Non au piège Beauvau, non à la dépossession
Des centaines de militants et sympathisants se sont déplacés le samedi 2 et le dimanche 3 août et la plupart d’entre eux ont été des auditeurs attentifs
Non au piège Beauvau, non à la dépossession
Certes les Ghjurnate d’aujourd’hui ne réunissent plus des milliers de personnes. Fini les grands chapiteaux remplis des années 1970 autonomistes et 1980 LLN (Lutte de Libération Nationale) ! Les mode de vie ont changé. Le rapport à la politique a suivi avec notamment une difficulté avérée de toutes les familles politiques à mobiliser. Néanmoins des centaines de militants et sympathisants se sont déplacés le samedi 2 et le dimanche 3 août et la plupart d’entre eux ont été des auditeurs attentifs durant les échanges et ont partagé des moments de convivialité (au bar, durant les animations musicales et les deux soirées culturelles) et de découverte (stands de la foire artisanale). Et à l’heure du meeting de clôture, elles et ils étaient plusieurs centaines à se presser sous le chapiteau, et autour aussi, pour écouter l’intervention de Petr’Antone Tomasi.
La première Ghjurnata a débuté avec, dans la matinée, la traditionnelle conférence de presse internationale tenue par les délégations présentes puis, au cours de l’après-midi, avec le point sur l’action du Front international de décolonisation. Lors de ces séquences, ont été évoqués les problématiques des « peuples en lutte contre le colonialisme» et le respect du droit de ces peuples à déterminer librement leur destin. La situation en Nouvelle-Calédonie a été le sujet dominant bien que, quelques jours auparavant, il ait déjà été abondamment abordé dans le cadre d’une conférence de presse organisée par Nazione ; évènement au cours duquel Christian Tein, président du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), a affiché son opposition à l'accord de Bougival. L’intéressé a certes précisé qu’il s‘agissait d’une prise de position personnelle, mais nul doute que celle-ci pèsera lourd lors du congrès du FLNKS devant prochainement accepter ou refuser l’accord. En effet, Christian Tein, libéré depuis peu, qui a été incarcéré plus d’un an dans l’Hexagone du fait de son implication présumée dans l’organisation des émeutes insurrectionnelles canaques survenues en mai de l’an passé, est très populaire parmi les indépendantistes kanaks, et plus particulièrement chez les plus jeunes d’entre-eux. Dans la soirée, a eu lieu le débat tres attendu « Droit de la terre, spéculation, colonisation de peuplement » auquel ont participé : Jean-Baptiste Arena (président de la Chambre Agriculture), Pierre François Bellini (maire de Carbuccia), Francois-Xavier Ceccoli (député, maire de San Giuliano), Joseph Colombani (ancien président de la Chambre d’Agriculture 2B), Jean-Baptiste Filippi (maire de Moncale), Jean Baptiste Luccioni (maire de Pietrosella), Jean-Charles Orsucci (maire de Bonifacio), Pierre Poli (maire cantharellale), Pierre Savelli (maire de Bastia). Ce débat animé par l’ancien président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, a permis de constater de nombreuses convergences. Les participants ont affirmé la nécessité de résister à une spéculation immobilière aboutissant à une dépossession des Corses et l’effet déstabilisateur sur la société corse de la déferlante de nouveaux arrivants.
Au fil des interventions, ont été déplorés : une spéculation immobilière affectant le littoral et commençant à s’attaquer aux villages de l’intérieur ; des taux de résidences secondaires représentant plus de 60 % du bâti dans certaines communes ; la difficulté pour les Corses de se loger du fait du montant élevé des loyers dans le parc privé ; un manque de logements sociaux aggravé par la forte demande émanant de publics prioritaires nouvellement arrivés sur l’île ; la part de plus en plus belle faite à la location saisonnière. Il a été admis que pouvait représenter une option la loi Le Meur rendant possible l'arrêt partiel ou total des constructions de résidences secondaires sur une commune. La plupart des intervenants ont dit leur souhait que la fiscalité locale différencie les résidences secondaires vouées à la location par des acheteurs non corses et habitant hors de Corse, et les maisons de villages classées « résidence secondaires » du fait que leurs propriétaires corses travaillent en ville ou hors de Corse. Enfin, l’urgence d’instaurer un statut de résident pour limiter non seulement la spéculation foncière mais aussi la colonisation de peuplement a été avancée par les maires nationalistes. Jean-Guy Talamoni a alors rappelé qu’une délibération demandant l’instauration d’un statut de résident avait été votée par l'Assemblée de Corse durant la mandature Paul Giacobbi mais rejetées par l’État. Lors de la deuxième Ghjurnata, ont eu lieu quatre échanges : l’organisation de la santé, rapport entre culture et engagement politique, possibilités de faire avancer l’objectif d’indépendance à partir du combat municipal à la lumière des expériences sarde et catalane, situations et perspectives de la Corse et de la Kanaky confrontées à la domination française. Ces échanges, tout comme d’ailleurs celui de la veille « Droit de la terre, spéculation, colonisation de peuplement » ont été très suivis.
