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Au nom de tous les autres , l'association inseme

<< On a acquis une légitimité qui récompense douze années de travail >>Laetitia Cucchi
Au nom de tous les autres


Présidente, depuis 2009, date de la création de l’association Inseme, qu’elle mène avec une volonté et une énergie considérables, Laetitia Cucchi a puisé dans son parcours personnel, semé d’épreuves la nécessité d’aider les familles à accompagner les enfants malades pour des soins sur le Continent.


Altruisme, don de soi, bienveillance, compassion, autant de mots qui deviennent de plus en plus fades dans un monde où règnent en maître, la quête de l’argent, du pouvoir le désir de paraître et l’individualisme. Et ce n’est pas la politique qui va changer les choses mais bel et bien des actes concrets sur le terrain. Si Laetitia Cucchi s’est fait un nom, aujourd’hui dans la société civile insulaire, ce n’était pas sa volonté première il y a douze ans. Juste, la motivation de faire bouger les choses par rapport à un sentiment d’injustice. Celui de voir des familles s’endetter pour accompagner leur enfant malade recevoir des soins sur le Continent. Cette injustice, Laetitia l’a connaît bien pour l’avoir vécue dans un parcours personnel semé d’épreuves plus douloureuses les unes que les autres.


Servir l’intérêt général, une vocation

Et c’est donc le plus naturellement du monde, qu’elle s’est tournée vers les autres en 2009. Une vocation sans doute pour une femme qui a grandi à Ajaccio, suivi une scolarité au lycée Fesch avant de partir étudier Sciences Po à Aix. Un choix marquant déjà la volonté de service l’intérêt général. Et si elle est, par la suite, passée, toujours dans le cadre de ses études, par l’Angleterre ou la Belgique, ce n’est que pour mieux revenir. Six ans d’études au total avant d’occuper différents postes à la Collectivité de Corse (Adec, Office de l’Environnement, Agence de l’Urbanisme…). Pas Question, pour autant, de rester les bras croisés et de se cantonner à sa seul profession.

Le désir d’aider les autres est omniprésent. Et la double peine qui frappe les parents d’enfants malades confrontés, outre la maladie, aux frais de transport, d’hébergement et à toute la logistique, ne passe pas. Un déplacement plus coûteux et fatigant. Il lui faut trouver une solution. Cela commence par des bons plans (hôtels pas cher, taxis de confiance, itinéraires…) mis à disposition des gens. Chaque soir, après le travail et le week-end, elle se mue en standardiste et répond au téléphone. Bien vite, les appels affluent à la Vitesse Grand V. Plusieurs dizaines par jour. Il faut aller plus loin. Ce sera, alors, les balbutiements de la future association : un site internet où tout est mentionné : adresses, hébergements, bus, taxis...Toute la logistique évitant, aux parents, de trop cogiter.

Enfin, il est difficile, pour l’Ajaccienne, de concilier cette activité et le travail. D’autant que la question financière vient se greffer. Pas question de faire dans « l’à peu près ». Une association susceptible de fédérer tous ces besoins et de récolter des fonds est nécessaire. Inseme voit le jour. Deux ans plus tard, un premier emploi est créé. Nous sommes alors en 2011. depuis, des milliers de familles se manifestent pour une aide, cela devient préoccupant, la maladie frappant de plus en plus d’enfants en Corse. Aujourd’hui, l’association est reconnue d’utilité publique au niveau national. Un juste retour des choses pour une petite association dont le nom est connu au plus haut sommet de l’État. Pour Laetitia, son et équipe et tous les bénévoles, le combat ne s’arrête pas pour autant.

La bienveillance, le don de soi et l’altruisme n’ont pas de limite. Derrière son sourire parfois pudique et sa bonne humeur, Laetitia Cucchi le sait mieux que quiconque…

Laetitia Cucchi : « On a acquis une légitimité qui récompense douze années de travail »


Depuis sa création, l’association Inseme est parvenue à gagner bien des batailles, parmi lesquelles la prise en charge du second accompagnant d’un enfant malade ou la reconnaissance d’utilité publique. L’occasion, pour sa présidente, d’évoquer ce parcours et les perspectives à court et moyen terme...


Inseme a relevé bien des défis depuis 2009. Que peut-on retirer de ces douze années ?

Quand on mesure le chemin parcouru, on se dit que c’est extraordinaire. Je suis partie toute seule en appelant les gens de chez moi le soir et le week-end. Aujourd’hui, nous avons quatre salariés, des centaines de bénévoles, de nombreux partenaires, on aide près de 800 familles par an, nous avons des dispositifs de soutien financier, quatre appartements, on a obtenu la prise en charge du second accompagnant...Cette démarche est née d’une histoire personnelle familiale, devenue au fil du temps, une aventure collective qui regroupe des centaines de familles et des milliers de personnes. Mon histoire n’est plus qu’une histoire parmi tant d’autres.


La prise en charge du second accompagnant représente un temps fort pour l’association ?

C’est l’aboutissement de douze ans de travail acharné et l’axe majeur de notre combat. Tout le monde disait que l’on y arriverait jamais, qu’il s’agissait de règles nationales et que jamais le gouvernement n’adapterait les textes pour la Corse. Il y a eu des joies mais aussi des frayeurs quand nous avons appris, au dernier moment, que le décret n’allait pas paraître. Ce fut un combat très difficile et éprouvant. Son aboutissement représente quelque chose d’énorme. J’ai une pensée pour toutes les familles qui n’ont pu bénéficier de cette prise en charge. Certaines ont dû faire des crédits, des parents ont perdu leur emploi. Pour tous les autres, ce sera différent. C’est une grande victoire.


Autre point fort, la reconnaissance d’utilité publique…

Tout à fait ! Une petite association corse traitant de sujets qui ne concernent que notre île reconnue d’utilité publique au niveau national, c’est aussi quelque chose d’énorme. Nous sommes, aujourd’hui, adossés à de grosses structures telles que Médecins du Monde, Médecins sans Frontière, La Croix Rouge ou les Restos du Coeur. On a acquis une légitimité qui récompense douze années de travail. On s’est efforcé de toujours oeuvrer avec le plus grand sérieux. Pour autant, il ne faut pas croire que tout est terminé. Le combat continue.


Quels seront les prochains objectifs pour l’association ?

À court terme, nous allons essayer de trouver l’appartement sur Paris. Nous avons les fonds nécessaires et espérons tout finaliser avant la fin de l’année. Ensuite, le combat continue plus que jamais. Malheureusement, les frais d’hébergements des personnes que l’on ne peut accueillir dans nos appartements, ne sont toujours pas pris en charge par l’Assurance Maladie. Si enfant gravement malade doit rester un an ou dix-huit mois sur le Continent, les parents doivent aller à l’hôtel. D’où un coût important. On va essayer de faire bouger les lignes à ce niveau, l’hébergement constitue l’autre grande difficulté à laquelles sont confrontées les familles…


Interview réalisée par Philippe Peraut
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