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Belle édition d'Arte Mare 2025

Le théâtre est toujours indisponible, mais le festival a pu se dérouler !

Belle édition d’Arte Mare 2025


Malgré l’indisponibilité du théâtre
Saluons la ténacité de l’équipe dirigeante d’Arte Mare : le théâtre est toujours indisponible, mais le festival a pu se dérouler !

C’est la deuxième année que les organisateurs de la manifestation doivent jongler avec quatre lieux de jauges différentes et géographiquement disséminés pour cause de travaux.
Ceux-ci ont certes commencé, mais depuis des mois c’est le silence et l’inactivité autour du poumon culturel de Bastia.
Que se passe-t-il ? Quel empêchement y a-t-il ? Quand le théâtre — vrai lieu de vie bastiais et non espace réservé à une quelconque intelligentsia — pourra-t-il rouvrir ?

De l’autre côté du mur

Meilleur film de la compétition des longs-métrages méditerranéens : Holding Liat de Brandon Kramer.
Magistral documentaire sur une famille israélienne dont la fille, Liat, est retenue en otage depuis le 7 novembre 2023 par le Hamas.
Holding Liat, primé à la dernière Berlinale, était absent du palmarès bastiais. Pourquoi ?
Est-ce à cause de la justesse de son regard, qui ne se laisse pas piéger par une vision simpliste de la situation ? On n’ose le croire…
Brandon Kramer nous offre un documentaire qui a du souffle, tout en proposant une réflexion que n’auraient pas reniée les grands classiques grecs.
Yéhuda Beinin, père de Liat, a lutté toute son existence pour que justice soit faite aux Palestiniens et se trouve désormais dans un contexte où il doit consacrer ses forces à la libération de sa fille.
Dilemme, car autour de lui priment les réactions sommaires et extrémistes, qui rejettent toute complexité de vue en s’engluant dans la peur de l’autre.
Broyé d’inquiétude et d’angoisse comme les autres parents d’otages, il doit en outre ne pas renoncer à ses convictions, jugées indéfendables par la majorité de ses compatriotes.
Envers et contre tout, Yéhuda ne cède rien, ne recule pas d’un pouce, déterminé à tout faire pour sortir Liat de l’enfer, et fermement décidé à ne pas assimiler le Hamas au peuple palestinien dans son ensemble — même s’il subit de fortes pressions d’une opinion publique israélienne sous influence des ultrareligieux et autres messianistes obtus.
Holding Liat n’est pas qu’un documentaire reflétant un unique aspect de la situation : on y voit aussi l’un des fils de Liat, obsédé par le sort de sa mère au point d’en oublier tout le reste.
Qui ne comprendrait pas combien il est difficile de garder la tête froide et un jugement serein quand s’enflamment autour de soi des réactions dictées par le fiel de la vengeance ?
Libérée en novembre 2023, Liat a ces mots révélateurs : « J’ai vu ce qu’il y a de l’autre côté du mur, et ça a changé mon point de vue ! »

Guerre et vie

Grand Prix Arte Mare : A Sad & Beautiful World du Libanais Cyril Aris.
Ce film revient sur tous les maux et fléaux qui se sont abattus — et continuent de s’abattre — sur le Liban.
Des images émouvantes, un rythme soutenu, un récit mené avec brio.
A Sad & Beautiful World alterne de manière judicieuse et inventive les scènes d’enfance des protagonistes, Yasmina et Nino, et des séquences au présent percutées par les bonheurs et les tristesses de l’ordinaire des jours dans le cadre du restaurant de Nino — un ordinaire vécu dans un pays où l’on se demande continuellement s’il est encore vivable, et s’il est raisonnable d’y faire naître des enfants.
Nino et Yasmina forment un couple soudé depuis qu’ils étaient écoliers. Les aléas du destin les ont désunis, réunis à nouveau, puis disjoints. Deux beaux personnages qui expriment leur vérité par leurs actes, leur comportement, leur fragilité.
Il y a de la drôlerie et de la détermination chez Nino ; une maîtrise de soi qui n’exclut pas la tendresse chez Yasmina.
Cyril Aris, dont c’est le premier long-métrage, touche au cœur sans mièvrerie, gardant toujours distance et lucidité.

Le couple et des années de prison

L’Étrangère, de la Syrienne Gaya Jiji, est son second long-métrage. En tête d’affiche, Zar Amir Ebrahimi, actrice d’origine iranienne, chassée de son pays par la répression et réfugiée en France. Prix d’interprétation à Cannes en 2022, elle est auréolée d’une réputation internationale bien méritée.
À ses côtés, Alexis Manenti, le héros du Mohican de Frédéric Farrucci.
L’Étrangère conte le parcours d’une exilée syrienne ayant fui le régime de Bachar el-Assad. Son mari, prisonnier politique ; elle, menacée, parvient à Bordeaux au prix d’immenses difficultés.
Sans papiers, elle travaille au noir jusqu’au jour où elle est rejetée dans la plus complète clandestinité.
Confrontée à d’ubuesques démarches pour obtenir l’asile, elle trouve de l’aide auprès d’un avocat, Jérôme. Peu à peu, surmontant les obstacles, elle se reconstruit, et cette reconstruction la métamorphose.
Le film de Gaya Jiji rayonne d’espoir et met en évidence combien des années de séparation — pour elle — et un lustre de détention — pour son mari — finissent par pulvériser un couple.
Une réalité connue ici…

Tiers-mondialisation de la Grèce

Primé pour sa musique par RCFM, Nos jours sauvages du Grec Vasilis Kekatos aborde le chaos provoqué en Grèce par les cures d’austérité insupportables.
Un chaos menant à une véritable tiers-mondialisation du pays, à travers l’histoire de Chloë et de ses amis.
Le cinéaste possède un sens indiscutable des images, mais laisse filer son récit au gré de séquences trop longues, qui affadissent la réalisation.
Dommage.

Que d’eau ! Que d’eau !

Los Tigres, d’Alberto Rodriguez, vient d’Espagne.
La photographie du film, tournée dans les fonds marins, est remarquable, exceptionnelle même.
On peut regretter cependant que Los Tigres boude trop le plancher des vaches…
À conseiller aux amateurs de plongée sous-marine.
À éviter par les claustrophobes !

Des femmes et des étoffes

Ferzan Özpetek, cinéaste italien renommé, apprécié de la critique et du public, lauréat de plusieurs festivals internationaux, présentait Diamanti.
Pourquoi, dans ces conditions, inscrire cette œuvre en compétition à Bastia ? La manifestation Arte Mare n’est-elle pas plutôt vouée à la découverte de réalisateurs émergents ?...
Bref, Diamanti, qui raconte le quotidien des petites mains romaines de la haute couture — leurs fiertés, leurs désarrois, leurs doutes, leur efficacité —, tient de la perfection.
Couleurs chatoyantes des tissus, modèles sophistiqués, élégance raffinée et art culinaire rutilant.
Diamanti est aussi très classique, tant formellement que dans sa tonalité. Non que son récit soit dénué d’audaces stylistiques, mais il ne rassasie pas totalement.
Comme pressenti, le film a obtenu le Prix du Public.
À chacun ses goûts.

Un féminisme alliant douceur et intransigeance

Promis le Ciel est un autre oublié du palmarès, malgré son originalité, son féminisme de bon aloi et sa joie de vivre que n’occultent pas les misères du quotidien.
(Se référer à notre précédente édition.)


Michèle Acquaviva-Pache
Photos : distributeurs des films
Sauf Liat et Yeruda du film « Holding Liat » qui est de Michael Ô’Ryan pour le Jérusalem Post
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