Ce constat permet d’ailleurs d’évoquer la question de l’affluence. Certes les Ghjurnate d’aujourd’hui ne réunissent plus des milliers de personnes. Fini les grands chapiteaux remplis des années 1970 autonomistes et 1980 LLN (Lutte de Libération Nationale) ! Les mode de vie ont changé. Le rapport à la politique a suivi avec notamment une difficulté avérée de toutes les familles politiques à mobiliser. Néanmoins des centaines de militants et sympathisants se sont déplacés le samedi 2 et le dimanche 3 août et la plupart d’entre eux ont été des auditeurs attentifs durant les échanges et ont partagé des moments de convivialité (au bar, durant les animations musicales et les deux soirées culturelles) et de découverte (stands de la foire artisanale). Et à l’heure du meeting de clôture, elles et ils étaient plusieurs centaines à se presser sous le chapiteau, et autour aussi, pour écouter l’intervention de Petr’Antone Tomasi.
Le piège de Beauvau
Le porte-parole de Nazione a, en langue corse, d’emblée annoncé la couleur en réaffirmant le sens de la démarche de Nazione : « custruisce un paese libaru è indipendente ». Ceux qui espérait encore un peu que Nazione pourrait s’engager dans la voie du compromis n’ont pu que perdre leurs dernières illusions car Petr’Antone Tomasi leur a asséné trois choses. Primo, il leur à dit qu’en s’engageant à fond dans le processus Beauvau, ils avaient commis un péché originel « Le 17 mars 2022, un protocole d’accord avait été signé entre Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur de la France et le Président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, qui fixait les fameuses « lignes rouges » qui excluaient du champ des discussions tout ce qui pour nous, et pour la lutte nationale corse, relève de l’essentiel. L’acceptation de ces lignes rouges - ou plutôt « bleu-blanc-rouge » - avaient eu pour conséquence de renoncer à la reconnaissance des droits nationaux du peuple corse, et notamment de son droit à l’autodétermination. Elles avaient pour conséquence de faire obstacle à des mesures vitales pour faire face à la colonisation de peuplement, à la spéculation immobilière et donc à la dilution de notre identité nationale.
Avec ces lignes rouges, il ne pouvait y avoir ni co-officialité de la langue, ni statut de résident, ni corsisation des emplois, ni corps électoral légitime. Nous l’avions dit, objectivement, factuellement, ce protocole Darmanin-Simeoni qui avalisait ces lignes rouges, ce fut le péché originel. La faute stratégique première qui ne pouvait mener le reste des discussions que dans une impasse politique. » Deuxio, il leur a dit qu’ils s’étaient faits les acteurs et les complices d’une supercherie : « La grande illusion consistait à faire croire que les élus de la Corse allaient discuter avec le gouvernement français de tous les points auxquels ils avaient déjà renoncé par écrit quelques mois plus tôt. ». Tertio, il leur a dit qu’ils étaient tombées dans un piège : « Le ministre Rebsamen a été limpide quant à la portée du projet qui sera discuté par le Parlement : « Je voudrais rappeler que dans ce contexte ne figure ni le peuple corse, ni le statut de résident, ni [la co-officialité] de la langue corse». et qu’ « il n'y aura pas de décision législative prise par l'Assemblée de Corse qui ne soit, bien évidemment, validée par le Parlement » […] Pour ceux qui ont fait semblant de ne pas comprendre, les choses sont désormais claires : ils ont signé pour rien et même pour moins que rien. Ni peuple, ni terre, ni langue, ni autonomie. Mais le statu quo gravé dans le marbre de la Constitution française, potentiellement pour des années ou des décennies. » Petr’Antone Tomasi a par ailleurs aussi rafraîchit des mémoires en rappelant que le processus Beauvau avait eu pour origine une tragédie et une révolte et que l’enseignement à retenir était que face à l’État, seul le rapport de force rend la Corse audible et ouvre des perspectives d’avancées : « Nous nous approchons donc du dénouement d’un cycle qui a débuté en mars 2022 à la suite d’un drame, la mort d’un enfant de cette terre, d’un patriote, de l’un des nôtres. Il s’appelait Yvan Colonna et il a été assassiné, dans des conditions troubles, dans une prison française. Les Corses, et notamment la jeunesse, se sont alors révoltés, de manière spontanée, pour crier leur colère face au sort funeste réservé à l’un des leurs et, plus largement, pour revendiquer leurs droits en tant que peuple. Après avoir foulé du pied, des années durant, l’expression de la démocratie corse, c’est en réponse à cette révolte populaire que l’Etat français s’était alors engagé, selon ses mots, à créer les conditions d’un «processus à vocation historique».
