Elections munincipales de Bastia : l'avant -match qui dure
Le maire sortant garde encore le silence et a adopté la posture « je suis serein, je travaille ».
Élections municipales de Bastia : l’avant-match qui dure
Le maire sortant garde encore le silence et a adopté la posture « je suis serein, je travaille ». Il a de drôles d’amis et des partenaires prudents ou devenus hostiles. Des opposants qui sont déclarés et pour certains déjà en campagne annoncent leur volonté de rassemblement, mais encore difficile de savoir si cela se fera ou de cerner qui sera avec qui. À moins de six mois de l’ouverture des bureaux de vote, la situation politique bastiaise relève de l’avant-match qui dure, même si les tacles ne manquent pas.
Conserver Bastia
À six mois des élections municipales, rien n’est clair à Bastia. Pourtant tout le monde sait que l’enjeu est de taille et que le temps pour se mettre en ordre de bataille devient compté. Et cet enjeu est bien connu. La conquête de Bastia en mars 2014 a représenté le début de la domination électorale de l’autonomisme siméoniste. Elle a permis de valider les choix politiques de cette mouvance (modération, ouverture, alliances).
Elle a aussi déterminé les conditions psychologiques (dynamique, croyance en la gagne, incitation à aller au secours de la victoire) qui a favorisé les futures victoires de ladite mouvance.
Par conséquent, pour Gilles Simeoni et ses partisans, conserver Bastia est vital. Perdre la ville serait le signe d’un désaveu et le début d’un déclin.
D’autant que cela s’ajouterait à un revers qui a représenté un avertissement : en juillet 2024, la défaite de Jean-Félix Acquaviva, député sortant, dans la deuxième circonscription de la Haute-Corse.
Plusieurs candidats siméonistes possibles
Cet enjeu de taille explique que le nom du candidat qui défendra Bastia n’est toujours pas connu. En effet, sensible aux critiques le visant (psychorigidité, autoritarisme, bilan très contesté, projets contestables) ainsi qu’à la prudence ou au mécontentement des partenaires de la majorité municipale (les socialistes sont silencieux, Jean-Louis Milani a affirmé qu’il ne participerait pas à une liste conduite par le maire sortant), et de ce fait, craignant qu’il soit défait, Gilles Simeoni ainsi que plusieurs élus, cadres et militants Femu a Corsica de Bastia et de l’agglomération bastiaise, hésitent à de nouveau investir Pierre Savelli, le maire sortant.
Ceci qui est avéré (Gilles Simeoni a déclaré en janvier dernier qu’il n’y avait pas pour Pierre Savelli de droit acquis à être reconduit dans la candidature) s’ajoute aux supputations et confidences des uns et des autres, a et a donné corps aux hypothèses que pourraient être investis : Serge Linale, proche de Gilles Simeoni, conseiller municipal, adjoint délégué à la cohésion sociale, aux liens intergénérationnels et au logement social, ainsi que vice-président de la Communauté d’Agglomération de Bastia en charge des dossiers économiques ; Louis Pozzo di Borgo, président de la Communauté d’Agglomération de Bastia, ayant atteint presque tous les objectifs de la feuille de route pluriannuelle qu’il avait fait adopter au début de son mandat ; Gilles Simeoni…
Le temps est compté et il va falloir choisir
Problèmes : débarquer Pierre Savelli accréditerait qu’il a échoué et que celui qui l’a adoubé, Gilles Simeoni, a fait un mauvais choix ; Serge Linale est peu connu ; Louis Pozzo di Borgo est considéré comme étant plus furianais que bastiais (il est d’ailleurs premier adjoint au maire à Furiani) ; Gilles Simeoni en abandonnant la barre de la Collectivité de Corse ou semblant le faire (après avoir gagné les municipales en tant que tête de liste, il pourrait décider de rester président du Conseil exécutif et faire maire de Bastia un colistier ou une colistière), apparaîtrait comme étant inconstant ou revenant d’urgence sauver les meubles, et fragiliserait le processus devant conduire à la réforme constitutionnelle et à l’autonomie car il est, à ce jour, considéré à Paris comme l’interlocuteur valable. Le temps étant désormais compté, on saura bientôt si Pierre Savelli sera investi ou qui à sa place entrera en jeu pour s’employer à garder la mairie de Bastia au siméonisme. Une chose est cependant sûre. Il y a trois mois, en ayant dans un numéro spécial du bulletin municipal, rappelé avoir été choisi par Gilles Simeoni, énuméré ses réalisations et fait part de projets, Pierre Savelli s’est positionné en continuateur de Gilles Simeoni et de la « victoire historique » de mars 2014, et a implicitement signifié qu’il entendait ne pas céder la place.
