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A L'ACCORTA

Les brèves de la semaine

Louis le conquérant ?

Louis Pozzo di Borgo qui préside la Communauté d’Agglomération de Bastia (CAB) a commandé une étude intitulée « Circondu » portant sur un diagnostic et les enjeux d’un pays bastiais très étendu, c’est-à-dire comprenant quatre territoires : celui de la CAB et ceux des Communautés de communes Cap Corse, Nebbiu-Conca d'Oru et Marana-Golu. Deux volets sont abordés dans cette étude. Le premier volet détaille les échanges quotidiens existant entre les quatre intercommunalités (économiques, sportifs, culturels, sociaux, relationnels) qui de facto font de celles-ci un unique bassin de vie. Le deuxième volet évoque la santé financière, la prospérité économique et le mieux-vivre qui pourraient découler d’une vision stratégique qui déterminerait des politiques publiques communes et des mutualisations de moyens entre les quatre collectivités, et qui inciterait à des synergie entre les forces et les opportunités spécifiques de chacun des territoires. Louis Pozzo di Borgo s’engage sur un terrain qu’Émile Zuccarelli n’avait pas osé emprunter lors de la création de la CAB et de la mise en œuvre de la loi Chevènement (adoptée en 1999, qui avait pour objectif de renforcer et simplifier la coopération intercommunale), et sur lequel Francois Tatti avait fait de premier pas sans pouvoir aller plus loin du fait de son isolement à la tête de la CAB après la cassure de l’alliance avec Gilles Simeoni. L’actuel président de la CAB est, il convient de le souligner, en meilleure posture que ses prédécesseurs pour avancer car, ayant redressé les finances de la CAB, il n’est pas soupçonnable de vouloir en renflouer les caisses avec une apport des intercommunalités voisines ; car il existe des convergences politiques entre de nombreux élus des quatre intercommunalités ; car le désengagement financier de l’État pousse à des investissements communs et à des mutualisations d’équipements et de services. L’intéressé reste cependant prudent, assurant vouloir uniquement mettre en place des groupes de travail thématiques et envisager des coopérations. Le mot fusion est encore tabou et le restera au moins jusqu’à l’été prochain. Un aspirant à la conquête dévoile rarement son projet final même s’il y pense tous les jours en se rasant, surtout s’il sait qu’il lui faudra sous peu batailler pour conserver son pouvoir.

Crédit photo : Cumunità d’Agglumerazione di Bastia



Riacquistu patrimonial et linguistique

L’adressage normalisé (indication des noms d’artères, de places et de sites, numérotation du bâti) qui est désormais obligatoire dans les villes et villages, contribue à la rationalisation administrative, facilite l’intervention des services et des prestataires communaux, améliore le confort de vie des habitants ainsi que l’information touristique. Cette obligation représente aussi une opportunité d’action patrimoniale en permettant de conserver ou retrouver des noms de lieux séculaires qui risquaient de disparaître ou tomber dans l’oubli. Chez nous, cette obligation peut aussi servir le riacquistu linguistique du fait que le Comité de Massif - outil de la Collectivité de Corse au service du développement, de l’aménagement et de la protection des territoires de l’intérieur - subventionne la signalétique de l’adressage normalisé s’il est fait usage d’une toponymie en langue corse ou bilingue (corse / français). La municipalité cortenaise a saisi l’occasion (action cofinancée Ville / Comité de massif : 70 000 euros). En effet, à Corti, il est actuellement procédé à la pose de plus de 400 plaques de rues et panneaux indicateurs permettant de découvrir une toponymie bilingue. Il convient de noter que l’orthographe en langue corse a été soumise pour vérification à un groupe de travail composé de conseillers municipaux et de personnes qualifiées qui, au besoin, a eu recours aux compétences du service langue corse de la Collectivité de Corse.