Nazione prend et prendra toutes ses responsabilités.
Petru Antone Tomasi a longuement conclu en affirmant que Nazione prend et prendra toutes ses responsabilités. D’abord responsable en motivant totalement son choix : « En toute logique, l’hiver 2024, nous avons refusé de nous joindre au concert de louanges au moment de la signature de « L’ Accord de Beauvau», puisque nous affirmions que ce texte, tel qu’il était rédigé, empêchait tout ce pour quoi nous nous étions battus. Non seulement il n’était pas question de peuple, de co-officialité, de statut de résident mais nous disions déjà, à cette époque, qu’il n’y avait même pas d’autonomie, puisque l’Assemblée de Corse n’était pas libre de voter ses propres lois et restait soumise à la tutelle du Parlement française. » Ensuite responsable en assumant : « Nous demandons l’abandon pur et simple de ce projet de statut qui est néfaste pour la Corse et pour les Corses.
Nous assumons sans ambiguïté et sans équivoque cette opposition et nous sommes prêts, demain, si un texte de cet acabit venait à être soumis au vote des Corses, à assumer notre désaccord sans aucun état d’âme». Également responsable en refusant de céder au chantage : « Le gouvernement français, le Président du Conseil exécutif, l’ensemble des signataires nous expliquent que l’Accord de Beauvau est le seul horizon possible. Ils nous répètent en chœur qu’il n’y a pas d’autres choix, c’est Beauvau ou le chaos! C’est l’application à la lettre de la doctrine TINA, popularisée en son temps par Margaret Thatcher en Angleterre pour imposer ses politiques antisociales et reprise depuis par ses nombreux disciples : TINA, c’est-à-dire « There is not alternative », il n’y a pas d’alternative possible. Nous affirmons, pour notre part qu’il peut, et qu’il doit, y avoir une alternative à Beauvau. » Enfin responsable en proposant des terrains et des démarches pour établir un rapport de force avec l’État : « Lorsque la page du triste épisode de Beauvau va se refermer, quel qu’en soit l’issue, il faudra bien écrire une page nouvelle, et celle-ci plus glorieuse, de l’histoire notre pays. Pour cela, la Corse aura besoin de l’engagement de tous ses enfants. À ce moment-là, nous savons que des patriotes qui ont sincèrement cru au caractère historique de l’Accord signé par les autonomistes et qui ont été trompés, seront à nos côtés […] La protection des droits du peuple corse face au défi de la colonisation de peuplement doit donc être aujourd’hui la mère des batailles […] Pour la première fois, des élus de toutes sensibilités ont exprimé, d’une même voix leur angoisse de la dépossession. Il faut désormais que ce diagnostic partagé permette, demain d’obtenir, ensemble les moyens de stopper l’hémorragie foncière.
