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Nicolas Sarkosy : de l'Elysée à la Santé

Nicolas Sarkozy : le journal d’un prisonnier

Nicolas Sarkozy : le journal d’un prisonnier



Inutile de rappeler des extraits du livre : les médias Bolloré en ont déjà fait un buffet à volonté jusqu’à décrire les feuillets remplis sur la table de sa cellule à la pointe Bic. La seule chose qui manquait peut-être était une lecture délicatement taquine de cette spectaculaire autocélébration de notre martyr national. Comblons donc cette vacance d’une plume leste.


L’effondrement du héros en vingt-quatre minutes

Le cortège motorisé, les caméras tremblantes, la famille secouée de sanglots : tout cela transformait son entrée en détention en une cérémonie quasi liturgique, comme si la République accompagnait une sainte relique jusqu’au catafalque. Mais dès que la porte se referme, tout s’écroule autour du prisonnier. Lui qui prônait la fermeté judiciaire découvre qu’elle s’applique jusqu’aux intouchables du sommet, ceux pour qui « la prison n’est pas faite » selon la déclaration très aristocratique d’un de ses proches. Le repas tiède devient supplice, les détenus qui l’insultent une épreuve mystique, la fenêtre aveugle une descente au tombeau, le matelas trop dur un gouffre métaphysique. Saint Jean la Croix parlait dans La chambre obscure de la désolation comme passage nécessaire à l’illumination mystique ; pour Nicolas Sarkozy, elle est présente avant même son yaourt quotidien.

Un saint homme à la Santé
On le savait amateur de récits héroïques, mais nul n’imaginait qu’il irait jusqu’à s’offrir un rôle de martyr dans une tragédie carcérale écrite par lui-même, pour lui-même, avec lui-même pour épicentre. À peine passé le portail de la Santé, le voilà découvrant l’indicible : la prison ressemble… à une prison. On y dort mal, on y mange mal, on y vit mal bien que, selon ses confessions le personnel lui témoigne sympathie et compassion. Débute néanmoins sa petite Nuit obscure, dans la grisaille sans nuance de sa cellule.

La passion selon Saint Nicolas

Le chef-d’œuvre arrive quand survient sa conversion. Il avait emmené avec lui deux ouvrages : Montecristo pour l’injustice, la vie de Jésus-Christ pour la crucifixion. Il connaît à son tour la résurrection au cours de sa traversée purificatrice de la pénombre carcérale. Le premier dimanche, son fils lui obtient une rencontre avec l’aumônier de la prison. Et là, dès après le départ du saint homme, sorte d’évêque de Digne, notre Jean Valjean moderne, touché par la grâce, tombe à genoux à même la dalle de béton et s’abandonne à la prière. On imagine la cellule traversée d’un rayon pâle, comme si la Nuit obscure se changeait déjà une aube intime.

La double métamorphose céleste

Viennent ensuite l’épistrophè et la métanoia, recyclées en slogans spirituels. L’épistrophè : retournement intérieur jusqu’à la pénitence. La métanoia : la transformation radicale du pécheur. Effectivement, le récit bascule du journal carcéral à l’évangile en demi-teinte. Ce n’est plus le Nicolas que nous connaissions tout en agressivité et en arrogance, mais un mystique anachorète émergeant des ténèbres, persuadé que trois semaines lui ont suffi pour rejoindre la grande littérature ascétique.

Le prisonnier le plus divinisé de France

La presse Bolloré, celle de son ami qui l’avait reçu sur son yacht après son élection présidentielle et qu’il avait choisi plutôt que la retraite spirituelle qu’il s’était promis de rejoindre, devient son Carmel. Ses soutiens plumitifs évoquent un homme transfiguré. Il laisse comprendre qu’il a vécu, en condensé certes, une Passion moderne. Il lui a suffi de cette courte traversée en enfer pour comprendre charnellement ce que des générations de détenus dénoncent depuis des décennies : la dureté, la solitude, l’effacement de soi vécus durant la détention quand règnent le vacarme, les cris et la saleté. La différence est que ceux-là n’avaient pas d’éditeur aux ordres de l’ami haut placé ni de commentateurs prêts à chanter la gloire de leur désespoir.

Épiphanie finale

On referme ce récit en comprenant que Nicolas Sarkozy est un homme sincèrement persuadé que son calvaire millimétré éclaire le destin de la France. D’ailleurs, le naturel revenant, au galop, il ne peut s’empêcher d’entacher son ivresse mystique de quelques conseils délivrés à la droite pour s’allier éventuellement avec le RN. En tournant l’ultime page du petit livre, on s’interroge sur le message délivré par l’ancien président. Parfois le contenu est pompeux jusqu’au ridicule et parfois il fait mouche lorsqu’il aborde son incarcération en se dépouillant de tout orgueil. Et pourtant, jamais il ne parvient à réellement convaincre de sa totale sincérité.

GXC

Journal d’un prisonnier, Nicolas Sarkozy, éd. Fayard, 216 p., 20,99 €
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