant les plus favorables, et occultant les recommandations pouvant être gênantes. Frédéric Poletti n’a pas renoncé. Dernièrement, il a a remis aux médias un dossier de presse intitulé « Révision du PLU de Bastia : ce qu’on ne vous a pas dit ». Dans ledit document, est pointée du doigt ce qui constitue selon son auteur, une persistance de la municipalité bastiaise dans les erreurs et les manquements et le caractère timoré du rapport d’enquête. .
Erreurs et lacunes « très graves »
Frédéric Poletti écrit « Ce n’est pas un plan d’urbanisme, c’est un plan de contournement des lois, des règles, de la nature, du débat, et de l’intérêt général » et détaille des erreurs et lacunes « très graves » qu’il avait déjà constatées avant l’enquête publique : terres agricoles protégées (soit 60% d’Espaces Stratégiques Agricoles) livrées à l’urbanisation sans justification sérieuse ; trajectoire stratégique imposée sans analyse des possibles (ni variantes, ni scénarios, ni étude comparative) ; choix d’urbanisation posés comme des évidences ; nature oubliée et continuités écologiques effacées (absence d’inventaire, de trame verte et bleue, d’orientations d’aménagement et de programmation environnementales structurantes) ; biodiversité ni connue, ni protégée ; incompatibilité du PLU avec les documents supérieurs (violations du PADDUC, méconnaissance de la loi Littoral, absence de prise en compte des servitudes d’utilité publique) ; évaluation environnementale lacunaire (absence d’indicateurs, mesures floues, aucune stratégie de suivi, rapport environnemental représentant une formalité et non une boussole).
Enquête publique qui enquête peu et conclut encore moins
Frédéric Poletti suggère que le rapport d’enquête est timoré. Il dénonce en effet « une enquête publique qui enquête peu et conclut encore moins » pour ce qui concerne : le manque quasi total de remise en cause de la consommation sans compensation d’Espaces Stratégiques Agricoles (griefs atténués, quelques ajustements suggérés, pas de remise en cause globale) ; l’absence de variantes (silence total, aucune mention dans le rapport ou les conclusions) ; les insuffisances des trames écologiques (promesses de corrections prises en compte sans exigences supplémentaires) ; la compatibilité avec les documents supérieurs (affirmée sans analyse, contradictions ignorées) ; l’évaluation environnementale (lacunes reconnues, mais aucune conséquence tirée). Le rapport d’enquête « invité », « recommandé », « encourage », sans jamais contraindre. Ce qui laisse au maire de Bastia toute latitude de passer outre les critiques. Plutôt que d’éclairer le débat et inciter à des corrections, le rapport d’enquête accompagne la copie municipale jusqu’à approbation.
Avis défavorable d’un acteur majeur « caché sous le tapis »
Frédéric Poletti déplore que l’avis défavorable d’un acteur majeur, la Communauté d’Agglomération de Bastia, reste « caché sous le tapis. » Il rappelle ainsi que le 17 juillet 2024, la Communauté d’agglomération de Bastia avait rendu un avis défavorable au projet de PLU. En effet, celle-ci pointait du doigt : une urbanisation mal justifiée du sud de la ville, une inadéquation du projet avec la stratégie de mobilité de l’agglomération, une absence de cohérence entre habitat, économie et transports ; des chevauchements entre zones d’activités et zones résidentielles ; un contournement du travail de planification intercommunale. Il rappelle aussi qu’il avait révélé publiquement cet avis défavorable et que le président de la Communauté d’Agglomération de Bastia n’avait pas nié l’authenticité du document formulent les réserves de son institution (mais avait soutenu que l’avis n’avait pas été transmis officiellement à la commune de Bastia).
Mise en scène communicationnelle
Enfin, Frédéric Poletti dénoncé une mise en scène communicationnelle en affirmant : « On télécharge, donc on adhère ? La mairie invente la démocratie à clics. » En effet, il relève que le rapport d’enquête, remis le 31 mars au maire de Bastia, aurait dû être rendu public sans délai. C’est la loi ! Or jusqu’au 25 avril, rien ne s’est passé. Et à cette date, il a été remis aux médias un document reprenant les éléments les plus favorables à la copie municipale et occultant les prudentes recommandations figurant dans le rapport d’enquête. En outre, Frédéric Poletti indique qu’à cette occasion, la municipalité s’est félicitée du bilan numérique et citoyen qu’elle a dressé de l’enquête publique, « 3677 visiteurs, 4519 téléchargements », et a conclu avoir obtenu un « plébiscite ». Ceci, affirme Frédéric Poletti, occulte que seulement 159 contributions ont été recueillies et est contraire au droit administratif qui indique que le silence des citoyens ne vaut jamais adhésion, surtout dans une enquête publique. Frédéric Poletti conclue en estimant « si le PLU avance, Bastia recule » car le projet municipal reste selon lui entaché d’erreurs et lacunes majeures et que l’enquête conçue pour corriger n’a été qu’une vitrine participative, sans effet sur le contenu du document.