Pour donner un suite concrète à ce débat, nous prendrons des initiatives dès la rentrée. Nous sommes prêts à accompagner toute démarche, toute proposition, y compris lorsqu’elle ne vient pas de nos rangs, qui ira dans le sens de la préservation de notre patrimoine foncier. Nous voulons lancer un appel aux maires de Corse […] Pensez-vous qu’il appartient aux 5000 nouveaux arrivants par an de décider à notre place de l’avenir de la Corse et bientôt à élire les premiers maires représentant la colonisation de peuplement ? À l’évidence la réponse est non ! Dès la rentrée, nous remettrons donc au cœur du débat politique la proposition de constituer un corps électoral corse légitime. »
Pierre Corsi
Photos : Journal de la Corse
Certes les Ghjurnate d’aujourd’hui ne réunissent plus des milliers de personnes. Fini les grands chapiteaux remplis des années 1970 autonomistes et 1980 LLN (Lutte de Libération Nationale) ! Les mode de vie ont changé. Le rapport à la politique a suivi avec notamment une difficulté avérée de toutes les familles politiques à mobiliser. Néanmoins des centaines de militants et sympathisants se sont déplacés le samedi 2 et le dimanche 3 août et la plupart d’entre eux ont été des auditeurs attentifs durant les échanges et ont partagé des moments de convivialité (au bar, durant les animations musicales et les deux soirées culturelles) et de découverte (stands de la foire artisanale). Et à l’heure du meeting de clôture, elles et ils étaient plusieurs centaines à se presser sous le chapiteau, et autour aussi, pour écouter l’intervention de Petr’Antone Tomasi.
La première Ghjurnata a débuté avec, dans la matinée, la traditionnelle conférence de presse internationale tenue par les délégations présentes puis, au cours de l’après-midi, avec le point sur l’action du Front international de décolonisation. Lors de ces séquences, ont été évoqués les problématiques des « peuples en lutte contre le colonialisme» et le respect du droit de ces peuples à déterminer librement leur destin. La situation en Nouvelle-Calédonie a été le sujet dominant bien que, quelques jours auparavant, il ait déjà été abondamment abordé dans le cadre d’une conférence de presse organisée par Nazione ; évènement au cours duquel Christian Tein, président du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), a affiché son opposition à l'accord de Bougival. L’intéressé a certes précisé qu’il s‘agissait d’une prise de position personnelle, mais nul doute que celle-ci pèsera lourd lors du congrès du FLNKS devant prochainement accepter ou refuser l’accord. En effet, Christian Tein, libéré depuis peu, qui a été incarcéré plus d’un an dans l’Hexagone du fait de son implication présumée dans l’organisation des émeutes insurrectionnelles canaques survenues en mai de l’an passé, est très populaire parmi les indépendantistes kanaks, et plus particulièrement chez les plus jeunes d’entre-eux. Dans la soirée, a eu lieu le débat tres attendu « Droit de la terre, spéculation, colonisation de peuplement » auquel ont participé : Jean-Baptiste Arena (président de la Chambre Agriculture), Pierre François Bellini (maire de Carbuccia), Francois-Xavier Ceccoli (député, maire de San Giuliano), Joseph Colombani (ancien président de la Chambre d’Agriculture 2B), Jean-Baptiste Filippi (maire de Moncale), Jean Baptiste Luccioni (maire de Pietrosella), Jean-Charles Orsucci (maire de Bonifacio), Pierre Poli (maire cantharellale), Pierre Savelli (maire de Bastia). Ce débat animé par l’ancien président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni, a permis de constater de nombreuses convergences. Les participants ont affirmé la nécessité de résister à une spéculation immobilière aboutissant à une dépossession des Corses et l’effet déstabilisateur sur la société corse de la déferlante de nouveaux arrivants.
Au fil des interventions, ont été déplorés : une spéculation immobilière affectant le littoral et commençant à s’attaquer aux villages de l’intérieur ; des taux de résidences secondaires représentant plus de 60 % du bâti dans certaines communes ; la difficulté pour les Corses de se loger du fait du montant élevé des loyers dans le parc privé ; un manque de logements sociaux aggravé par la forte demande émanant de publics prioritaires nouvellement arrivés sur l’île ; la part de plus en plus belle faite à la location saisonnière. Il a été admis que pouvait représenter une option la loi Le Meur rendant possible l'arrêt partiel ou total des constructions de résidences secondaires sur une commune. La plupart des intervenants ont dit leur souhait que la fiscalité locale différencie les résidences secondaires vouées à la location par des acheteurs non corses et habitant hors de Corse, et les maisons de villages classées « résidence secondaires » du fait que leurs propriétaires corses travaillent en ville ou hors de Corse. Enfin, l’urgence d’instaurer un statut de résident pour limiter non seulement la spéculation foncière mais aussi la colonisation de peuplement a été avancée par les maires nationalistes. Jean-Guy Talamoni a alors rappelé qu’une délibération demandant l’instauration d’un statut de résident avait été votée par l'Assemblée de Corse durant la mandature Paul Giacobbi mais rejetées par l’État. Lors de la deuxième Ghjurnata, ont eu lieu quatre échanges : l’organisation de la santé, rapport entre culture et engagement politique, possibilités de faire avancer l’objectif d’indépendance à partir du combat municipal à la lumière des expériences sarde et catalane, situations et perspectives de la Corse et de la Kanaky confrontées à la domination française. Ces échanges, tout comme d’ailleurs celui de la veille « Droit de la terre, spéculation, colonisation de peuplement » ont été très suivis.
