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Une économie dépendante du budget national

La Lettre Corse-Economie écrite par l'excelent Guillaume Guidoni est réapparue.
Une économie dépendante du budget national

La lettre Corse-Économie écrite par l’excellent Guillaume Guidoni est réapparue. C’est une mine de renseignements sur notre économie, mais aussi notre histoire. Le dernier numéro daté du 25 novembre 2020 affiche un article intitulé « Quelques éléments de réflexion sur la dépense publique dans l’économie corse ».
Le sous-titre est cruel, mais tellement juste : « La Corse terre d’élection pour une stagnation séculaire ».

Une économie frappée de stagnation chronique


« La société corse est parcourue de fractures sociales, avec une partie de la population coupée des bénéfices de la croissance.
La focalisation sur les activités présentielles rend particulièrement sensible le tissu économique aux chocs exogènes (énergie, tourisme, dépenses publiques) et endogènes (vieillissement rapide) sur la demande finale. » Et Guillaume Guidoni d’ajouter : « La normalisation des processus de consommation et l’intégration aux marchés continentaux accentuent ce mouvement. Les politiques publiques, ciblant surtout la demande et le pouvoir d’achat, le parachèvent. »
En d’autres termes, nous continuons de vivre le paradoxe de la période alérienne (1975). L’économie locale qui existait alors revenait nettement plus chère au consommateur que l’intégration au marché national, voire international.
La continuité territoriale était censée faire baisser le coût de la vie, mais en même temps elle a tué une grande partie de la production locale (Conserverie de Casamozza, cimenteries, Job Bastos etc.)
Pour le dire vite « ce qui semble nous guérir nous tue aussi ».

La dépense publique en Corse


L’expansion budgétaire (jusqu’où ?) peut-elle un remède efficient contre la stagnation ?
Guidoni note que la Corse se situe dans le peloton de tête des régions françaises dans le domaine de l’emploi public (36 % en Corse contre 33 % en moyenne pour les régions de province).
Pour ce qui concerne « la contribution du secteur non marchand à la valeur ajoutée produite annuellement dans l’île est près de 8 points supérieurs à la moyenne des régions de province (33 % en 2015 contre 25 %). La Corse se rapproche sous cet aspect des DROM, où le poids du secteur non marchand dans la production annuelle de valeur ajoutée se situe entre 33 % (Martinique) et 37 % (La Réunion, Guadeloupe). »
La dépense publique en Corse est aussi la résultante de la protection sociale française, mise en place après la Seconde Guerre mondiale, une des plus généreuses au monde.

Pour Guidoni, la solidarité nationale (je rappelle que la Corse reçoit plus d’un milliard deux cents millions d’euros que ce qu’elle rapporte au budget national) est en définitive un processus normal dans les sociétés modernes dont le développement économique régional a été inégal que ce soit dans le Sud ou dans le Nord (je pense par exemple à l’ancienne Allemagne de l’Est sous perfusion de l’économie allemande occidentale ou encore à l’Andalousie ou l’Estramadure en Espagne financées par la Catalogne ou le Pays Basque).

Un redressement fiscal plus important que la moyenne continentale


La fiscalité a été très dynamique depuis la fin des années quatre-vingt-dix, note Guidoni.
Pour les grands impôts, la hausse a atteint 117 % entre 2004 et 2016 pour les montants nets prélevés, deux à trois fois plus vite que pour les autres régions métropolitaines.
Les charges sociales prélevées pour le compte de la sécurité sociale ont crû de +72 % entre 2004 et 2015, contre +37 % au national.

Conclusion
: la Corse est plutôt dans la norme voire parfois au-dessus. Ce qui contredit le lamentisme habituel sur la région la plus pauvre de France, constat causé en très grande partie par l’exiguïté de sa population ce qui mécaniquement réduit l’écart des extrêmes.
Mais surtout on notera là encore un paradoxe. La population comptera en 2030 36 % d’habitants ayant dépassé les 60 ans et 41 % en 2050 ce qui en fait la région la plus « vieillissante » de France.
Les éléments dynamiques (ceux aussi qui produisent de la richesse et de l’impôt) viennent en partie de l’extérieur d’autant que beaucoup de nos bacheliers les plus brillants partent pour le continent.

L’économie corse fonctionne grâce aux subventions étatiques, au bâtiment (acheté en partie par des nouveaux arrivants) et le tourisme. « Le retard est aussi manifeste en infrastructures publiques, routières, mais aussi dans les déchets ou le traitement des eaux » note Guidoni ce qui va exiger des dépenses supplémentaires.
Et que dire du domaine de la santé qui accuse un retard criant et qui va exiger outre de l’argent une remise en cause des agissements de ses acteurs. Bref, tout cela exigerait des commissions non pour enterrer ces problèmes vitaux, mais pour écrire une feuille de route pour les vingt ans à venir en mettant de côté les petites querelles partisanes et mesquines.

GXC
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