La loi du feu
Il est clair que les bandeds criminelles de l'île se livrent à une guerre de territoire pour contrôler des activités économiques....
La loi du feu
Il est clair que les bandes criminelles de l'île se livrent à une guerre de territoire pour contrôler des activités économiques des secteurs H.O.R.E.C.A (Hôtellerie, Restauration, et Café). Il semble donc bien que se développe une loi du feu pour régenter ces secteurs économiques.
Avant l’été, les bateaux de promenade en mer ont été visés par des incendies volontaires dans plusieurs ports. Cinq embarcations ont été endommagées début juin à Calvi. Il s’agissait de semi-rigides appartenant à trois sociétés différentes. La nuit suivante, un catamaran de promenade en mer a subi le même sort que les cinq semi-rigides. Des faits similaires ont été à déplorer à San-Fiurenzu fin avril et Aiacciu mi-mai. En effet, le 29 avril, dans le port de plaisance du Nebbiu, c’est un bateau de promenade en service depuis plusieurs décennies, quasi emblématique, qui a été détruit par les flammes et le sinistre s’est propagé à quatre autres navires. Le 12 mai, c’est un navire effectuant des traversées entre Aiacciu et Porticcciu qui a été incendié (après une tentative en février). Dans la nuit 24 au 25 juin, dans l’enceinte du chantier naval du port de San-Fiurenzu, trois bateaux de promenade en mer, dont deux d’une société déjà visée en avril, ont été incendiés. Durant les mêmes périodes, des incendies criminels ont aussi visé des restaurants de plage à Bastia, Bunifaziu et Calvi. Dans la nuit du 5 au 6 juin, à l'aéroport de Calvi (Haute-Corse), c’est le local d'accueil d’une agende de location de voiture qui a été la cible des incendiaires. Cinq véhicules ont été détruits et deux endommagés. Outre le secteur touristique, des incendies criminels visent régulièrement le secteur du BTP (destruction d’engins de chantier) et des exploitations agricoles (machines, fourrage...) Après une période de relative accalmie, le 26 août dernier, à Aiacciu, sur la plage du Ricantu, les locaux d’une école de plongée gérée par un militant de Core in Fronte, ont été détruits par une explosion d’origine criminelle suivie d’un incendie.
L’inquiétude et la colère du secteur économique
Ces agissements criminels ne laissent pas la société corse indifférente. Ainsi, en juin dernier, le secteur économique a fait part de son inquiétude et de sa colère. En effet, la Chambre de commerce et d’industrie de Corse (CCI) a publié un communiqué de soutien aux chefs d’entreprise visés et mis en garde contre la menace pesant sur l’économie : « Nous avons publiquement exprimé notre soutien aux professionnels victimes d’attentats, d’incendies et d’autres atteintes à leurs commerces ou entreprises [...] Les dégâts physiques, financiers et psychologiques de cette spirale désastreuse ne laissent plus aucun répit à celles et ceux qui font vivre notre territoire. Ces actes condamnent des familles, des emplois, des pans entiers de notre économie au déclin, voire à la disparition. » La Chambre a aussi appelé les autorités à agir fermement : « Les auteurs et commanditaires de cette vague de violence autodestructrice doivent être mis hors d’état de nuire sans délai, au risque de précipiter l’économie corse, déjà fragile, vers le chaos et l’anarchie […] La CCI appelle à une réponse immédiate de l’État, de la justice et des forces de l’ordre, pour enrayer une dynamique de peur et d’instabilité croissante. » Enfin la Chambre a dénoncé l’effet destructeur des actions et des organisations criminelles sur la société corse : « Elles annihilent nos valeurs, détruisent la liberté du commerce et ferment les perspectives de création d’activité pour les jeunes générations […] Ces violences ne sont pas seulement le fait d’actes isolés mais qu’elles « sapent les fondations même de notre société, en instaurant un climat de défiance et de repli.» Fin avril, la Chambre de commerce et d’industrie de Corse s’était déjà déclarée émue et indignée, et avait dénoncé « le cycle mortifère des attentats, incendies et autres drames (…) au détriment de ses ressortissants et de l’économie de la Corse. » La Chambre fait donc désormais sien le discours du collectif antimafia « Maffia no, a vita ié » qui considère que les « attentats crapuleux contre le tourisme maritime révèlent des pratiques mafieuses visant à ruiner les entreprises pour mieux asseoir leur emprise », affirme que « ses méthodes gangrènent insidieusement la société » et appelle « à mettre hors d’état de nuire les auteurs de ces actes lâches, avant qu’ils ne poussent plus loin leur avantage et ne recourent à l’assassinat pour consolider leur domination ».