Ce constat permet d’ailleurs d’évoquer la question de l’affluence. Certes les Ghjurnate d’aujourd’hui ne réunissent plus des milliers de personnes. Fini les grands chapiteaux remplis des années 1970 autonomistes et 1980 LLN (Lutte de Libération Nationale) ! Les mode de vie ont changé. Le rapport à la politique a suivi avec notamment une difficulté avérée de toutes les familles politiques à mobiliser. Néanmoins des centaines de militants et sympathisants se sont déplacés le samedi 2 et le dimanche 3 août et la plupart d’entre eux ont été des auditeurs attentifs durant les échanges et ont partagé des moments de convivialité (au bar, durant les animations musicales et les deux soirées culturelles) et de découverte (stands de la foire artisanale). Et à l’heure du meeting de clôture, elles et ils étaient plusieurs centaines à se presser sous le chapiteau, et autour aussi, pour écouter l’intervention de Petr’Antone Tomasi.
Le piège de Beauvau
Le porte-parole de Nazione a, en langue corse, d’emblée annoncé la couleur en réaffirmant le sens de la démarche de Nazione : « custruisce un paese libaru è indipendente ». Ceux qui espérait encore un peu que Nazione pourrait s’engager dans la voie du compromis n’ont pu que perdre leurs dernières illusions car Petr’Antone Tomasi leur a asséné trois choses. Primo, il leur à dit qu’en s’engageant à fond dans le processus Beauvau, ils avaient commis un péché originel « Le 17 mars 2022, un protocole d’accord avait été signé entre Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur de la France et le Président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, qui fixait les fameuses « lignes rouges » qui excluaient du champ des discussions tout ce qui pour nous, et pour la lutte nationale corse, relève de l’essentiel. L’acceptation de ces lignes rouges - ou plutôt « bleu-blanc-rouge » - avaient eu pour conséquence de renoncer à la reconnaissance des droits nationaux du peuple corse, et notamment de son droit à l’autodétermination. Elles avaient pour conséquence de faire obstacle à des mesures vitales pour faire face à la colonisation de peuplement, à la spéculation immobilière et donc à la dilution de notre identité nationale.
Avec ces lignes rouges, il ne pouvait y avoir ni co-officialité de la langue, ni statut de résident, ni corsisation des emplois, ni corps électoral légitime. Nous l’avions dit, objectivement, factuellement, ce protocole Darmanin-Simeoni qui avalisait ces lignes rouges, ce fut le péché originel. La faute stratégique première qui ne pouvait mener le reste des discussions que dans une impasse politique. » Deuxio, il leur a dit qu’ils s’étaient faits les acteurs et les complices d’une supercherie : « La grande illusion consistait à faire croire que les élus de la Corse allaient discuter avec le gouvernement français de tous les points auxquels ils avaient déjà renoncé par écrit quelques mois plus tôt. ». Tertio, il leur a dit qu’ils étaient tombées dans un piège : « Le ministre Rebsamen a été limpide quant à la portée du projet qui sera discuté par le Parlement : « Je voudrais rappeler que dans ce contexte ne figure ni le peuple corse, ni le statut de résident, ni [la co-officialité] de la langue corse». et qu’ « il n'y aura pas de décision législative prise par l'Assemblée de Corse qui ne soit, bien évidemment, validée par le Parlement » […] Pour ceux qui ont fait semblant de ne pas comprendre, les choses sont désormais claires : ils ont signé pour rien et même pour moins que rien. Ni peuple, ni terre, ni langue, ni autonomie. Mais le statu quo gravé dans le marbre de la Constitution française, potentiellement pour des années ou des décennies. » Petr’Antone Tomasi a par ailleurs aussi rafraîchit des mémoires en rappelant que le processus Beauvau avait eu pour origine une tragédie et une révolte et que l’enseignement à retenir était que face à l’État, seul le rapport de force rend la Corse audible et ouvre des perspectives d’avancées : « Nous nous approchons donc du dénouement d’un cycle qui a débuté en mars 2022 à la suite d’un drame, la mort d’un enfant de cette terre, d’un patriote, de l’un des nôtres. Il s’appelait Yvan Colonna et il a été assassiné, dans des conditions troubles, dans une prison française. Les Corses, et notamment la jeunesse, se sont alors révoltés, de manière spontanée, pour crier leur colère face au sort funeste réservé à l’un des leurs et, plus largement, pour revendiquer leurs droits en tant que peuple. Après avoir foulé du pied, des années durant, l’expression de la démocratie corse, c’est en réponse à cette révolte populaire que l’Etat français s’était alors engagé, selon ses mots, à créer les conditions d’un «processus à vocation historique».
