• Le doyen de la presse Européenne

Le délitement politique : du sommet de l'État aux montagnes corses

Le délitement politique : du sommet de l’État aux montagnes corses

Le délitement politique : du sommet de l’État aux montagnes corses



Une démission sans éclat

La démission de François Bayrou, annoncée comme un coup de tonnerre, mais vécue par le pays comme une pluie tiède de fin d’été, illustre à quel point la politique française s’est abîmée. Jadis, la démission d’un ministre d’État secouait la République, appelait des débats, traçait des perspectives. Aujourd’hui, elle ne suscite qu’un haussement d’épaules. Le corps politique est anesthésié : plus rien n’étonne, plus rien ne passionne.

La politique réduite au soupçon

C’est que la politique a changé de nature. Elle n’est plus domaine de vision et d’élan, mais territoire du soupçon, de la jalousie et du calcul mesquin. Le minusculisme macroniste a triomphé, avatar grotesque d’un Verres atavisticus qui gouverne par les chiffres, comme s’il s’agissait d’un tableur Excel géant. Les grandes idées s’étiolent, remplacées par des graphiques. L’autorité se rétrécit en tracasserie, le prestige en soupçon, la grandeur en vermicelle.

Quand la médiocrité descend des hauteurs

Quand la tête se réduit à ce grotesque, il ne faut pas s’étonner que le corps entier imite. Car la médiocrité descend toujours des hauteurs. Et si le pouvoir est grotesque au sommet, il le devient encore plus à la base, quand des édiles provinciaux, singeant l’exemple jupitérien, croient trouver dans la mesquinerie un substitut à la grandeur.

L’exemple de Zonza

Le village de Zonza, en Corse, en a donné la démonstration éclatante. Depuis plus de cent ans, l’hippodrome de Viseo, perché à 1 200 mètres d’altitude, réunit chaque été familles, amateurs et chevaux dans une liesse populaire. C’est le plus haut hippodrome du monde, un fleuron de la montagne corse, une respiration joyeuse qui apportait prospérité aux commerces et chaleur aux habitants. Là-haut, l’air était pur, et l’on croyait que même les querelles humaines s’y dissipaient.

Le règne de la suspicion

Mais en ce mois d’août, l’esprit macroniste, avec sa passion du contrôle et de la suspicion, a gagné jusque-là. Tandis que les spectateurs prenaient place, un huissier mandaté compta cinq cents personnes à quatorze heures, puis, miracle arithmétique, deux mille cent à quatorze heures vingt-trois. En moins d’une demi-heure, Zonza aurait connu une multiplication des foules plus rapide que celle des pains. Fort de cette révélation, les portiques furent fermés, les familles refoulées, la fête populaire interrompue.

Une guerre picrocholine

Ce fut une guerre picrocholine à la Rabelais, mais sans vin ni farce joyeuse : une guerre pour des colonnes de chiffres, pour une jauge bureaucratique. On vit soudain un siècle de tradition joyeuse piétiné au nom de la sécurité statistique. L’hippodrome, jadis symbole de prospérité, se trouva transformé en champ d’expérimentation électorale.

La grenouille et Jupiter

Et dans ce spectacle, chacun reconnut la silhouette du pauvre édile municipal, grenouille gonflée de vanité, croyant se hausser au rang de Macron des montagnes et des plaines. Mais tandis que Jupiter, à Paris, manipule des chiffres de croissance ou des taux d’emploi, la grenouille zonzaise se contente de compter les spectateurs de son hippodrome. La même logique dérisoire s’applique, mais en plus grotesque encore. Car au sommet, le ridicule est voilé par l’appareil d’État ; dans les villages, il apparaît nu, éclatant, impardonnable.

Le rire des chevaux

Les chevaux, eux, n’ont pas cessé de rire : ils savent depuis toujours que l’homme est la plus comique des créatures, surtout quand il s’enfle d’importance en croyant gouverner.

Jean Paravisin Marchi d’Ambiegna
Partager :