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Jean Guy Talamoni : bon sang ne pouvait et ne saurait mentir !

"Le succès n'est pas final. L'échec n'est pas fatal. C'est le courage de continuer qui compte"
Jean-Guy Talamoni : bon sang ne pouvait et ne saurait mentir
Le succès n’est pas final. L’échec n’est pas fatal. C’est le courage de continuer qui compte.


Réussir sa sortie est plus difficile que de briller en entrant. Le moins que l’on puisse dire est que Jean-Guy Talamoni a été à la hauteur. Il est sorti par la grande porte et ne l’a pas claquée. Ces mots qui ont conclu son communiqué de soutien à la fusion des listes du Partitu di a Nazione Corsa et de Corsica Libera entre les deux tours des élections territoriales, l’ont d’ailleurs clairement signifié : « Le militant que je suis - et que je demeure - tient à exprimer sa gratitude envers le mouvement national et à l’endroit des Corses, pour lui avoir permis de servir son pays à ce niveau de responsabilité.
Mon engagement pour la Corse prendra d’autres formes. Il demeure indéfectible. Ferma sempre fidu, sinceru è fidu. Evviva a Corsica Libera ! Evviva a Corsica Nazione. » Cette sortie qui a associé l’élégance à la force des convictions a été à la hauteur d’un président qui, durant les cinq années passées aux commandes de l’hémicycle du cours Grandval, a été en capacité de donner une envergure nouvelle et une crédibilité incontestable au mandat et à l’institution à la tête de laquelle il avait été élu. En effet, à la présidence de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni n’a été ni une potiche pantouflarde, ni un idéologue partisan, ni un garde-chiourme arrogant au service d’une majorité. Ce constat qui est le mien a aussi été, et n’est-ce pas encore plus convaincant voire crédible, celui d’un adversaire. Jean-Martin Mondoloni qui présidait alors un des groupes de l’opposition a déclaré le 20 mai dernier à l’occasion de la dernière session de l’Assemblée de Corse de la précédente mandature : « Monsieur le Président de l'Assemblée, du promontoire où nous nous trouvons, nous avons observé une mue. Vous êtes entré ici en militant et vous êtes devenu président tout en restant militant. Au fond, vous n'avez pas vieilli puisqu'on ne vieillit jamais lorsque l'on ne déserte pas ses idéaux.
Vous avez veillé à la qualité des débats car si la qualité a été au rendez-vous, c'est aussi parce que vous avez été à la hauteur de la mission qui vous a été confiée par le suffrage universel. »


Conviction et ouverture au dialogue

Chaque responsable politique, comme chaque individu, a sa part d’ombre. Jean-Guy Talamoni a donc la sienne. Il est possible aussi que des dirigeants politiques, des militants ou des personnes lambda ne lui pardonnent pas des silences, des prises de position, des décisions ou des actes. Comment pourrait-il en être autrement ? Surtout si l’on considère que l’intéressé a été un des acteurs majeurs d’une lutte de libération nationale et solidaire d’une clandestinité qui, durant certaines périodes, ont été partisanes, clivantes et violentes, y compris en leur sein.
Mais tout cela ne saurait gommer ce qu’a constamment été Jean-Guy Talamoni durant plus de 30 ans. Il n’a jamais renoncé alors qu’il était menacé et que la lutte de libération nationale traversait des moments tragiques. Ses 29 années passées dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse ont débuté alors qu’étant aussi un des dirigeants de la Cuncolta Naziunalista, il lui fallait assumer publiquement les conséquences conflictuelles et dramatiques des fractures, des ressentiments et des haines occasionnées par l’éclatement du FLNC. Il a assumé les présences fortes et souvent encombrantes de personnalités aux réputations et parcours controversés. Mais il a aussi et surtout été un des acteurs majeurs d’années de dialogue, de reconstruction et de concrétisation.
A la fin des années 1990, il a contribué à la réconciliation des nationalistes actée à U Migliacciaru. Au début des années 2000, avec Paul Quastana, il a participé au processus de Matignon ; processus qui, pour la première fois, a permis à la lutte de libération nationale d’engager officiellement, publiquement et dans les lieux de pouvoir parisiens, des négociations avec l’État. Entre 2010 et 2015, à l’Assemblée de Corse, il a mis le groupe Corsica Libera et la Lutte de Libération Nationale sur les rails d’une opposition constructive à Paul Giacobbi qui présidait alors le Conseil exécutif puis sur ceux d’un dialogue avec François Hollande. Ce qui a facilité la réforme ayant permis le passage de la Collectivité Territoriale à la Collectivité de Corse. Ce qui a favorisé la progression des idées nationalistes jusqu’à une acceptation par Paul Giacobbi et sa majorité de revendications telles que la lutte contre la spéculation immobilière à partir du PADDUC, le statut de résident, la co-officialité de la langue corse, la libération des prisonniers politiques.


