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Ukraine et Gaza : de grands cimetières sous la lune

Georges Bernanos avait choisi ce titre terrible pour dénoncer le massacre perpétré par Franco en Espagne.

Ukraine et Gaza : de grands cimetières sous la lune



Georges Bernanos avait choisi ce titre terrible pour dénoncer le massacre perpétré par Franco en Espagne. Aujourd’hui, il résonne tragiquement avec la Palestine et l'Ukraine : des territoires ravagés, des villes transformées en décombres, des populations qui survivent dans les ruines. Ce lundi, à l’ONU, la reconnaissance d’un État palestinien par la France et l’Arabie saoudite ne changera hélas rien à ce funèbre destin. Elle n’arrêtera ni la guerre de Gaza, ni la colonisation israélienne de la Cisjordanie. Elle ne donnera pas davantage de perspective immédiate à la création d’un véritable État.


Un État sans territoire ni gouvernement


Le geste diplomatique est hautement symbolique et mérite d'être salué. Mais l’entité reconnue n’a ni gouvernement effectif, ni territoire souverain. C’est un État virtuel, suspendu à un droit international cent fois bafoué, incapable de protéger ses habitants ni d’administrer ses terres. La reconnaissance française n’est donc pas la promesse d’une transformation concrète. Elle s’inscrit néanmoins dans la droite ligne d’une politique historique de Paris au Moyen-Orient : défendre la solution à deux États, seule issue acceptable et néanmoins utopique à un conflit devenu interminable. Car Benyamin Netanyahou, en accélérant les colonisations, sabote méthodiquement cette hypothèse. En coupant la Cisjordanie en deux par un maillage de colonies et de routes réservées, il désire rendre irréalisable la perspective d’un État palestinien viable.

Le piège des otages


Certains accusent cette reconnaissance de récompenser indirectement le Hamas, auteur du massacre du 7 octobre 2023 et toujours détenteur d’otages israéliens. Mais ces otages sont en réalité prisonniers deux fois : du Hamas, bien sûr, mais aussi du gouvernement israélien qui, par calcul politique, semble considérer leur vie comme une simple variable d’ajustement. Les familles qui attendent leur retour savent que la guerre est aujourd'hui menée, malgré les grandes déclarations, sans souci pour leur sort, sacrifié au nom d’objectifs militaires et idéologiques.

Une démarche entre lucidité et impuissance


Faut-il alors considérer que Paris se paye de mots ? La critique est aisée. Mais fallait-il, à l’inverse, rester immobile, fermer les yeux sur Gaza en ruines, sur l’exode massif des populations, sur les dizainez de milliers de morts et sur la famine qui menace ? La reconnaissance diplomatique, même dérisoire, est aussi une manière de dire que la communauté internationale refuse de détourner complètement le regard.
Il faut pourtant en voir les limites : cette reconnaissance est aussi l’aveu d’une impuissance collective. Les résolutions se succèdent, mais ni la France, ni l’Europe, ni l’ONU ne parviennent à infléchir la stratégie israélienne. Au-delà du symbole, aucun levier réel n’existe pour imposer la paix.

Israël face à son choix


Le peuple d'Israël a pourtant encore les moyens de ne pas céder aux sirènes de son gouvernement d’extrême droite, ni au marionnettiste américain qui ose évoquer de façon obscène la transformation du gigantesque charnier de Gaza en une riviera pour richards. Derrière ce cynisme affleure une tentation : effacer la tragédie en l’habillant de luxe, substituer au deuil une opération immobilière. Mais un peuple ne disparaît pas par décret ni par béton.

L’écho silencieux de l’Ukraine


Cette impuissance trouve un écho glaçant dans un autre conflit : l’Ukraine. Là aussi, les morts s’accumulent, mais les protestations s’éteignent. Ni la droite ni la gauche ne semblent plus s’y intéresser. Le front médiatique s’est déplacé, le drame s’est banalisé. Le contraste entre l’intensité des slogans d’hier et le silence d’aujourd’hui souligne une vérité dérangeante : la souffrance prolongée lasse l’opinion et décourage les gouvernements. La Palestine, comme l’Ukraine, devient un drame relégué, absorbé par l’habitude.

Une volonté fragile


La France, avec ses contradictions et ses limites, choisit de rappeler qu’aucune paix durable n’est possible sans reconnaissance mutuelle. Elle ne changera pas la réalité par un vote, mais refuse de se résigner à voir la Palestine disparaître, morceau par morceau. Le geste est fragile, presque naïf, mais il porte une volonté : rappeler que derrière les ruines, les cimetières et les désillusions, il existe toujours une exigence de dignité humaine.

GXC
illustrations : DR
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