Des volontés affichées de rassemblement, mais...
Face à la majorité sortante, des opposants sont déclarés, certains sont déjà en campagne. Julien Morganti, leader d’A Mossa (Le Mouvement, Un Futur pour Bastia), mouvement plutôt de centre gauche, dit vouloir créer les conditions d’un rassemblement et d’une alternative. Lors d’une interview accordée à notre titre en décembre 2023, il avait d’ailleurs déjà très clairement affiché cette volonté : « Nous prônons des démarches de rassemblement dès le premier tour […] La tête de liste n’est pas un préalable à l’union, mais doit être incarnée par celui qui peut rassembler le plus. La plateforme de convergence sera la base des discussions selon trois aspects : le projet, les accords politiques […] C’est uniquement dans cet esprit de l’on arrivera à réunir tous ceux qui veulent une alternative à Bastia. » Julien Morganti est aussi sur le terrain quotidiennement, quasiment en campagne depuis des mois et ne fait pas de cadeaux. Selon lui : « Bastia va mal. C’est le mandat du temps perdu » du fait d’une absence de vision stratégique, d’une gestion défaillante du quotidien ; de finances mal en point. Sylvain Fanti a, en juin 2024, appelé la droite libérale au sursaut et annoncé sa candidature. On saura dans quelques jours s’il est partie prenante d’un rassemblement d’opposants ou s’il fera cavalier seul. Lui aussi ne fait pas dans la dentelle pour attaquer le bilan l’équipe municipale sortante : « Bastia est une ville à la traîne qu’il convient de redynamiser. »
Les droites de la droite veulent elles aussi en découdre. Nicolas Battini, le leader de Mossa Palatina, a désigné la bataille de Bastia comme étant la mère des batailles municipales, et la municipalité bastiaise comme étant une cible prioritaire.
Selon l’intéressé et les membres de son parti, l’actuelle politique bastiaise doit être prioritairement combattue du fait que, selon eux, elle favorise un wokisme destructeur pour l’identité corse et fait de Bastia, une proie facile pour l’immigration massive, la clochardisation, les incivilités, l’insécurité et le trafic de stupéfiants. Le Rassemblement national et Forza Nova, parti qui se définit comme le premier mouvement nationaliste corse de droite, devraient eux aussi être de la partie et ensemble du fait de leur rapprochement ces derniers mois. Core in Fronte et Nazione seront de la partie. Jean-Sébastien de Casalta qui avait failli faite chuter Pierre Savelli en 2020 et qui, jusqu’à ces jours derniers, rencontraient, consultaient et participaient à des réunions initiées par le PNC (Partitu di a Nazione Corsa) en vue de constituer un rassemblement très large de personnes, d’idées et programmatique ayant pour ambition de l’emporter, a pris position publiquement. Dans une interview qu’il a accordée à Corse-Matin, il annoncé qu’il sera engagé dans le scrutin de mars 2026 et qu’il entendait être un artisan d’un large rassemblement.
Enfin, il se dit qu’iraient ce sens François Tatti et son mouvement le MCD (Mossa Corsa Democratica). Des volontés affichées de rassembler ou de se rassembler, mais encore difficile de savoir si cela se fera et de cerner qui sera avec qui. Enfin, ce qui ne contribue pas à clarifier les choses, restent des inconnues. Que feront Sacha Bastelica et ses amis de Via Citadina qui aspirent à tracer un nouveau chemin à gauche ? Que feront Jean Zuccarelli et Jean-Martin Mondoloni ? Que fera le Parti communiste ?
Pierre Corsi
photo : Pierre Corsi