• Le doyen de la presse Européenne

Bientôt en guerre via Zara ?

Notre île et nos personnes sont directemen concernées par la crise ukrainienne. L'implantation à Sulenzara de la base aérienne 126 nous rend protagonistes.
Bientôt en guerre via Zara ?

Notre île et nos personnes sont directement concernées par la crise ukrainienne. L'implantation à Sulenzara de
la base aérienne 126 nous rend protagonistes.


Les dirigeants des USA et du Royaume Uni jugent possible que l’Ukraine soit militairement agressée par la Russie qui masse des troupes en bordure de la frontière avec sa voisine. A Kiev, il est difficile de ne pas ressentir et exprimer de la crainte car la Russie, qui dément vouloir attaquer ou envahir l’Ukraine, ne fait concrètement rien pour la rassurer et l’a d’ailleurs déjà, directement ou indirectement, amputée d’une partie de son territoire internationalement reconnu. En 2014, des troupes « non identifiées » pro-russes ont pris le contrôle de la Crimée et du port de Sébastopol et, quelques semaines plus tard, à la suite d’un référendum, les électeurs de ces territoires ont choisi l’appartenance à la Fédération de Russie. En 2014 également, des milices pro-russes se sont emparées d’une partie de la région minière du Donbass, frontalière avec la Russie, et y ont proclamé les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk. Depuis, considérant que les populations concernées sont majoritairement russes ou russophones, la Russie affirme et défend sa souveraineté sur la Crimée et le port de Sébastopol et soutient les milices du Donbass.
La montée de tension actuelle entre Kiev et Moscou est certes favorisée par le souvenir de ces événements. Elle est aussi une conséquence d’un contexte historique mouvementé. Depuis le 17ème siècle, et ce, jusqu’à la Révolution d’Octobre, se référant à un passé médiéval commun entre les slaves orientaux, la Russie des Tsars a imposé sa souveraineté en Ukraine. Après 1917, les Bolcheviks puis l’ex-URSS se sont inscrits dans la continuité de l’Empire Russe en réprimant les aspirations indépendantistes. L’Ukraine n’a pu accéder à l’indépendance qu’en 1991 qu’avec la dislocation de l’URSS.

A priori l’OTAN ne réagira pas

La Russie n’a jamais vraiment accepté l’indépendance de l’Ukraine. Cependant, ces dernières années, une volonté d’apaisement semblait perceptible de part et d’autre. Pourquoi Vladimir Poutine, ces temps derniers, adopte-t-il une posture belliqueuse ? Veut-il l'annexion de l’Ukraine ? Le Président de la Fédération de Russie est certes soupçonnable d’agir avec la vision et l’ambition que la Russie retrouve la puissance et l’influence de l’ex-URSS. Cependant, si l’on considère le réalisme qui lui est généralement reconnu, il est douteux qu’il souhaite envahir ou même agresser l’Ukraine. Sa démonstration de force résulte probablement de la seule volonté de dissuader ce pays d’intégrer l’OTAN car, à juste raison ou non, il estime que les USA et certains de leurs alliés poussent à la roue pour renforcer leurs positions politiques et militaires aux portes de son pays. Ceci est fondé sur le constat d’un soutien occidental constant aux politiciens ukrainiens hostiles à la Russie et surtout sur la conviction que les USA n’ont pas tenu l’engagement moral, pris oralement en 1990, de ne pas élargir l’OTAN à l’Est (ce qui est vérifiable car, depuis la dislocation de l’URSS en 1991, l’OTAN a ouvert la porte à plusieurs États qui étaient membres de l’ex-Pacte de Varsovie, l’ancien bloc militaire que dirigeait l’ex-URSS). Le tout récent refus des USA de s’engager à rejeter une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ne peut que renforcer la convictionde Vladimir Poutine. Alors, un conflit armé entre l’OTAN et la Russie est-il une évolution possible si d’aventure Vladimir Poutine décide d’user directement de la force contre l’Ukraine ? A priori non carl’Ukraine, actuellement « pays partenaire » de l’OTAN, ne peut bénéficier de l’application de l’article 5 du Traité de Washington qui prévoit que si un État membre de l’Alliance est victime d’une attaque armée, l’ensemble des membres est tenu de réagir, y compris militairement.

Nous sommes concernés


Mais l’engrenage de paroles et de faits est parfois imprévisible et peut s’avérer désastreux. Emmanuel Macron en a conscience et sait qu’en cas de crise devenue hors contrôle, la France risque d’être embarquée dans une confrontation armée. Aussi, avec une sagesse méritoire dont ne font preuve ni les USA, ni le Royaume Uni, le Président de la République pousse à l’apaisement. Selon l’Élysée, le 28 janvier dernier, l’intéressé et Vladimir Poutine sont d’ailleurs convenus de « la nécessité d’une désescalade ». Cette implication de la France fait qu’alors peu de monde chez nous se soucie de l’affaire ukrainienne ou en ait vraiment connaissance, notre île et nos personnes sont directement concernées.En effet, outre que de nombreux corses servent dans l’Armée française, l'implantation à Sulenzara de la base aérienne 126, que les militaires appellent « Zara », nous rend protagonistes car cette installation opérationnelle de l'Armée de l'Air a aussi vocation à servir l'OTAN. « Zara » a d’ ailleurs déjà été utilisée lors de plusieurs opérations militaires de l’Alliance : en 1993 en Bosnie, en 1999 au Kosovo, en 2011 en Libye. Des unités aériennes de pays de l'OTAN viennent s'y entraîner. Il convient aussi de rappeler que Zara peut assurer l’accueil, le ravitaillement et la maintenance de dizaines d’avions de combat, d’appareils de transport tactique ou stratégique, de ravitailleurs en vol. Enfin la position géographique de Zara, en fait une base avancée pour toute opération aérienne en Méditerranée. Bref, Zara représente un atout majeur pour l’Armée française et l’OTAN, et une cible désignée si l’affaire ukrainienne venait à tourner très mal.

Alexandra Sereni
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