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Balade avec « Histoire(s) en Mai »
Direction la Rome antique


Tous les chemins mènent à la Rome antique et à sa gastronomie… Démonstration par la 20 è édition d’« Histoire(s)en Mai ». Preuve par le train Bastia-Ajaccio. Tous les ans la manifestation dédiée au roman et récits historiques embarque des férus de littérature vers un horizon privilégié. Ce printemps cap sur la cuisine des Romains, ses plaisirs, ses manières de s’alimenter afin de rester sains d’esprit et de corps. En effet, contrairement à la légende, leur préférence va à l’équilibre et aux nourritures saines.

A bord de la micheline des voyageurs, tous amateurs de beaux textes et de dépaysement dans le temps et en l’occurrence dans l’espace insulaire. Avec eux Dimitri Tilloi-d’Ambrosi, historien, auteur d’un Très apprécié « Le régime des Romains » qui blackboule idées reçues et contresens en illustrant des principes culinaires que ne renierait pas la philosophie stoïcienne. Dans le wagon des CFC attention et astuces mêlées ainsi que recours à des souvenirs lointains du latin : les excursionnistes répondent à un quiz sur les repas, les fêtes, les jeux, l’humour des Romains en passant également par Cicéron, Martial et Sénèque. Ainsi progresse le chemin de fer incorporant encore traduction de proverbes du corse au latin et au français… Des passe-temps agréables, piquants, stimulants.

Le régal vénacais

La ligne ferroviaire égrène les agglomérations, traversant un paysage plus vert que le plus beau des verts. La nature s’amuse quand elle précipite à la vue montagnes somptueuses, vallées secrètes, Golo roulant ses eaux printanières pour s’assagir d’un coup dans des criques de belles rondeurs qu’on peut deviner sans mal profondes.

Le trinighellu, version modern, avance, avance… Corte dépassé survient Venaco, arrêt majeur de l’aller à Ajaccio. Venaco sur la hauteur. Pente assez raide. On monte… Venaco et son magnifique, hautain et finalement chaleureux clocher trouant un ciel que n’embarbouille plus de nuages. L’angelus et sa volée de notes d’une force puissante et glorieuse interrompt un instant les écrivains venus présenter leurs ouvrages sous un chêne vénérable et d’une ampleur singulière, aux ombres à la fois somptueuses et rafraîchissantes.

Nathalie Cohen pour « Un fauve dans Rome » et son détective Marcus Alexander, Pierre Assouline pour « L’annonce », qui nous ramène à la guerre du Kippour de 1973 et au 7 octobre dernier, ont rejoint l’expert en ce qui est du quotidien des anciens Romains qu’est Dimitri Tilloi-d’Ambrosi.

Les deux spécialistes de l’Antiquité ont questionné dans leurs livres la Rome classique et impériale. Ils disent pourquoi, enfant déjà, ils se sont passionnés pour ces temps. Pourquoi, adultes, ils ont été séduits par l’évolution qui a conduit d’un particularisme à un universalisme, même s’il n’était pas d’une absolue perfection dans le Mare Nostrum. Tous deux l’un dans une langue universitaire qui sait la simplicité, l’autre qui a opté pour un parler vulgaire (de « vulgus »), plébiscitent Néron, qui n’était pas la caricature qu’on en a fait etHadrien impressionnant sage et visionnaire politique. Tous deux insistent sur la nécessité de contextualisation de l’histoire afin de ne pas se contenter d’envisager les événements d’hier avec un œil d’aujourd’hui. Une façon de ne pas roupiller dans les bras de dame paresse et d’être éveillé… au grand dam de fleurer quelque wokisme !

Combattre les clichés

Ensuite Dimitri Tilloi-d’Amrosi s’en prend à des clichés qui ont la vie dure – ça fait du bien. Par exemple ! quel était le régime des gladiateurs ? La viande ? Que nenni ! Esclaves, ils étaient végétariens Ils mangeaient des céréales, des légumineuses, des légumes, et des fruits. La viande c’était pour les athlètes. Quant à Nathalie Cohen dont le détective est projeté à Jérusalem, elle nous incite à découvrir ou redécouvrir Flavius Josèphe, témoin des guerres des juifs contre Rome. Autre poncif battu en brèche par l’auteur du « Régime romain » : les empereurs romains ont partout imposé leur langue ? Faux. L’empire était bilingue, grec-latin, les vaincus continuaient à s’exprimer dans leurs parlers. Les Gaulois gardaient leurs variantes celtiques. Pareil pour les originaires de la sphère punique ou pour les gens de l’éloignée Palmyre.