Cette vision des choses est aussi celle de Fabrice Rizzoli, spécialiste de la grande criminalité, qui décrypte et analyse depuis des années la guerre entre les organisations mafieuses de corse. Selon lui, il est clair que les bandes criminelles de l'île se livrent à une guerre de territoire pour contrôler des activités économiques des secteurs H.O.R.E.C.A (Hôtellerie, Restauration, et Café). Il semble donc bien que se développe une loi du feu pour régenter ces secteurs économiques.
Autorités attentives mais à ce jour apparemment impuissantes
Les autorités ont connaissance et ne nient plus la gravité de la situation. Vingt-cinq bandes criminelles ont été répertoriées dans une note de la direction générale de la Police nationale. Des enquêtes portant sur association de malfaiteurs et destruction en bande organisée par un moyen dangereux ont été ouvertes. Le Garde ses sceaux, ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a reconnu « le caractère singulier de l'île face à un mal qui la ronge, notamment à travers les incendies criminels, extorsions, chantages et homicides » et affirmé : « On doit juger en Corse et l'État n'a pas peur de cela. » Il s'est invité à la session spéciale du 27 février dernier de l'Assemblée de Corse consacrée à proposer des mesures pour lutter contre les dérives mafieuses sur l'île. Il a annoncé la création dans l’île d'un pôle antimafia. 17 magistrats supplémentaires devraient être affectés en Corse d'ici à 2027.
Les premières affectations auront lieu durant ce mois de septembre si le ministre tient ses engagement. Mission du pôle antimafia ainsi définie par le ministre : « Il s’agira de traiter d'affaires, d'extorsion par exemple, qui donnent de graves dysfonctionnements et qui enrichissent la criminalité organisée et qui, aujourd'hui, ne sont pas traitées par manque de renforts, par manque de pôle spécialisé. » Certes affichage d’une volonté des autorités d’agir. Mais ? à ce jour, elles semblent encore impuissantes. Cette impuissance commence à irriter Core in Fronte. Manifestement le parti indépendantiste ne se satisfait plus des déclarations ministérielles et des ouvertures d‘enquêtes. Il l’a fait savoir sur les réseaux sociaux après l’incendie ayant détruit l'école de plongée de son militant : « Nous mettons solennellement en garde les apprentis sorciers qui visent à créer le chaos en Corse ». Il l’a réaffirmé lors d’une conférence de presse tenue à l’issue d’un rassemblement de soutien à son militant.
Politisation
Lors de ce rendez-vous avec les médias, les intervenants ont politisé l’événement. Ils ont en effet dénoncé « une action meurtrière qui vise autant une petite entreprise familiale, que le syndicaliste défenseur des droits sociaux des travailleuses et des travailleurs, que le militant politique engagé pour la reconnaissance des droits du peuple corse ; un acte assassin qui prend aussi pour cible l’organisation patriotique que nous représentons, dont l’objectif est l’indépendance de notre pays au cœur de la Méditerranée. » Ils ont ensuite expliqué cette politisation par leur conviction que leur alter ego gêne parce que son parti gêne : « Core In Fronte ne cesse d’intervenir pour dénoncer et mettre à nu tous les mécanismes qui empoisonnent et avilissent la Corse. On ne peut décemment construire une nation, si elle est annihilée par tous ces comportements qui font la part belle à la dépossession généralisée, à la spéculation foncière et immobilière, aux ensembles résidentiels privatisés de nantis.
Cette situation mène au renforcement de la colonisation française de peuplement et à la mise en coupe réglée de notre pays par des groupes mafieux. Nous savons également très bien qu’il y a ceux qui exécutent et ceux qui les commanditent. Nous ne sommes pas dupes parce que nous l’avons déjà subi et que l’appareil judiciaire montrera encore ses limites pour que l’instruction tombe dans l’oubli. » Enfin, ils ont solennellement appelé l’État à passer de la parole aux actes : « Nous lançons une mise en garde publique au Gouvernement français. On ne peut prétexter au dialogue, à l’évolution institutionnelle, et en même temps laisser pourrir la situation avec pour objectif de criminaliser la Corse et l’exclure du principe de la solution politique. Nous affirmons ici, avec une forte détermination, que face à cette inertie, nous saurons prendre toutes nos responsabilités patriotiques pour faire face à cette conjoncture.» L’État a beaucoup promis, il doit désormais tenir. Le temps presse.
Pierre Corsi
Crédit photo : Pexels (autor Isa el Carillo), Core in Fronte