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Territoriales : entre l'Aigle et le Mouflon , la Victoire hésite ...

Un combat indécis : Pour le candidat Laurent Marcangeli, l’horizon est bien moins sombre que certains voudraient le faire croire. D’autant qu’au-dessus de la tête de Gilles Simeoni, les nuages noirs ne manquent pas.
Territoriales : entre l’Aigle et le Mouflon, la Victoire hésite

Pour le candidat Laurent Marcangeli, l’horizon est bien moins sombre que certains voudraient le faire croire. D’autant qu’au-dessus de la tête de Gilles Simeoni, les nuages noirs ne manquent pas.


Aléa jacta est : Laurent Marcangeli a franchi le Rubicon. Le temps de la réflexion est derrière lui. Vient de débuter celui de la mobilisation d’un camp, de la concrétisation des alliances, du constat des prudences, des double-jeux, des reniements et des défections, de la rencontre avec les électeurs, de l’exposition aux médias, de la confrontation avec les adversaires et ce plus particulièrement avec Gilles Simeoni.
L’emporter ne sera pas facile car Gilles Simeoni, même si son bilan est jugé mitigé ou tout juste passable y compris au sein de la mouvance nationaliste, affectionne les campagnes électorales et peut, avec son pouvoir de séduire et faire espérer, retourner à son avantage les situations les plus compromises. De plus le contexte pandémique, en limitant les possibilités de faire campagne au plus près des électeurs et de promouvoir et expliquer des solutions alternatives, favorise le président du Conseil exécutif.

Gilles Simeoni qui en outre jouit d’une notoriété sans égale et conserve une bonne image, peut donc bénéficier pleinement de tous les atouts du sortant. Il est aux commandes. Il a les moyens de satisfaire une clientèle et de gagner de nouveaux appuis. Il profite de l’aspiration à la stabilité que suscitent les situations de crise.
Laurent Marcangeli ne dispose, quant à lui, que de trois mois sur fond de confinement et de couvre-feu, pour incarner une vision nouvelle à l’échelle de toute l’île aux mille enjeux. Cependant le résultat final du match Marcangeli/ Simeoni n’est pas écrit et beaucoup en ont conscience. Pour preuve, depuis que Laurent Marcangeli s’est déclaré, certains partisans de Gilles Simeoni, en multipliant les messages désobligeants ou haineux sur les réseaux sociaux, trahissent leurs doutes ou leur inquiétude. Laurent Marcangeli est catalogué « candidat ajaccien». Il lui est reproché d’être soumis à Paris, de vouloir favoriser Aiacciu au détriment du reste de la Corse, de bénéficier de largesses électoralistes du préfet de Corse, en particulier dans le cadre du Plan de Relance et de Transition Écologique. Enfin il est accusé de servir les intérêts des bétonneurs, des spéculateurs et du tout-tourisme, ainsi que d’entretenir des relations avec des personnes peu recommandables.

Il est évident que ces détracteurs sur Toile espèrent ainsi déstabiliser le premier challenger de Gilles Simeoni ou du moins tenir son image. Il est peu probable que cette démarche soit la bonne et ce pour au moins deux raisons. La première est qu’au fil de son parcours politique, Laurent Marcangeli a démontré être imperméable à l’outrance, au dénigrement et à la calomnie.
La seconde est qu’en suscitant généralement des retours de bâton ou des effets boomerang, une campagne de caniveau est en définitive d’un rapport nul.

Un combat indécis

La campagne de Corse s’annonce donc rude pour celui qui n’a jusqu’à ce jour jamais connu la défaite.
Certains observateurs se plaisent même à souligner qu’il aurait déjà raté trois marches.
Est d’abord pointé du doigt l’échange plus que vif et suivi d’une rupture ayant opposé, lors d’une récente réunion du conseil municipal d’Aiacciu, l’intéressé qui intervenait en tant que maire d’Aiacciu et Marie-Antoinette Santoni-Brunelli qui était alors encore adjointe au maire. L’incident a certes pu renvoyer une image autoritariste ou même suggérer un manque de sérénité. Mais il en est aussi ressorti une aptitude à trancher rapidement les nœuds gordiens. Ce que beaucoup d’électeurs attendent d’un président du Conseil exécutif et semble quelque peu manquer au sortant.

Est aussi mis en exergue que le lancement de la campagne à Rezza, au fin fond du Cruzzini, n’a été qu’un quasi-entre-soi sudiste. L’apparence des choses valide ce constat. Peut-être aussi est-il pertinent de considérer que cette apparence a impacté l’opinion et laissera des traces. Mais si la suite de la campagne s’avère être dynamique et si les ralliements nordistes se multiplient, la réunion de Rezza sera très vite qualifiée de première étape réussie d’une stratégie potentiellement gagnante.

En effet, en ayant réuni autour de lui dans le rural, les deux anciens leaders de la droite sudiste (José Rossi, Camille de Rocca Serra), les deux parlementaires de la droite insulaire (Jean-Jacques Ferrara, Jean-Jacques Panunzi) et les deux présidents des groupes de droite à l’Assemblée de Corse (le nordiste Jean-Martin Mondoloni, la sudiste Valérie Bozzi), le candidat Laurent Marcangeli aura atteint trois objectifs majeurs et permettant de franchir le col de Vizzavona : paraître moins ajaccien, affirmer être maître chez lui, montrer une capacité de ressembler.

Est enfin montée en épingle l’affaire du justificatif de résidence fiscale en Corse nécessaire à l’obtention du tarif Résident Corse sur les compagnies Air Corsica et Air France. Cette affaire a certes dressé les personnels des deux compagnies contre Laurent Marcangeli et incité la majorité territoriale à « dégainer » un tarif Diaspora a priori populaire. Cependant avoir contesté une procédure contraignante n’offrant pas forcément toutes les garanties de confidentialité et ayant pour effet d’exclure des bénéficiaires, avoir de facto remis sur la table l’oubli de la Diaspora par la majorité territoriale et s’être ainsi retrouvé dans une démarche commune avec Anne-Marie Natali, cela n’est pas rien. La perte de quelques suffrages d’agents d’Air Corsica et Air France pourrait être avantageusement compensée.

En réalité, pour le candidat Laurent Marcangeli, l’horizon est bien moins sombre que certains voudraient le faire croire. D’autant qu’au-dessus de la tête de Gilles Simeoni les nuages noirs ne manquent pas : amorce d’un « natios-bashing», risque d’un front « Tous contre Gilles », discorde et désenchantement au sein de la mouvance nationaliste, incapacité d’établir des relations apaisées avec l’Etat, difficulté à concilier la gestion quotidienne de la Collectivité de Corse et l’application des fondamentaux du nationalisme, rapports de la Chambre Régionale des Comptes et procédures judiciaires mettant en cause des gestions nationalistes, doutes sur la transparence de la « Maison de cristal », projets médiatisés puis en panne ou mort-nés (train à I Fulelli, Hyperloop Corse-Sardaigne, soldi corsi, compagnie régionale maritime, autoroutes de la mer et du ciel…) Le résultat final du match Marcangeli / Simeoni n’est pas écrit.

Entre l’aigle et le mouflon, la Victoire hésite.

Pierre Corsi
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