• Le doyen de la presse Européenne

Le mouvement populaire algérien, le hirak a deux ans

C'est un mouvement de protestation contre le pouvoir militaire en place qui a mobilisé des millions de personnes dans la rue.....
Le mouvement populaire algérien, le Hirak a deux ans

C’est un mouvement de protestation contre le pouvoir militaire en place qui a mobilisé des millions de personnes dans la rue malgré la répression. Il se déroule depuis deux années dans l’indifférence européenne et notamment d’une gauche et d’une extrême gauche prompte à stigmatiser les séquelles du colonialisme et s’acoquiner avec l’islamisme, terreau des « nouveaux prolétaires ».

À l’origine

La décolonisation a laissé le peuple algérien libre de choisir son destin. Au lieu de cela, il a laissé contraint et forcé le pouvoir à une bande de sergents des frontières qui ont confisqué non seulement le pouvoir politique, mais également les richesses énergétiques algériennes.
C’est ce paradoxe que met en évidence le mouvement Hirak (mouvement en arabe).
Comment en soixante ans, une camarilla de faux généraux a-t-elle pu ainsi mettre à genoux le pays potentiellement le plus riche d’Afrique et faire en sorte qu’une majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Plus paradoxal encore : alors qu’en France une infime minorité nous rebat les oreilles avec l’héritage de la colonisation (les accords d’Évian datent tout de même de 1962), la jeunesse algérienne dans son immense majorité espère venir en France, une jeunesse qui elle n’a pas connu la colonisation. Comment expliquer que cette Algérie dont la population est forte de 42 millions de personnes (quatre fois supérieure à celle de l’Algérie de 1962) ne possède pas un système de santé digne de ce nom ? Qu’elle se soit désinvestie de l’éducation nationale ? Qu’elle ait rétabli les lois coraniques ? Qu’elle ait quasiment banni l’apprentissage du français ? Tout cela explique pourquoi le 16 février 2019 les Algériens ont massivement occupé la rue.
Le mouvement est très différent de celui qui avait donné la majorité aux islamistes du FIS en 1990. Il s’était ensuivi une guerre atroce qui avait approché le nombre de victimes occasionnées par la guerre d’indépendance. Aujourd’hui, ce sont essentiellement des classes moyennes et la jeunesse qui proclament leur désir de véritable démocratie.

Un mouvement ralenti par la pandémie

« La crise sanitaire a eu, dans le monde entier, un effet dépressif de repli sur la sphère privée dont les mobilisations populaires ont été les premières victimes. Cela a été particulièrement vrai en Algérie où le Hirak a décidé de lui-même de suspendre les manifestations, dans un nouveau témoignage de maturité citoyenne, et ce, avant même leur interdiction officielle.
Or c’était bien dans la rue que, tous les vendredis pour la population, et tous les mardis pour la jeunesse, les Algériennes et les Algériens reconstruisaient une forme originale de solidarité collective, à la fois militante, festive et plurielle. La fermeture de l’espace public a donc représenté un coup sérieux pour une telle dynamique de mobilisation horizontale, privée en outre de perspective politique par l’entêtement des gouvernants à restaurer le statu quo.

La répression est aujourd’hui plus sévère qu’à la fin de l’ère Bouteflika et elle frappe de plus en plus les expressions critiques sur les réseaux sociaux, que la contestation a investi après la suspension des manifestations. » analyse l’historien et professeur à Sciences Po, Jean-Pierre Filiu dans El Watan.
Le ralentissement de la contestation a provoqué une recrudescence de l’émigration illégale vers l’Europe. Dans un style un rien lyrique qu’il n’adopte pas lorsqu’il écrit ses chroniques dans le quotidien Le Monde, Filiu inscrit le Hirak dans une volonté collective du monde arabe de se débarrasser des dictatures nées de la décolonisation.
C’est là un point de vue idéologiste qui se heurte pourtant à la réalité algérienne dominée par le retour à l’islam et au fatalisme des couches les plus pauvres de cette société au sein de laquelle le mouvement le plus durable reste celui des Kabyles pour leur autonomie. « Mais, en dépit d’un contexte aussi déprimé, la jeunesse de ce pays a pour elle le triple atout du nombre, de l’espace et du temps, face à un régime qui ne sait que recycler les mêmes manœuvres, encore et toujours.
L’Algérie est moins riche de ses hydrocarbures que des formidables talents des Algériennes et des Algériens, que leur dévouement patriotique ne demande qu’à mettre au service d’un développement enfin intégré. Ces extraordinaires ressources humaines ne peuvent néanmoins être libérées que dans le cadre d’un nouveau pacte associant les forces vives, et naturellement la jeunesse, à la conduite des affaires du pays. Cela s’appelle une transition démocratique et
c’est la seule perspective d’espoir collectif pour l’Algérie. » conclut Filiu. Inch Allah serait-on tenté de lui répondre.

GX
Partager :