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Bilan d'étape et projets à venir pour les trois députés nationalistes corses à l'Assemblée nationale

Élus en juin 2017, les députés des 1ère, 2ème circonscriptions de Haute-Corse et 2ème circonscription de Corse-du-Sud ont transformé l’image du nationalisme corse auprès des institutions françaises et engagé un combat pour la mise en œuvre d’une autonomie
Actions et perspectives,
Bilan d’étape et projets à venir pour les trois députés nationalistes corses à l’Assemblée nationale

Élus en juin 2017, les députés des 1ère, 2ème circonscriptions de Haute-Corse et 2ème circonscription de Corse-du-Sud ont transformé l’image du nationalisme corse auprès des institutions françaises et engagé un combat pour la mise en œuvre d’une autonomie de plein droit et plein exercice pour l’île.


L'opposition comparait leur future présence dans l’hémicycle à "une aiguille dans une botte de foin". En quatre années, Jean-Félix Acquaviva, Michel Castellani (Femu a Corsica) et Paul-André Colombani (PNC) y ont pris la parole à 2805 reprises. L’ambition est clairement affichée : faire valoir les positions de la nouvelle Assemblée de Corse, installée en 2015 – union entre Femu a Corsica, Corsica Libera et PNC, sous la liste commune Pè a Corsica – à savoir la reconnaissance d’un vote largement majoritaire pour accéder à un véritable statut d’autonomie.
Avec plus de la moitié des votes exprimés ­­– 63% pour Jean-Félix Acquaviva ; 60 pour Michel Castellani et 55 % pour Paul-André Colombani – l’adhésion imposait un besoin de représentativité à l’Assemblée nationale. Les premiers pas ont tout d’abord rendu leur présence politique crédible au sein de la sphère médiatique puis auprès des autres parlementaires, plus aguerris à l’exercice pour certains (le plus ancien député siège depuis 28 ans…). Leurs interventions, sur des sujets allant au-delà du cadre insulaire, en tant que non-inscrits (n’appartenant à aucun groupe) ont fait la différence – pour rappel, Camille de Rocca Serra, sous son mandat de 2012-2017, s’est exprimé 70 fois en séance publique. Pour exemple, concernant le projet de réforme constitutionnelle, sur les 1500 amendements proposés, 250 étaient de leurs rédactions. Soucieux de progresser et de fédérer, les trois députés ont entamé des négociations pour la création d’un groupe parlementaire, le 9ème de l’hémicycle. « Libertés et territoires » voit le jour en octobre 2018, composé de 17 membres. Après de longues discussions, les objectifs sont actés autour d’un contrat clair, en termes de valeurs, principes et perspectives, notamment l’acceptation de la reconnaissance d’une autonomie nécessaire pour la Corse ; une vision unanime sur une décentralisation des pouvoirs donnés aux Collectivités territoriales ; l’attachement aux libertés publiques fondamentales.

L’intérêt d’un groupe politique s’est confirmé dans l’extension de leur capacité d’interventions en tribune, la multiplication des questions au Gouvernement et en Commissions ainsi que la dotation de moyens administratifs supplémentaires. À partir de 2019, on note une accélération des prises de paroles sur tous les sujets concernant la Corse mais également sur l’international comme l’emprisonnement des parlementaires catalans ; le problème des combattants kurdes dans le conflit en Syrie ; le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement, traité de libre-échange avec le Canada qui prévoit une harmonisation des normes mais qui pose simultanément un problème avec les importations issues du domaine agricole). Leurs positions sont également affirmées dans les débats nationaux comme la réforme des retraites, la loi « anti-manifestation » ou les enjeux autour de l’économie circulaire. Les sujets autour de la fiscalité en Corse et plus généralement leur opposition à la financiarisation de l’économie mondiale (taxation des GAFA) sont traités avec attention.