Avant Jean-Guy, était Louis

En décembre 2015, après avoir été un des acteurs majeurs de l’union victorieuse des nationalistes, Jean-Guy Talamoni a été élu à la présidence de l’Assemblée de Corse. Il n’a pas considéré cette accession comme un bâton de maréchal devant l’inciter à la convenance ou au silence. Au contraire, il a fait en sorte que sa présidence, tout en garantissant une bonne tenue des débats dans l’hémicycle ainsi que le respect de l‘opposition, n’affecte pas sa volonté de défendre ses convictions y compris au risque de déranger ; par exemple en qualifiant la France de « pays ami » ou en plaidant publiquement la fermeté face à l’État.
Dans la lignée de José Rossi et d’une certaine mesure de Dominique Bucchini, il a travaillé à établir un équilibre de l’influence et de la parole entre le Président de l’Assemblée de Corse et le Président du Conseil exécutif. Enfin, il s’est fait agitateur d’idées en se positionnant à gauche d’une majorité territoriale dont de nombreux membres étaient acquis au libéralisme. C’est lui qui a ouvert les dossiers Revenu universel, Charte pour l'emploi, Territoire Zéro Chômeur. Gilles Simeoni a préféré d’autres choix et a été suivi par une majorité de l’électorat. Mais Jean-Guy Talamoni ne doute pas que cela changera un jour. Sa force de conviction et sa confiance en la victoire de ses idées ne sont au fond, pas surprenantes car bon sang ne pouvait et ne saurait mentir. Jean-Guy Talamoni est issu d’une famille qui a vécu la conviction, la différence et la question sociale. Ses parents étaient sensibles au message autonomiste dès le début des années 1970. Sa mère était originaire d’une famille d’Espagne. Son père était originaire de Vezzani. Le couple a vécu au Maroc. Mais, surtout, la famille a compté en son sein un homme de gauche, de militantisme et de combat dont la personnalité a probablement influencé son petit-neveu. Le grand-oncle Louis Talamoni, né a Vezzani, a été une grande figure communiste. Dès les années 1930, il a milité au Parti Communiste. Après 1945, et ce après avoir été dans les rangs des Francs-tireurs et Partisans (FTP), il a été maire-adjoint puis sénateur-maire communiste de Champigny-sur-Marne en région parisienne. Durant ses mandats (1950-1975), il a conduit une politique de solidarité en faveur des habitants du bidonville de sa commune, principalement des immigrés portugais. Louis Talamoni a d’ailleurs été remercié de cette action en 2016. Un monument commémoratif en son honneur a été édifié à la suite d'une souscription au sein de la communauté portugaise.
Certains espèrent que Jean-Guy Talamoni se consacre désormais aux livres et à l’enseignement universitaire. Je crois plus probable qu’il poursuivra son combat politique et militant en toute occasion s’offrant à lui ou qu’il provoquera.
Winston Churchill a dit ou écrit : « Le succès n’est pas final. L’échec n’est pas fatal. C’est le courage de continuer qui compte ». De courage, Jean-Guy Talamoni n’en manque pas...


Pierre Corsi
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