• Le doyen de la presse Européenne

Prisonniers politiques : Le sujet qui fâche ?

Des hommes qui se sacrifient pour une certaine idée de la Corse......
Prisonniers politiques : le sujet qui fâche ?
Je ne puis accepter que l’on passe sous silence que des hommes qui se sacrifient pour une certaine idée de la Corse et ce sans causer la moindre souffrance à quiconque, soient soumis à d’immondes conditions carcérales et sanitaires.

Dans les années 1970, les éditorialistes des principaux titres de la presse écrite de Corse ne partageaient pas les idées nationalistes.

A la une de Corse Matin-Corse, Jean Bisgambiglia affichait ses idées de droite. Ce qui s’inscrivait logiquement dans la ligne éditoriale d’un titre qui était alors sous la direction d’un ancien journaliste, Michel Bavastro, qui avait lié ses intérêts à ceux de la très réactionnaire famille Médecin qui régnait sur Nice et du grand patronat de cette ville.
A la une du Provençal-Corse, Paul Silvani portait le message de la gauche radical-socialiste. Il était en phase avec la ligne éditoriale d’un titre qui revendiquait être le « Journal des patriotes socialistes et républicains » selon la volonté de son propriétaire Gaston Defferre, alors maire socialiste de Marseille.

Enfin Aimé Pietri, à la fois dirigeant, rédacteur en chef et éditorialiste du magazine Kyrn, usait d’une plume acérée et indépendante. Ce pouvoir de critiquer et sortir du cadre était fondé sur un important lectorat et des recettes publicitaires qui provenaient en majeure partie de chefs d’entreprises qui contestaient le système politique en place.
Jean Bisgambiglia et Paul Silvani avaient bien entendu respectivement tendance à privilégier les prises de position et les réactions de la droite et de la gauche.
Quant à Aimé Pietri, il pourfendait qui bon lui semblait et s’en tenait à une option régionaliste.
Cependant, ces trois éditorialistes que tout semblait opposer ou du moins différencier, avaient un point commun : ils respectaient les hommes qui avaient à pâtir de la répression.

En effet, s’il advenait que leurs écrits eussent la dent dure avec les mouvements nationalistes et notamment les organisations clandestines, ils n’accablaient jamais les prisonniers politiques, accordaient une place dans les colonnes à tout ce qui touchait au soutien à ces derniers (communiqués, conférences de presse, soirées de solidarité…) et n’hésitaient pas à préconiser de la retenue dans la répression, de la clémence dans les verdicts et que soient ouvertes au plus vite les portes des prisons.
Les trois grands de la presse écrite corse des années 1970 n’avaient pas la fibre nationaliste mais avaient l’âme corse.

Silence coupable

La plupart des journalistes de cette année 2020 qui jouissent d’une notoriété significative, revendiquent être objectifs. C’est leur droit. C’est même leur devoir s’ils font partie d’un média de service public.
Cependant, si j’en juge leur traitement du sujet « prisonniers politiques », je me demande si les intéressés n’en viennent pas à confondre objectivité et prudence.
J’ai en effet le sentiment qu’évoquer les prisonniers politiques est en passe d’être considéré comme « le sujet qui fâche », sauf si des responsables politiques y font allusion ou rencontrent le Garde des Sceaux. Cependant, même si ce positionnement timoré m’irrite, je ne ne peux le qualifier de condamnable car le journaliste doit être libre du choix de ses sujets.

En revanche, il me semble fondé de m’indigner qu’aucune de ces plumes ou de ces voix qui comptent auprès du grand public, dénonce au moins une fois dans un éditorial, un libre propos ou une tribune ayant du souffle, le sort qui est fait à Jean-Pierre Santini et plus globalement aux membres présumés du FLNC 1976.
Si j’admets volontiers que l’on rejette le message et les actes de ce groupe clandestin, je ne puis accepter que l’on passe sous silence que des hommes qui se sacrifient pour une certaine idée de la Corse et ce sans causer la moindre souffrance à quiconque, soient soumis à d’immondes conditions carcérales et sanitaires. Je suis d’autant plus indignée que beaucoup de ces journalistes doivent leur place au combat nationaliste car celui-ci a permis le création puis le maintien dans l’île d’un service public de l’information spécifique, et que les journalistes d’aujourd’hui, contrairement à ceux des années 1970, ne sont pas dans le collimateur des élus et des préfets.

Tout ceci me conduit à me demander si Pierre Poggioli n’a pas un peu beaucoup raison d’écrire sur son mur Facebook : « Celles et ceux qui ne sont pas considérés comme assez alignés sur les lignes officielles ou ne sont pas trop dans les clous, on les ignore carrément. BFM-TV aurait-il fait des émules en Corse ? »

Alexandra Sereni
Partager :