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Basta le mode "veille" !!

Fans de théâtre. Amoureux de ciné. Groupies de concerts. Fous d’expos. Afficionados de restos. Piliers de bistros…


Basta le mode « veille » !

Fans de théâtre. Amoureux de ciné. Groupies de concerts. Fous d’expos. Afficionados de restos. Piliers de bistros… Vous n’êtes pas obligés de vous reconnaître sous ces étiquettes ! Mais théâtre, ciné, expos, concerts, restos, bistros, ça manque ! Ça manque beaucoup ! Parce que c’est notre manière de vivre. Notre culture au sens large…

L’action du 7 janvier dernier initiée par Locu Teatrale n’est en fait qu’une piqûre de rappel à forte dose à l’adresse du préfet de région et du pouvoir central. Une invitation en quelque sorte à allier sécurité sanitaire et inventivité pour sortir du trou tous ceux qui à longueur de saisons et de mois font du lien dans notre société en apportant au jour le soir de l’oxygène. Du bien. Du rêve. De l’essentiel.

Locu Teatrale,
espace culturel ajaccien et compagnie codirigée par Marianna Nativi, comédienne et Mario Sepulcre, peintre, a vécu à l’instar de ses homologues de la culture une année 2020 en dents de scie, de confinements en portes entrouvertes, de réouvertures en fermetures, de spectacles déprogrammés en prestations scéniques soudain possibles.
Bref, l’incertitude totale avec son lot de conférences, de rendez-vous, de lectures, d’expositions mises au clou. Aux calendes grecques pour formuler plus joliment.

Leur troupe, Marianna Nativi et Mario Sepulcre l’ont portée sur les fonds baptismaux il y a plus de trente ans, et depuis 1999 elle est conventionnée par la Collectivité de Corse. Sa caractéristique ? Faire un théâtre de recherche basé sur l’imaginaire, l’oralité et la transmission tourné vers la société d’aujourd’hui et sur la constitution d’un répertoire national corse.

Sa formation Marianna Nativi l’a suivie au Québec auprès de disciples du célèbre Jerzy Grotowski, qui révolutionna l’approche de la scène au XX è siècle. Cette remarque n’a rien d’anodin ou de pédant car c’est un peu-beaucoup son « label » et la clé pour comprendre sa démarche théâtrale.

Au fil des années Locu Teatrale c’est la découverte d’auteurs dramatiques tels Rinatu Coti, Saveriu Valentini, d’écrivains et poètes tels Marceddu Jureczek, Santu Massiani pour ne citer que quelques-uns d’entre eux. C’est encore des chjam’è rispondi brillamment illustrés par « U Rusignolu di Zilia », modèle de bien des jeunes et maintes rencontres avec des personnalités des lettres et des conférenciers, des plasticiens…

Fin prêt le menu pour 2021
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Malheureusement plane le flou avec ses risques de découragements pour les artistes. Le flou avec son climat anxiogène pour tout le monde. On nous affirme que l’issue de nos malheurs réside dans les vaccins…
L’espoir fait vivre même en « Absurdie » !


« Ne pas pouvoir jouer c’est comme si on n’existait plus ! C’est presqu’un deuil ! »

Marianna Nativi


Qu’est-ce que ça représente être sur scène pour un acteur ?
C’est un partage avec le public. C’est une libération comme celle d’un athlète lors d’une course. Sans la scène on s’éteint. On n’est plus rien…

Quels sont les moments les plus forts que vous ayez connu au théâtre ?
Il y en a eu beaucoup ! Créer « L’indomita donna » de Saveriu Valentini, sur les derniers jours de Danielle Casanova au camp de concentration d’Auschwitz est un moment inoubliable. « Ultimu » du même auteur m’a énormément marqué parce que cette pièce écrite il y a quarante ans évoque de façon prémonitoire ce qui arrive maintenant en Corse : bétonisation, spéculation foncière et immobilière, perte de nos valeurs ancestrales.
Nous avons joué cette œuvre avec un égal succès à Bastia, Ajaccio et en Sardaigne. Nos voisins sardes nous ont d’ailleurs réinvité à nous produire chez eux mais la pandémie nous en a empêché. « A muredda », inspiré à Christian Maïni par des chjam’è rispondi est aussi un émouvant souvenir. Du côté du spectacle jeune public il y a les versions successives de « Fiammulina », et pour le one woman show, « Azeza » que j’ai écrit.