À l’aube des nouvelles élections de la Collectivité de Corse de 2021, les trois députés nationalistes ont, grâce à leurs amendements, réussi à, lors du débat de la Loi ELAN, par exemple, maintenir le PADDUC comme seul garant de la gestion et du contrôle du développement urbanistique insulaire alors que la Loi Littoral française subit un détricotage dangereux (juin 2018) ; à la désignation du Président de l’exécutif de l’Assemblée de Corse pour élaborer la liste des espèces invasives végétales, en collaboration avec l’État et les institutions européennes, par rapport aux attaques subies par la Xylella Fastidiosa (victoire à l’arraché en janvier 2019) ; l’adoption de la proposition de loi (rendue possible grâce à la formation du groupe « Libertés et Territoires ») qui interdit les matchs de football professionnel le 5 mai (13 février 2020), en mémoire de la catastrophe de Furiani.

Les élections territoriales ont eu lieu ce mois de juin 2021 et ont vu la confirmation du solide soutien à la politique portée par Gilles Simeoni et au parti Femu a Corsica. Les trois députés sont confortés dans les actions à mener pour leur dernière année de mandature. Elle devra, à un an de l’échéance présidentielle, être le théâtre d’un changement manifeste, au-delà du symbolique et d’une véritable prise de résolutions actant la décision du peuple corse (son vote représente 68% tourné vers les trois listes nationalistes au dernier scrutin).

Les prochains enjeux pour la première force politique de l’île (bien que Paul-André Colombani appartienne au mouvement du Partitu di a Nazione Corsa) se situent à différents niveaux. La lutte contre la spéculation immobilière – l’Agence de l’Urbanisme de la Corse (AUE) révèle, dans son étude présentée en session à l’Assemblée de Corse le 25 juillet 2019, une progression foncière de 138% en 7 ans – cette lutte reste une priorité. La proposition de loi de Jean-Félix Acquaviva portera sur un droit de préemption renforcé de la CdC pour agir sur les ventes entre tiers et enclencher une régulation par la mise en place d’une taxation sur les résidences secondaires.
Une proposition validée en Commission des lois (31 mars 2021), objet d’un consensus donc entre les différentes composantes politiques, mais qui, faute de temps, n’a pu être débattue en séance à l’Assemblée nationale (la niche parlementaire pour les groupes d’opposition se déroule sur une journée, une fois par an). Mais l’amendement pourra être présenté lors du débat de la Loi 3DS (Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) annoncée par le Gouvernement à la rentrée d’octobre. À défaut d’accord, elle pourra être défendue en février 2022. Cette proposition sera alors une épreuve importante pour jauger de la volonté – ou du refus – de l’Exécutif français de prendre en compte les voix exprimées lors des dernières élections insulaires.

La prochaine Loi Finances, ensuite, pourra être l’opportunité d’arracher des mesures autour d’un statut fiscal et social pour la relance économique. Ces dernières visent à une évolution qualitative du Crédit d’impôt investissement corse (CIIC) mais aussi de la Zone de développement prioritaire (ZDP), trop insuffisantes à ce jour, allant vers des exonérations ou des modifications de durée des charges patronales, du renforcement des fonds propres pour les TPE/PME pour garantir l’investissement et la création d’emplois.

Le Plan de transformation et d’investissement de la Corse (PTIC), plan d’État qui fait suite au Plan exceptionnel d’investissement (PEI), permettrait, quant à lui, d’acter les financements annuels pour faire face aux nouvelles problématiques que va engendrer l’épidémie de Covid 19 et d’actionner un réel rattrapage au niveau des infrastructures essentielles comme les routes, l’eau et l’assainissement, le ferroviaire.

Les trois députés ont également à cœur de voir enfin s’appliquer le droit pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, incarcérés depuis 22 ans pour l'assassinat du préfet Erignac, conditionnables depuis près de quatre ans mais qui en raison de leur maintien excessif sous le statut de Détenu particulièrement signalé (DPS) ne peuvent prétendre à un rapprochement sur l’île et par extension procéder au rapprochement éligible des autres prisonniers corses, dont le cas d’Yvan Colonna. Situation qui prend l’aspect d’« une vengeance d’État » pour la société corse.

Le défi de l’exercice de députation semble être relevé par les trois parlementaires insulaires.
Reste à l’État français de valider les engagements qu’il s’est promis de respecter.



Anna Massari


Photographies : © Assemblée nationale
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