Pierre Corsi
Rappel / Un PLU (plan local d’urbanisme) énonce les règles générales d’utilisation des sols d’un territoire communal ou intercommunal. Son élaboration a pour objet de permettre aux élus d’une commune ou d’une intercommunalité de définir une stratégie d’aménagement de l’espace urbain dans le cadre de quatre grands types de zonages (zones urbanisées, zones à urbaniser, zones naturelles, zones agricoles) afin de répondre aux besoins des habitants et des visiteurs pour ce qui concerne la protection de l’environnement, la qualité du cadre de vie, les équipements publics, le logement, les activités économiques, commerciales, touristiques, sportives et culturelles. Un PLU est opposable à toute personne publique ou privée souhaitant réaliser des rénovations modifications, réhabilitations ou constructions. Chez nous, un PLU doit être compatible avec le Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
Crédit photo : Poletti
Crédit photo : Journal de la Corse
Le projet de plan local d’urbanisme (PLU) de la Ville de Bastia est durement critiqué. La majorité municipale, à ce jour, ne lâche rien. Un de ses opposants non plus.
Le 14 mars de l’an passé, le projet de révision du PLU de Bastia a été présenté, défendu et voté par la majorité municipale. L’opposition a vivement critiqué la copie. L’enquête publique a été lancée au début de cette année. La municipalité bastiaise a alors affirmé souhaiter « une large participation des Bastiais afin de pouvoir établir un véritable dialogue constructif avec la population ».
Cependant, elle est restée imperméable aux critiques essuyées quelques mois plus tôt et n’a pas modifié sa copie, réaffirmant que celle-ci répondait pertinemment aux enjeux environnemental, sociétal, social et éthique, et à l’intérêt des Bastiais. L’enquête publique a duré 38 jours (14 janvier au 21 février). Durant cette période, des citoyens habitant le quartier du Fangu et le quartier Agliani, soutenus par le conseiller municipal d’opposition Julien Morganti, ont particulièrement dénoncé la densification urbaine et la verticalisation de l’habitat préconisées autour de chez eux par le projet de PLU.
Une troisième opposition citoyenne s’est manifestée. Animée par Frédéric Poletti qui est très investi dans l’action citoyenne (il anime depuis des années le collectif Agissons contre la cherté des carburants en Corse) et ne cache pas être un opposant à la majorité municipale, cette opposition a développé une critique globale. Elle a notamment dénoncé une consommation excessive et mal compensée des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA) listés dans le Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ; évoqué le gel de plus de 200 parcelles urbaines contredisant l’urbanisation préconisée par le PADDUC (densification avant extension) ; décelé des contradictions entre le projet de PLU et les orientations d’autres collectivités (la Collectivité de Corse a suggéré que l‘adoption en l’état du projet de PLU pourrait contrarier la qualité urbaine globale mais aussi la faisabilité de grand projets d’équipement et renchérir leur coût global) ; relevé que dans un document de 22 pages (postérieurement remplacé par un autre document), la Communauté d’Agglomération de Bastia avait notamment évoqué un risque d’urbanisation résidentielle et commerciale non maîtrisé de terrains privés au détriment d’activités économiques futures.
L’enquête publique a pris fin le 21 février dernier. Le rapport d’enquête a été remis le 31 mars au maire de Bastia. Le 25 avril, à l’issue d’une conférence de presse, la municipalité bastiaise a remis aux journalistes un document reprenant les éléments lui étant les plus favorables, et occultant les recommandations pouvant être gênantes. Frédéric Poletti n’a pas renoncé. Dernièrement, il a a remis aux médias un dossier de presse intitulé « Révision du PLU de Bastia : ce qu’on ne vous a pas dit ». Dans ledit document, est pointée du doigt ce qui constitue selon son auteur, une persistance de la municipalité bastiaise dans les erreurs et les manquements et le caractère timoré du rapport d’enquête. .
Erreurs et lacunes « très graves »
Frédéric Poletti écrit « Ce n’est pas un plan d’urbanisme, c’est un plan de contournement des lois, des règles, de la nature, du débat, et de l’intérêt général » et détaille des erreurs et lacunes « très graves » qu’il avait déjà constatées avant l’enquête publique : terres agricoles protégées (soit 60% d’Espaces Stratégiques Agricoles) livrées à l’urbanisation sans justification sérieuse ; trajectoire stratégique imposée sans analyse des possibles (ni variantes, ni scénarios, ni étude comparative) ; choix d’urbanisation posés comme des évidences ; nature oubliée et continuités écologiques effacées (absence d’inventaire, de trame verte et bleue, d’orientations d’aménagement et de programmation environnementales structurantes) ; biodiversité ni connue, ni protégée ; incompatibilité du PLU avec les documents supérieurs (violations du PADDUC, méconnaissance de la loi Littoral, absence de prise en compte des servitudes d’utilité publique) ; évaluation environnementale lacunaire (absence d’indicateurs, mesures floues, aucune stratégie de suivi, rapport environnemental représentant une formalité et non une boussole).
