L'île face à la soif estivale
Chaque été, le manque d’eau s’aggrave sur l’île méditerranéenne.
L'île face à la soif estivale
Chaque été, le manque d’eau s’aggrave sur l’île méditerranéenne. Touristes et habitants subissent ses conséquences. Les records de chaleur et la surfréquentation creusent les déficits. La situation est devenue critique.
Sécheresse record
La sécheresse frappe fort cette année. L’épisode de sécheresse actuel figure parmi les plus graves jamais observés sur l’île. Des experts locaux, dont le chef du service Météo France en Corse, confirment le caractère inédit de l’événement, en soulignant que la côte orientale de l’île, historiquement la plus arrosée, n’avait jamais connu une telle sécheresse depuis au moins 1960. La sécheresse agricole et le déficit hydrologique sont ainsi jugés « sans précédent.En Corse-du-Sud, la température moyenne a dépassé de 4 °C la normale et la pluviométrie s’est effondrée, à 1 % des précipitations habituelles en juin. En Haute-Corse, +3,4 °C et seulement 7,5 % des pluies normales sur la même période. Résultat : « sécheresse exceptionnelle », rivières à sec, barrages en baisse et alertes préfectorales. Les restrictions d’usage de l’eau se multiplient : interdiction d’arrosage, de remplissage des piscines, limitation du lavage des véhicules. Certains villages connaissent des rationnements. Cette situation accroît les risques d'incendies de forêt et menace la biodiversité. Les rivières s'assèchent, les mares disparaissent, mettant en danger les espèces, en détruisant les milieux naturels et en rendant les écosystèmes plus vulnérables et moins résilients face aux prochaines crises. L'Office National des Forêts (ONF), les associations et les services de secours sont mobilisés.
Secteurs en tension
Les agriculteurs et éleveurs, premiers impactés, font face à la baisse dramatique des productions végétales, à l’épuisement des pâturages et au stress hydrique du bétail. Les récoltes de céréales et fourrages poursuivent leur chute. En outre une sécheresse répétée peut détériorer la qualité des sols et compromettre la biodiversité utile à l'agriculture, menaçant ainsi la durabilité des exploitations à moyen terme. Des citernes d’urgence sont déployées, sapeurs-pompiers et Office hydraulique tentent de limiter les pertes. Professionnels et agriculteurs font preuve d’adaptation, mais expriment l’incertitude sur la pérennité de leurs activités. Le tourisme exerce une forte pression sur les ressources en eau. La population de l'île est multipliée par dix en été. La consommation d’eau explose avec +40 % à Ajaccio et +32 % dans le sud-est, notamment à cause des hôtels, campings et plaisanciers. Les restrictions limitent le remplissage des piscines et le lavage des bateaux. Professionnels et visiteurs témoignent de difficultés croissantes. Les conflits d’usage opposent habitants, agriculteurs, hôteliers, restaurateurs et touristes. L’image même de la destination est en jeu.
Révolution aquatique
Plusieurs solutions techniques sont envisagées pour répondre à la crise d’eau sur l’île, avec un accent particulier sur le dessalement d’eau de mer et l’optimisation des ressources existantes. La principale solution en cours de déploiement reste le dessalement d’eau de mer. À Rogliano, une usine de dessalement, remise en marche ce printemps, produit jusqu’à 500 m³ d’eau potable par jour. La technique est précieuse pour l’alimentation domestique, mais son coût et la gestion du rejet de saumure posent des questions. D’autres projets sont à l’étude, comme la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) et la collecte des eaux pluviales sont de plus en plus étudiées comme compléments, pour l’irrigation ou certains usages non alimentaires. Le recours au dessalement s’impose donc déjà comme une voie majeure dans l’adaptation insulaire au stress hydrique, en complément de politiques de sobriété et de diversification des sources. Plusieurs autres solutions fondées sur la nature ont aussi été mises en place comme les actions de renaturation, désimperméabilisation des sols, restauration des zones humides pour améliorer la résilience des écosystèmes et la gestion naturelle de l’eau. Devant la répétition et l’aggravation des épisodes de sécheresse, un changement de mentalité semble inévitable. Les pouvoirs publics, associations et scientifiques appellent à une « révolution des consciences ». Sensibilisation, pratiques économes, nouveaux équipements, partage de la ressource : la mobilisation collective s’impose pour éviter que l’eau ne devienne un luxe inaccessible
Maria Mariana
Crédits photographiques : Corse sauvage
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