Nazione prend et prendra toutes ses responsabilités.
Petru Antone Tomasi a longuement conclu en affirmant que Nazione prend et prendra toutes ses responsabilités. D’abord responsable en motivant totalement son choix : « En toute logique, l’hiver 2024, nous avons refusé de nous joindre au concert de louanges au moment de la signature de « L’ Accord de Beauvau», puisque nous affirmions que ce texte, tel qu’il était rédigé, empêchait tout ce pour quoi nous nous étions battus. Non seulement il n’était pas question de peuple, de co-officialité, de statut de résident mais nous disions déjà, à cette époque, qu’il n’y avait même pas d’autonomie, puisque l’Assemblée de Corse n’était pas libre de voter ses propres lois et restait soumise à la tutelle du Parlement française. » Ensuite responsable en assumant : « Nous demandons l’abandon pur et simple de ce projet de statut qui est néfaste pour la Corse et pour les Corses.
Nous assumons sans ambiguïté et sans équivoque cette opposition et nous sommes prêts, demain, si un texte de cet acabit venait à être soumis au vote des Corses, à assumer notre désaccord sans aucun état d’âme». Également responsable en refusant de céder au chantage : « Le gouvernement français, le Président du Conseil exécutif, l’ensemble des signataires nous expliquent que l’Accord de Beauvau est le seul horizon possible. Ils nous répètent en chœur qu’il n’y a pas d’autres choix, c’est Beauvau ou le chaos! C’est l’application à la lettre de la doctrine TINA, popularisée en son temps par Margaret Thatcher en Angleterre pour imposer ses politiques antisociales et reprise depuis par ses nombreux disciples : TINA, c’est-à-dire « There is not alternative », il n’y a pas d’alternative possible. Nous affirmons, pour notre part qu’il peut, et qu’il doit, y avoir une alternative à Beauvau. » Enfin responsable en proposant des terrains et des démarches pour établir un rapport de force avec l’État : « Lorsque la page du triste épisode de Beauvau va se refermer, quel qu’en soit l’issue, il faudra bien écrire une page nouvelle, et celle-ci plus glorieuse, de l’histoire notre pays. Pour cela, la Corse aura besoin de l’engagement de tous ses enfants. À ce moment-là, nous savons que des patriotes qui ont sincèrement cru au caractère historique de l’Accord signé par les autonomistes et qui ont été trompés, seront à nos côtés […] La protection des droits du peuple corse face au défi de la colonisation de peuplement doit donc être aujourd’hui la mère des batailles […] Pour la première fois, des élus de toutes sensibilités ont exprimé, d’une même voix leur angoisse de la dépossession. Il faut désormais que ce diagnostic partagé permette, demain d’obtenir, ensemble les moyens de stopper l’hémorragie foncière.
Pour donner un suite concrète à ce débat, nous prendrons des initiatives dès la rentrée. Nous sommes prêts à accompagner toute démarche, toute proposition, y compris lorsqu’elle ne vient pas de nos rangs, qui ira dans le sens de la préservation de notre patrimoine foncier. Nous voulons lancer un appel aux maires de Corse […] Pensez-vous qu’il appartient aux 5000 nouveaux arrivants par an de décider à notre place de l’avenir de la Corse et bientôt à élire les premiers maires représentant la colonisation de peuplement ? À l’évidence la réponse est non ! Dès la rentrée, nous remettrons donc au cœur du débat politique la proposition de constituer un corps électoral corse légitime. »
Pierre Corsi
Photos : Journal de la Corse