• Le doyen de la presse Européenne

Evolution climatique : U Levante et les défis d'une bifurcation écologique en Corse

La Corse n’échappera pas au réchauffement climatique

ÉVOLUTION CLIMATIQUE : U Levante et les défis d’une bifurcation écologique en Corse



La Corse n’échappera pas au réchauffement climatique. Le GIEC prévoit une hausse des températures, des sécheresses accrues, des pluies violentes et un réchauffement de la mer. Le gouvernement engage, via la territorialisation de la planification écologique, une consultation publique pour définir des priorités d’adaptation. Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) trace l’horizon d’une France à + 4 °C en 2100 et invite chaque territoire à se préparer. La déclinaison corse repose sur des cartographies précises et la mobilisation des collectivités.


Une bifurcation radicale


Face à ce constat, l’association U Levante propose une bifurcation radicale. Son maître mot est la sobriété, seule manière de limiter les crises futures. Elle définit ce qui devrait être interdit ou pénalisé — yachts, croisières, golfs, piscines, résidences secondaires —, mais sans proposer encore un plan économique global, en harmonie avec une île qui revendique autonomie politique et économique. Or, tout ce qui est avancé, même frappé au coin du bon sens, a une conséquence immédiate : favoriser les plus riches capables d’absorber un surcroît d’impôt ou de financer des constructions éthiques, et pénaliser les plus modestes. Une problématique d’ailleurs planétaire et jusqu’à maintenant restée sans réponse satisfaisante.

Les totems du passé et un bilan contrasté


U Levante dénonce les excès du tourisme de masse : pression sur les écosystèmes, surconsommation d’eau et d’énergie, production de déchets, infrastructures commerciales démesurées. Elle appelle à rompre avec ces « totems ». Mais l’été 2025 illustre les limites : la fréquentation a été médiocre : faible pouvoir d’achat, interdiction des grands yachts, tandis que, paradoxe extraordinaire, les croisières ont continué d’aborder l’île. Résultat : l’impact écologique reste limité et la perte économique se fait sentir. U Levante propose d’interdire piscines et golfs, oubliant que les principaux golfs sont autosuffisants en eau, mais ne s’attaque pas aux cultures particulièrement consommatrices en eau. Et qui peut croire un instant que les piscines seront interdites ? La question est moins de stigmatiser que de garantir une justice partagée.

Autonomie alimentaire et filières locales


L’association prône à juste titre une agriculture nourricière, avec protection des terres et formation des producteurs à l’agroécologie. Elle encourage la relocalisation des circuits de distribution et la promotion de filières locales comme le bois ou les cultures durables. Ces orientations sont positives, mais restent des niches à côté du tourisme, du bâtiment et du service public, qui forment encore les trois piliers de l’économie corse. La difficulté est de renforcer ces alternatives sans fragiliser l’équilibre existant.

Urbanisme et démographie


U Levante plaide opportunément pour limiter les résidences secondaires, stopper l’artificialisation sans craindre la réaction des professionnels du bâtiment. Elle appelle à développer les transports collectifs et les mobilités douces. Mais la Corse est aujourd’hui la région française où la population croît le plus vite. Cela signifie davantage de bâtiments, plus de consommation d’énergie, plus de déchets. Ces tendances exigent une réflexion d’ensemble, articulant sobriété et réalités démographiques. La pression impose aussi de nouveaux équipements publics, eux-mêmes consommateurs de ressources.

Vers un plan global


U Levante a le mérite d’alerter et de pointer les dérives d’un modèle épuisé. Ses propositions relèvent du bon sens et visent à protéger l’île. Mais elles gagneraient à s’intégrer dans un projet global, conciliant justice sociale, indépendance économique et adaptation écologique. Une transition imposée par la seule contrainte risque d’aggraver les inégalités, tandis qu’une transition construite dans l’équité pourrait emporter l’adhésion. La Corse doit préserver sa nature mais également, maintenir une activité économique viable et garantir un partage équitable des efforts. Autrement dit, l’écologie ne peut être dissociée de la justice sociale ni du réalisme économique. Sans cet équilibre, la planification resterait un catalogue d’interdictions, alors que l’île a besoin d’un projet fédérateur. L’avenir corse ne se joue pas seulement dans l’interdiction, mais dans la capacité à bâtir une société équilibrée. Seule une stratégie partagée, prenant en compte démographie, besoins sociaux et impératifs écologiques, permettra d’avancer sans fracturer la société. C’est ce défi d’équilibre qui décidera de la crédibilité de la transition insulaire. Sans lui les propositions d’U Levante resteront dans le domaine du rêve.

GXC
Dessin tiré de Reporterre
Partager :