Enquête publique qui enquête peu et conclut encore moins
Frédéric Poletti suggère que le rapport d’enquête est timoré. Il dénonce en effet « une enquête publique qui enquête peu et conclut encore moins » pour ce qui concerne : le manque quasi total de remise en cause de la consommation sans compensation d’Espaces Stratégiques Agricoles (griefs atténués, quelques ajustements suggérés, pas de remise en cause globale) ; l’absence de variantes (silence total, aucune mention dans le rapport ou les conclusions) ; les insuffisances des trames écologiques (promesses de corrections prises en compte sans exigences supplémentaires) ; la compatibilité avec les documents supérieurs (affirmée sans analyse, contradictions ignorées) ; l’évaluation environnementale (lacunes reconnues, mais aucune conséquence tirée). Le rapport d’enquête « invité », « recommandé », « encourage », sans jamais contraindre. Ce qui laisse au maire de Bastia toute latitude de passer outre les critiques. Plutôt que d’éclairer le débat et inciter à des corrections, le rapport d’enquête accompagne la copie municipale jusqu’à approbation.
Avis défavorable d’un acteur majeur « caché sous le tapis »
Frédéric Poletti déplore que l’avis défavorable d’un acteur majeur, la Communauté d’Agglomération de Bastia, reste « caché sous le tapis. » Il rappelle ainsi que le 17 juillet 2024, la Communauté d’agglomération de Bastia avait rendu un avis défavorable au projet de PLU. En effet, celle-ci pointait du doigt : une urbanisation mal justifiée du sud de la ville, une inadéquation du projet avec la stratégie de mobilité de l’agglomération, une absence de cohérence entre habitat, économie et transports ; des chevauchements entre zones d’activités et zones résidentielles ; un contournement du travail de planification intercommunale. Il rappelle aussi qu’il avait révélé publiquement cet avis défavorable et que le président de la Communauté d’Agglomération de Bastia n’avait pas nié l’authenticité du document formulent les réserves de son institution (mais avait soutenu que l’avis n’avait pas été transmis officiellement à la commune de Bastia).
Mise en scène communicationnelle
Enfin, Frédéric Poletti dénoncé une mise en scène communicationnelle en affirmant : « On télécharge, donc on adhère ? La mairie invente la démocratie à clics. » En effet, il relève que le rapport d’enquête, remis le 31 mars au maire de Bastia, aurait dû être rendu public sans délai. C’est la loi ! Or jusqu’au 25 avril, rien ne s’est passé. Et à cette date, il a été remis aux médias un document reprenant les éléments les plus favorables à la copie municipale et occultant les prudentes recommandations figurant dans le rapport d’enquête. En outre, Frédéric Poletti indique qu’à cette occasion, la municipalité s’est félicitée du bilan numérique et citoyen qu’elle a dressé de l’enquête publique, « 3677 visiteurs, 4519 téléchargements », et a conclu avoir obtenu un « plébiscite ». Ceci, affirme Frédéric Poletti, occulte que seulement 159 contributions ont été recueillies et est contraire au droit administratif qui indique que le silence des citoyens ne vaut jamais adhésion, surtout dans une enquête publique. Frédéric Poletti conclue en estimant « si le PLU avance, Bastia recule » car le projet municipal reste selon lui entaché d’erreurs et lacunes majeures et que l’enquête conçue pour corriger n’a été qu’une vitrine participative, sans effet sur le contenu du document.
Pierre Corsi
Rappel / Un PLU (plan local d’urbanisme) énonce les règles générales d’utilisation des sols d’un territoire communal ou intercommunal. Son élaboration a pour objet de permettre aux élus d’une commune ou d’une intercommunalité de définir une stratégie d’aménagement de l’espace urbain dans le cadre de quatre grands types de zonages (zones urbanisées, zones à urbaniser, zones naturelles, zones agricoles) afin de répondre aux besoins des habitants et des visiteurs pour ce qui concerne la protection de l’environnement, la qualité du cadre de vie, les équipements publics, le logement, les activités économiques, commerciales, touristiques, sportives et culturelles. Un PLU est opposable à toute personne publique ou privée souhaitant réaliser des rénovations modifications, réhabilitations ou constructions. Chez nous, un PLU doit être compatible avec le Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC).
Crédit photo : Poletti
Crédit photo : Journal de la Corse