BRICS +à Rio : récit, pouvoirs et contradictions
Un agenda pour Rio
BRICS+ à Rio : récit, pouvoirs et contradictions
À la veille des 6-7 juillet 2025, Rio avait accueill les BRICS+ élargis (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Éthiopie, Indonésie, Iran, Émirats). Sans Vladimir Poutine, retenu par le mandat de la CPI, Moscou sera représentée par Sergueï Lavrov. Dans un contexte de tensions au Proche-Orient et d’unilatéralisme trumpien, le groupe veut combler le vide normatif laissé par l’Occident. Le sommet s’inscrit dans une séquence ouverte par Kazan en 2024 et prolongée par la réunion ministérielle d’avril 2025 à Rio autrement dit récréer un campisme qui rassemblerait les nations opposées aux USA et qui s’appuieraient sur la Chine et la Russie.
Genèse et masse critique
Nés BRIC en 2009, devenus BRICS en 2011 puis BRICS+ en 2024-2025, ils revendiquent plus de la moitié de l’humanité et environ 40 % du PIB mondial. Deux membres sont permanents au Conseil de sécurité (Chine, Russie), trois sont puissances nucléaires (Chine, Inde, Russie) ; Afrique du Sud, Égypte et Éthiopie pèsent régionalement. Cette masse donne au club une portée géostratégique que ne reflète pas encore son institutionnalisation, encore légère.
Un agenda pour Rio
Les BRICS+ entendent dénoncer le « deux poids, deux mesures » dans l’application du droit international à propos de Gaza, de l’Iran ou de la mer de Chine. Ils ne rejettent pas le droit, mais promeuvent une lecture centrée sur souveraineté, non-ingérence et pluralisme normatif. Le paradoxe demeure : certains membres bafouent ces principes en Ukraine ou autour de Taïwan, révélant l’écart entre posture et pratiques.
Réformer l’ONU et Bretton Woods
À l’ordre du jour : élargissement du Conseil de sécurité (consensus d’Ezulwini, sièges africains, ambitions indienne et brésilienne). Pékin et Moscou soutiennent l’idée, mais demeurent évasifs sur les modalités. Sur le plan financier, les BRICS+ exigent une redistribution des quotas au FMI, une conditionnalité moins intrusive et une extension équitable des DTS reflétant le poids réel des économies du Sud.
Dédollarisation et outils financiers
La guerre commerciale relancée par Washington accélère la volonté de commercer en monnaies locales. Une feuille de route pourrait formaliser l’interconnexion des systèmes MIR et CIPS et l’essor de paiements trans-BRICS, éventuellement adossés à une unité de compte. La Nouvelle Banque de développement, présidée par Dilma Rousseff, soutient infrastructures et transition, avec davantage de prêts en devises locales et le filet du CRA. Objectif : un écosystème moins dépendant du dollar et des réseaux occidentaux.
Climat : justice et réalités
En amont de la COP30 de Belém, le groupe se pose en porte-voix des « Suds » : accès aux technologies vertes, financements sans sur-conditionnalité, reconnaissance des pertes et préjudices. Le discours séduit, mais se heurte aux pratiques : dépendance aux fossiles, déforestation, lobbys industriels, stratégies exportatrices carbonées. Le défi est de concilier trajectoires de développement et crédibilité climatique.
Coalition de convenance
Les BRICS+ ne sont pas un bloc. Tensions sino-indiennes, rivalités en Asie centrale, hésitations sur la gouvernance interne, retrait argentin : autant de fissures. Faute de secrétariat permanent, la coordination reste ad hoc. Reste pourtant un imaginaire partagé : contestation de l’hégémonie occidentale et demande de représentation équitable dans les enceintes globales.
L’Europe à la croisée des chemins
Face à la fin du monopole normatif occidental et au protectionnisme américain, l’Union européenne doit assumer une autonomie stratégique. Une « troisième voie eurosocialiste » pourrait articuler État de droit, justice sociale, politique industrielle verte, défense crédible et diplomatie de partenariats horizontaux avec certains membres des BRICS+. Cela suppose une politique énergétique réaliste, une capacité budgétaire commune et des instruments de puissance régulateurs.
Quelle trajectoire mondiale ?
Le système hérité de 1945 s’essouffle voire agonise, sans alternative stabilisée. Rio ne sera ni rupture ni épilogue, mais une étape d’un multilatéralisme décentré, concurrent des institutions actuelles. Aux BRICS+ de transformer le récit en mécanismes opératoires en ne se livrant pas pieds et poings liés à d’autres puissances néo-coloniales telles que la Chine ou la Russie. À l’Europe de ne pas subir, mais de proposer un ordre coopératif, régulé et inclusif qui permettrait de plus de juguler l’immigration africaine. Dans un monde de rivalités durables, la crédibilité se jugera aux politiques concrètes et vérifiables. Elle exigera aussi une cohérence interne entre budgets, transitions et sécurité, afin d’aligner discours, normes et intérêts concrets au-delà des déclarations.
GXC
illustrations : DR