On attend Pierre Assouline à l’écriture si fine et cultivée. Il est là. Il doit discuter de « L’annonce », son livre le plus récent. Il n’est guère loquace ? Pourtant il y a flot de questions dans l’air sur ce texte ! On voudrait en savoir plus !... « L’annonce » n’a évidemment rien à voir avec celle faite à Marie par l’archange Gabriel. « L’annonce » est celle de la mort, qui court toute l’histoire juive depuis des siècles, depuis toujours. La mort qui va de pair avec les guerres continuelles faites par les fils d’Abraham. Le roman-récit d’Assouline conte l’amour de Rafaël et d’Esther, amour née lors de la guerre du Kippour et leurs retrouvailles au moment du 7 octobre, date du pogrom perpétré par le Hamas. On comprend la souffrance, la colère, le dégoût, l’horreur éprouvés par les Israéliens et les juifs de la diaspora, ce qui n’empêche pas d’émettre des interrogations à propos du malheur des autres. De ceux d’en face. Des Palestiniens. De cela le roman ne dit rien. La peine, l’affliction en seraient-ils épargnés ? Et pourtant le prix du sang est là. Et les innocents…

Au partage de l’horreur…

L’écrivain israélien de langue français, Gabriel Roth avait coutume, il y a longtemps, de constater : « Nous sommes en conflit depuis des temps immémoriaux avec nos voisins. Problème : ces voisins sont nos frères et les guerres, dont on sort le plus difficilement, sont les guerres fratricides. Alors comment faire ? ». Nombreux sont ceux dans l’auditoire, qui restent frustrés après l’intervention de Pierre Assouline. Certes son texte, vu, ressenti, du côté israélien sème l’effroi. Il mérite d’être analysé, décortiqué. Mais… On devait reparler du livre le lendemain pendant la visite du musée Fesch. Mais l’auteur de « L’annonce » n’est pas apparu. Un oubli !...

L’arrêt à Venaco parvient cependant à prendre les couleurs radieuses d’un sourire, celui de l’association, Girandulibru, qui se plait tant à la littérature et sait confectionner de magnifiques et originaux buffets pour remonter le moral et flatter les papilles de ses invités. Avec un brin d’autodérision les adhérentes de l’association prennent le soin d’emblée de préciser qu’elles ne peuvent rivaliser avec le menu gargantuesque servi à Hamilcar et ses soldats. Sauf, qu’elles se sont surpassées avec leurs entrées, tartes aux herbes, verrines d’houmous, dont elles soulignent qu’il était un met favori des Romains. Point besoin de citer les fromages locaux, les desserts. Elles ont allié savoir-faire et créativité comme cette pièce sculptée portant l’excellence de notre charcuterie !

A Ajaccio, stop dodo dans une résidence de vacances située face à la ville impériale, autrement dit Porticcio. Sommeil bien mérité, précédé d’un festin littéraire interprété par Dominique Gaudin de « Girandululibru, jouant un chef étoilé dénommé Brillant Savaurien, prestation délirante à la sauce d’un potpourri élaboré à partir de proses humoristiques piquées dans Gainsbourg, Colette, Brillat-Savarin, Pierre Dac, Nicolas Boileau, Ozanne, Maupassant et une pléiade d’écrivains en veine de tournures assaisonnées au rire. Dame Gaudin nous en apprend de belles tandis que les oiseaux s’époumonnent au crépuscule. Décidemment l’association vénacaise soigne ses visiteurs aux petits oignons.

Le programme conçu par « Histoire(s) en Mai » c’est également des marches qui galbent les mollets entre deux rendez-vous, pas trop indiquées à ceux qui ne sont guère habitués à ce style d’entrainement ou qui sont entravés par des muscles et des articulations plutôt déficients. Pas de quoi néanmoins décourager les fans de littérature.

« Accords et dissonances »

Dimanche matin, musée du nom de l’oncle Napoléon, Fesch - moitié corse moitié valaisan. Précision regarder l’exposition temporaire « Accords et dissonances » proposée par le FRAC. Exposition de photos contemporaines accrochées au voisinage des chefs-d’œuvre du musée ajaccien. Mariage de l’ancien et du moderne à tester. Juxtaposition surprenante à décrypter. Le classicisme en peinture dialoguant avec la photographie. Hiatus ? Continuité ?

« Accords et dissonances », l’intitulé en lui-même est réjouissant puisqu’il s’agit de vérifier si les œuvres du FRAC Corse résonnent avec celles du musée. En ce sens le parcours pensé par le Fonds d’art contemporain de Corse peut devenir ludique et alléchant. Une vingtaine de photographes ont été réunis pour l’occasion.Donnent à réfléchir « Lumpenproletariat » de Leonardo Boscani, Une Vierge de Degli Esposti.

On peut regretter que d’autres œuvres » photographiques ne réussissent pas le pari originel ou interpelle peu.

Michèle Acquaviva-Pache
Photos : Michèle Acquaviva -Pache

Un grand merci au personnel du musée Fesch si attentif aux visiteurs en difficulté.



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