La forêt insulaire en quête d'avenir
Alors que les préoccupations environnementales gagnent du terrain, la filière bois insulaire se mobilise.
La forêt insulaire en quête d’avenir
Alors que les préoccupations environnementales gagnent du terrain, la filière bois insulaire se mobilise. Face aux défis sociaux et économiques, les acteurs locaux s’organisent pour défendre leurs métiers et relancer une ressource clé pour l’économie et l’environnement.
Nouvelle dynamique
La création du Sindicatu di i Prufessiunali di a Furesta Corsa cet été marque un tournant. Ce syndicat fédère aujourd’hui près de 120 adhérents, exploitants, scieurs, charpentiers, gestionnaires de forêts et entrepreneurs. Le syndicat veut défendre les intérêts d’un secteur souvent fragmenté et donner une meilleure reconnaissance aux métiers liés à la forêt. Au-delà du chiffre d’affaires (estimé à 13 millions d’euros en 2024), la filière bois porte les valeurs de transmission, de résilience et d’identification insulaire. Le syndicat se positionne comme un acteur de transmission des savoir-faire et de promotion de l’identité insulaire. Tous les métiers sont concernés, du bûcheron à l’architecte bois en passant par les associations de propriétaires forestiers et les gestionnaires patrimoniaux. La mise en valeur du pin Lariciu et d’autres essences endémiques s’inscrit dans une logique de patrimoine. La gestion durable du foncier et la lutte contre la fragmentation des parcelles restent toutefois des obstacles majeurs. Les incendies récurrents rappellent l’urgence d’une action collective.
Risques, déclin et relance
Chaque été, les incendies représentent une menace majeure pour la forêt corse. En 2025, la Haute-Corse a déjà connu 138 feux, soit une hausse de 29 % par rapport à 2024, parcourant au total 535 hectares. Quatre foyers (Linguizzetta, Santa Lucia di Mercurio, Albertacce et Poggio d’Oletta) ont à eux seuls représenté près de 60 % de la surface brûlée.
Depuis cinq ans, la surface moyenne brûlée annuellement dépasse 700 ha, dans un contexte de forte sécheresse. Les pertes écologiques (sols, faune, régénération lente) fragilisent la filière et aggravent la fragmentation du patrimoine foncier. Plus de 160 forestiers-sapeurs et 340 bénévoles sont mobilisés, réalisant annuellement 1750 hectares de débroussaillement, 260 km d’entretien de pistes DFCI, et 549 hectares de brûlage dirigé en 2024. Outre les pertes écologiques, ces épisodes pèsent aussi sur l’économie insulaire tournée vers le tourisme et la valorisation du patrimoine naturel. La filière bois locale a connu un long recul, malgré d’abondantes ressources. La forêt corse s’étend sur environ 507 000 hectares, soit 58 % de la surface insulaire ; c’est l’un des taux de boisement les plus élevés de France. Faute de structuration, la ressource était peu valorisée (moins de 40 000 m³/an de bois commercialisé localement sur un potentiel exploitable bien supérieur). Le bois corse a longtemps été concurrencé par les importations pour la construction et l’ameublement. De récentes initiatives cherchent à inverser la tendance : labels de qualité locale comme « Lignum Corsica », appels à projets soutenus par l’Ademe et la Collectivité, ou encore programmes de valorisation des essences locales. L’enjeu est de recréer une économie circulaire autour de la ressource.
Durable avenir
La gestion durable est aujourd’hui centrale pour l’avenir de la filière bois insulaire. En 2024/2025, deux nouvelles scieries ouvrent avec l’appui régional, tandis que l’innovation s’étend à la certification et aux usages du bois, du mobilier à l’écotourisme. L’intégration de bois local dans les constructions progresse : 15 % des nouvelles maisons individuelles en 2024, contre 7 % cinq ans auparavant. La forêt insulaire, riche en chênes, hêtres et pins, joue un rôle crucial pour le climat et la biodiversité. La bioéconomie forestière mobilise désormais aussi les sciences humaines pour structurer la filière, valoriser de nouveaux débouchés (composites biosourcés, bois énergie) et stabiliser l’emploi local (plus de 700 emplois directs selon l’INSEE). Toutefois, des enjeux persistent : concilier valorisation économique, rentabilité attendue par les PME, préservation des écosystèmes, morcellement foncier (près de 200 000 propriétaires privés, souvent absents), faible mécanisation et risque d’incendie. L’avenir dépendra de la capacité à fédérer les acteurs, orienter efficacement les financements régionaux (plus de 12 millions d’euros en 2025) et s’imposer dans la stratégie économique régionale.
Maria Mariana
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