En quoi jouer devant des spectateurs se révèle-t-il un besoin ?
Ce qui me frappe c’est combien un spectacle peut prendre des contours différents selon le public ! Parfois s’établit au cours d’une représentation un impressionnant silence qui est le signe d’un intense partage d’émotion. Et c’est si puissant que c’est indicible…
Le public porte très haut comédiens et spectacle. C’est en quoi être sur scène est vital… Je remarque également qu’on joue autrement devant une salle archi-comble et devant une assistance plus réduite. Dans tous les cas il y a cependant un piège à éviter : celui du cabotinage.


Quelle est votre définition d’un bon public ?
S’il se déplace pour voir une pièce, il est déjà un peu acquis. Un bon public, suivant le spectacle proposé, peut être soit très attentif, soit capable d’extérioriser son ressenti. Le comédien, lui, est toujours très réceptif… Cette réceptivité peut l’amener jusqu’à improviser où à privilégier la gestuelle au détriment du mot, si elle vient de l’intérieur.


Comment se traduit le manque de la scène pour un acteur ?
Par un vide existentiel. Par une absence de repères. Ne pas pouvoir jouer c’est comme si on n’existait plus. C’est presqu’un deuil… C’est pourquoi dans la situation présente il y a danger de désastre !


Y-a-t-il des réactions inattendues de la part des spectateurs ?
Face à un jeune public il peut il avoir des choses surprenantes. Par exemple, lorsque des enfants déboulent sur le plateau pour se mêler activement à l’histoire.
Dans ce genre de circonstances l’expérience aide à réagir à bon escient. Mais les premières fois où des gamins ont débarqué sur scène en me traitant de méchante, j’avoue que j’ai été décontenancée !


Quelles sont les fragilités les plus préoccupantes auxquelles est confronté actuellement le spectacle vivant ?
Le plus insupportable c’est l’attente. L’incertitude.
C’est ne pas savoir quand on va pouvoir réouvrir les salles. C’est éprouver la crainte que de confinements en fermetures le public perde le goût de fréquenter le théâtre. Car on ne doit pas se cacher que les plateformes telles Netflix et autres captent beaucoup de spectateurs…


Les aides publiques peuvent-elles parer à la situation qui s’avère dramatique pour de nombreux créateurs et artistes ?
C’est un soutien indispensable pour l’heure… mais jusqu’à quand va-t-il durer ? On se pose la question avec angoisse.
Que nous ne soyons pas ls seuls dans ce cas, n’est pas pour nous rassurer !
La CDC est attentive à notre sort.
Néanmoins il y a ceux qui ne sont pas aidés et sont au bord du gouffre ! Il y a des artistes qui ont d’ores et déjà tout perdu.


Comment s’en sortir ?
Par la solidarité… La solidarité entre tous les acteurs de la culture et avec tous ceux qui tissent du lien social sans lequel il n’y a pas société. Dans le domaine du spectacle il faut songer à de nouvelles formes d’interventions auprès du public. Ces formes nouvelles seront sans doute plus aisées à concrétiser aux beaux jours et en plein air.


L’action lancée par Locu Teatrale devant la préfecture va-t-elle avoir des suites ?
On souhaiterait qu’elle débouche sur la création d’un collectif afin d’obtenir des résultats plus évidents. On se dit également que si le préfet autorise les cultes… On pourrait jouer dans les églises. Mais rassurez-vous c’est une boutade !

Propos recueillis par M.A-P
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