Une France à +4 °C : ce qui nous attend si rien ne change
Le réchauffement climatique n'est plus une prévision lointaine
Une France à +4 °C : ce qui nous attend si rien ne change
Le réchauffement climatique n'est plus une prévision lointaine : il est déjà à l'œuvre, et la France est en première ligne. « Aujourd’hui, le réchauffement atteint +1,3 °C à l’échelle mondiale, mais déjà +1,9 °C en France », rappelle Lola Corre, climatologue à Météo-France. Dans une interview donnée à Corse Matin. Une différence qui s'explique par le fait que les continents, et notamment l’hémisphère Nord, se réchauffent plus vite que les océans. Ce décalage s’accentuera dans les décennies à venir. Pour un réchauffement global de +2 °C, la France enregistrerait en moyenne +2,7 °C. Et si nous atteignons +3 °C à l’échelle mondiale, cela équivaudra à +4 °C dans l’Hexagone avec des pointes dans les zones méditerranéennes. Ce scénario extrême, mais plausible, dessine une France profondément transformée enchaînant les catastrophes environnementales mais aussi sociales et économiques.
Des étés de plus en plus invivables
Dans une France à +4 °C, les vagues de chaleur deviennent la norme. Le nombre de jours de canicule serait multiplié par 10 par rapport à la fin du XXe siècle. Si l’été 2022, avec ses 33 jours de canicule et sa précocité record dès juin, apparaît aujourd’hui exceptionnel, il serait perçu comme un été frais dans un climat réchauffé de 4 °C. Le record actuel de température, 46 °C à Vérargues en 2019, pourrait atteindre 50 °C dans de nombreuses régions. « Les étés seront plus chauds, plus longs et plus instables », prévient Lola Corre.
Nuits tropicales en Méditerranée et jusqu’à Paris
Les régions du sud seront les plus durement touchées. À Nice, les « nuits tropicales », où la température ne descend pas sous les 20 °C, étaient déjà plus de 70 par an ces dernières années. En 2022, on en a compté plus de 100. À +4 °C, elles pourraient devenir la règle toutes les nuits d’été. Pire, ce phénomène s’étendra au nord du pays : la région parisienne pourrait vivre entre 30 et 40 nuits tropicales par an, un niveau comparable à celui de la Méditerranée actuelle.
La sécheresse deviendra structurelle
La chaleur n’est pas le seul péril. La sécheresse deviendra un fléau chronique. Elle résulte d’un double déséquilibre : moins de pluie en été, et plus d’évaporation des sols et des végétaux. En 2022, la France a connu dix mois de sécheresse, touchant 35 % des sols. Ce qui est encore considéré comme extrême aujourd’hui deviendra fréquent dans un climat à +4 °C. La moitié sud pourrait subir entre 5 et 7 mois de sol sec par an. Ces périodes de stress hydrique pourront durer plusieurs années consécutives, malgré des hivers parfois plus humides. La gestion de l’eau deviendra l’un des enjeux majeurs du siècle. Les tensions entre secteurs — agriculture, industrie, usages domestiques — pourraient s’aggraver, rendant indispensables des choix politiques courageux, des économies drastiques et une révision des priorités.
Des pluies plus rares mais plus violentes
Autre manifestation du dérèglement : les précipitations extrêmes. L’air chaud contenant davantage de vapeur d’eau, les pluies intenses deviendront plus fréquentes. Les épisodes cévenols, qui provoquent de véritables déluges, comme celui d’octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes (600 mm en 24 heures), seront accentués. En octobre 2024, Valence (Espagne) a ainsi enregistré près de 500 mm de pluie en seulement huit heures. Dans la moitié nord, les hivers pourraient devenir plus pluvieux, avec une augmentation de 15 % des précipitations par rapport à la fin du XXe siècle, entraînant des inondations répétées. L’hiver 2023-2024 dans le Pas-de-Calais, marqué par des sols saturés et des inondations à répétition, en a donné un aperçu.
Mieux s’informer pour mieux s’adapter
Face à ces bouleversements, des outils existent pour anticiper et s’adapter. Des plateformes comme DRIAS Les futurs du climat ou Climadiag permettent d’accéder à des données climatiques locales et à des projections précises. Elles sont essentielles pour les collectivités, les agriculteurs, les urbanistes, mais aussi les citoyens souhaitant comprendre les risques et adapter leurs choix. L’information locale, concrète, accessible, est un levier indispensable pour bâtir des réponses efficaces sur le terrain, en lien avec les réalités vécues.
Atténuer et s’adapter, sans opposer les deux
Mais s’adapter ne suffit pas. « Il ne faut pas croire que l’adaptation permettrait de renoncer à l’atténuation », insiste Lola Corre. Préparer la France à +4 °C ne doit pas signifier accepter ce futur comme inévitable. Réduire les émissions de gaz à effet de serre reste une priorité absolue. Atténuation et adaptation sont deux faces d’une même stratégie : l’une pour éviter le pire, l’autre pour survivre dans un monde déjà changé.
GXC
photo :DR