Criminalité en Corse :entre tranquilité apparente et tensions profondes
Alors qu'Anticor vient de qualifier la Corse de territoire le plus corrompu de France sans parvenir à démontrer son affirmation , .....
Criminalité en Corse : entre tranquillité apparente et tensions profondes
Alors qu’Anticor vient de qualifier la Corse de territoire le plus corrompu de France sans parvenir à démontrer son affirmation, notre île présente en 2024 un visage paradoxal en matière de délinquance. Si l’île affiche un taux global d’infractions inférieur à la moyenne nationale, certaines spécificités locales, notamment liées à la criminalité organisée, viennent troubler ce tableau en apparence rassurant.
Une insécurité du quotidien, contenue mais en croissance
Avec 11 900 crimes et délits recensés pour une population de 351 276 habitants, la Corse enregistre un taux de criminalité de 33,9 pour 1 000 habitants avec un taux d’élucidation de 43,8 % contre 35 % à l’échelle nationale., bien en deçà de la moyenne française estimée à environ 55,5 pour 1 000. Ce chiffre place l’île parmi les régions les plus sûres de l’Hexagone en matière de délinquance de droit commun.
Dans le détail, les violences contre les personnes s’élèvent à 9,43 pour 1 000 habitants, contre 11,7 à l’échelle nationale. Les vols et cambriolages, avec un taux de 8,88 pour 1 000, restent également inférieurs à la moyenne nationale (14,5). En Haute-Corse, les cambriolages sont même en nette baisse : 208 faits ont été recensés en 2024, soit 65 de moins qu’en 2023.
Même tendance pour les atteintes aux biens : destructions et dégradations représentent 8,35 faits pour 1 000 habitants (contre 9,6 en France), tandis que les escroqueries et fraudes s’élèvent à 4,68, là encore en dessous de la moyenne nationale (6,3).
En 2024, les services du ministère de l’Intérieur ont recensé 2 932 destructions ou dégradations de biens dans l’Île soit 8,5 faits pour 1000 habitants. Ces statistiques placent la Corse au troisième rang des régions les plus touchées de métropole, après la Provence et les Hauts-de-France.
En 2024 les autorités ont recensé pas moins de 29 engins, appartenant à sept sociétés de BTP, partis en fumée dans l’île sans oublier les bateaux et autres navettes détruites pas incendies volontaires. Racket, concurrence sauvage ? Ce mal est ancien en Corse mais fait néanmoins penser à une société en déshérence.
La montée silencieuse de certains phénomènes
Car malgré l’apparente impression de sécurité, plusieurs indicateurs peu visibles appellent à la vigilance. Les violences sexuelles suivent la même tendance haussière qu’au niveau national, avec une augmentation de 7 % en 2024. De même, les faits liés au trafic et à l’usage de stupéfiants, s’ils restent moins nombreux qu’ailleurs (2,54 pour 1 000 contre 4,5), connaissent une progression continue. Les autorités insistent sur l’importance croissante des violences intrafamiliales, souvent peu visibles dans les statistiques globales, mais signalées comme une priorité d’intervention pour la police et la gendarmerie.
Une constante historique : la criminalité organisée
Là où la situation corse diverge radicalement du reste du pays, c’est dans le domaine de la criminalité organisée. La présence de réseaux implantés de longue date, mêlant affaires financières, rackets et parfois affaires publiques, demeure une caractéristique structurelle de l’île. En 2024, la Haute-Corse a enregistré neuf homicides et trois tentatives, un chiffre élevé à l’échelle d’un département de seulement 180 000 habitants. Ce taux place le territoire parmi les plus touchés de France en matière de meurtres, souvent liés à des règlements de comptes.
Les services de l’État le reconnaissent : ces violences graves, bien que circonscrites à certains cercles, entretiennent un climat d’intimidation et d’opacité qui échappe à la délinquance de rue.
Une réponse des pouvoirs publics ciblée
Face à ces enjeux, les services de l’État en Corse déploient une stratégie en deux volets. D’un côté, un travail de proximité pour prévenir les violences intrafamiliales, les trafics et les incivilités. De l’autre, une coopération renforcée entre justice, police et gendarmerie pour démanteler les réseaux criminels organisés. Des efforts sont également menés pour mieux protéger les victimes et accroître la transparence autour des atteintes aux biens publics, souvent au cœur des tensions entre populations locales, élus et institutions judiciaires.
Savoir interroger le passé
Ainsi, la Corse offre en 2024 un visage paradoxal. Si l’on s’en tient aux chiffres de la délinquance quotidienne, l’île semble bien plus sereine que la majorité des régions françaises. Mais cette sérénité apparente cache un sous-sol plus agité, marqué par des dynamiques de pouvoir souterraines et des logiques de violence ciblée. Comprendre la délinquance en Corse, ce n’est donc pas seulement regarder les statistiques, c’est aussi écouter ce qui, derrière les chiffres, relève de l’histoire, de la société, et des rapports de force à l’œuvre dans une île au destin singulier. Peut-être serait-il utile de convoquer des historiens, des sociologues pour mieux comprendre la pérennité d’une certaine criminalité ?
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illustration : GXC