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La guerre Iran-Israël : une victoire en trompe -l'oeil pour Trump, un coup de maître pour Poutine

Un joueur d'échecs contre un joueur de poker

La guerre Iran-Israël : une victoire en trompe-l’œil pour Trump, un coup de maître pour Poutine

En apparence, Donald Trump sort renforcé de ce court mais intense conflit opposant les États-Unis à l’Iran. Les frappes ciblées contre les installations nucléaires iraniennes ont offert à la Maison-Blanche un moment de gloire militaire. Selon plusieurs sources, une partie significative de l’arsenal nucléaire iranien a été détruite. Une victoire nette ? En réalité, cette démonstration de force masque mal les failles du président américain, et détourne l’attention de ses échecs intérieurs. Pire encore : elle offre un avantage stratégique inattendu à Vladimir Poutine, qui n'a même pas eu besoin de tirer un coup de feu pour tirer profit du chaos occidental.



Une victoire militaire, mais partielle

D’un point de vue strictement militaire, l’opération américaine est un succès. Plusieurs complexes souterrains iraniens ont été neutralisés, et Téhéran a été contraint de suspendre temporairement son programme nucléaire. Trump jubile : il peut affirmer avoir protégé Israël, rétabli la dissuasion et affaibli un adversaire traditionnel. Mais cette victoire est, au fond, fragile. L’Iran conserve une capacité de nuisance intacte grâce à ses réseaux de milices dans la région. Et son programme nucléaire, même ralenti, n’est pas anéanti. Il se déplacera, se dissimulera, et reprendra — plus discret, plus difficile à cibler.

Une manœuvre politique intérieure

À quelques mois de l’élection présidentielle, Trump utilise ce conflit éclair comme levier de communication. Son électorat voit en lui le défenseur musclé de l’Amérique, capable de frapper vite et fort. Mais ce récit héroïque masque une réalité plus sombre : une économie au ralenti, une inflation persistante, une polarisation politique extrême et des scandales judiciaires non résolus. Le conflit extérieur permet de faire oublier, pour un temps, les problèmes domestiques. Mais cette diversion est éphémère. L’enthousiasme guerrier ne comble ni les fractures sociales ni les incertitudes économiques.

L’Europe contournée, Poutine récompensé

Et pendant ce temps, Vladimir Poutine avance ses pions. Profitant du chaos médiatique, il reprend l’initiative sur le dossier ukrainien. En appelant directement Donald Trump pour évoquer une sortie de crise, il marginalise l’Europe et impose un nouveau rapport de force. En excluant les Européens des discussions et en n’avertissant Zelensky qu’après coup, Trump fait de Poutine un interlocuteur privilégié. Et le président russe en profite : il tue l’idée d’un retour aux frontières de 2014, d’une adhésion ukrainienne à l’OTAN, et pousse Zelensky à accepter un processus de négociation faussé, sans véritable garantie occidentale. Sur le plan économique, son pétrole va profiter d’une baisse des rendements iraniens en direction de la Chine et d’une éventuelle hausse des prix.

Un joueur d’échecs contre un joueur de poker

Poutine comprend mieux que quiconque la logique trumpienne. Il sait flatter, provoquer, gagner du temps. Depuis trois ans, il joue une guerre d’usure. Résilient face aux sanctions, soutenu par des revenus énergétiques solides, il attend son heure. En relançant des discussions sous l’égide américaine, il transforme la guerre en Ukraine en dossier bilatéral. Trump, obsédé par les apparences, se satisfait d’une promesse de paix, même bancale. Et pendant ce temps, Poutine sécurise ses gains territoriaux et désunit un peu plus le camp occidental. Il sait que l’armement fourni à Israël par les États-Unis vont faire défaut à l’Ukraine. Les services secrets de plusieurs pays ont prévenu que la Russie préparait une gigantesque offensive d’été avec un atout majeur : jamais autant de jeunes Russes n’ont été mobilisés grâce aux soldes qui leur sont payées. L’appareil de propagande du Kremlin, désormais entièrement tourné vers une logique de guerre totale, renforce cette dynamique de mobilisation.

La paix des dupes ?

Ce que Trump présente comme un succès diplomatique pourrait donc bien se révéler un piège stratégique. En cherchant un accord rapide, il abandonne l’Ukraine à son sort, désengage les États-Unis, et remet à plus tard la reconstruction d’un ordre européen crédible. L’Europe, humiliée et divisée, se retrouve avec la responsabilité de garantir la sécurité de Kiev sans les moyens nécessaires. C’est le scénario rêvé par le Kremlin : une paix instable, gelée, qui affaiblit durablement l’unité occidentale.

Une paix déjà perdue ?

Trump sort de la guerre des Douze Jours avec des images de victoire. Mais ce succès est superficiel. Il ne résout ni la question iranienne, ni les tensions internes américaines. Poutine, lui, avance lentement mais sûrement. Il regagne de l’influence, dicte le tempo diplomatique, et isole ses adversaires. Dans ce duel à distance, la victoire immédiate revient à Trump. Mais la partie longue semble favorable à Moscou. Une guerre vite gagnée, une paix peut-être déjà perdue.

GXC
Photo: D.R
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