Même un préfet doit justifier


Le tribunal administratif de Bastia a annulé la suspension d’une servitude de passage réservée aux piétons le long du littoral jouxtant le domaine de Murtoli. Il a donné raison à l’association de défense de l’environnemeU Levante qui contestait un arrêté pris en octobre 2021 par le préfet de la Corse-du-Sud, qui modifiait le tracé de cette servitude qui courrait le long du domaine depuis la plage de Roccapina jusqu’à l’embouchure de l’Ortolu (territoire de la commune de Sartè). Dans l’arrêté, il était invoqué la nécessité de suspendre pour préserver le milieu naturel et la sécurité des piétons (en raison de la proximité de l’embouchure de l’Ortolu). Tout comme U Levante, les magistrats ont considéré « que le dossier soumis à l’enquête publique n’a pas permis une correcte information du public en ce qui concerne les motifs de cette suspension », ce qui les a conduits à estimer que « le préfet avait fait état d’une atteinte à l’environnement pour prendre son arrêté sans le justifier ». Dans ce dossier, ce n’est donc pas le fond mais la forme qui a déterminé la décision des juges. L’actuel préfet pourrait donc diligenter une nouvelle enquête publique et prendre un nouvel arrêté identique sur le fond à l’ancien. Il est peu certain qu’il soit opportun qu’il le fasse...


Tout le monde aime le CESEC

Parmi les amendements au projet de loi sur la simplification de la vie économique qui sera soumis, ces jours-ci, au vote des députés et, dans quelques semaines, au vote des sénateurs, figure la demande de suppression des CESER (Conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux) et donc de notre CESEC (Cunsigliu ecunomicu, suciale, di l'ambiente è culturale di Corsica). L’auteur de l’amendement considère qu’au vu de leur apport réel, ces institutions sont inutilement coûteuses. Rappel : comprenant 63 membres de la société civile, notamment des chefs d’entreprise, des syndicalistes, des acteurs culturels et des responsables associatifs, étant doté d'un budget annuel de fonctionnement de 800 000 €, le CESEC doit être saisi par le Conseil exécutif pour avis et observations concernant des textes importants, avant leur discussion à l’Assemblée de Corse. Il peut aussi être force de proposition. Une motion d’opposition à la suppression du CESEC a été votée à l'unanimité par les conseillers de Corse. Porteur du projet de loi, le ministre Laurent Marcangeli s'est lui aussi prononcé en ce sens.


Fontaine de jouvence ou fan club ?

C’était annoncé lors du congrès de Femu a Corsica. C’est fait. La section « jeune » du part siméoniste a été créée. Dénommé « Femu Ghjuventù », elle a vocation à être « un espace propre » permettant d’accueillir les jeunes adhérents et de les aider à se former, à réfléchir et à militer ensemble. Les militants âgés de 16 à 35ans sont admissibles dans cette nouvelle structure. Ses premiers responsables se positionnent dans le droit fil des combats nationalistes « La jeunesse corse a été de tous les combats pour défendre les intérêts de la Corse […] Les nouvelles générations ont également joué un rôle décisif dans l’accession et le maintien des nationalistes corses aux plus hautes responsabilités de l’île depuis décembre 2015. » En outre, ils entend s’emparer aussi des dossiers concernant directement la jeunesse corse, que des problématiques préoccupations de l’ensemble de la société corse. Fontaine de jouvence ou fan club de la majorité siméoniste ? L’avenir le dira.


Lointaine et mal entendante

Les femmes et les hommes de la plupart des territoires déplorent être confrontés à une insuffisance de communication avec la Collectivité de Corse : les élus disent être peu ou pas consultés ou entendus, notamment concernant l’exposé des besoins ordinaires de leurs collectivités et le recours au plan de transformation, d’innovation et d’investissement pour la Corse (PTIC), et font aussi part d’un déficit d’accompagnement dans l’élaboration de leurs projets ; les habitants affirment n’avoir plus d’interlocuteurs attentionnés ou au fait de leurs problèmes. Manifestement l’absence d’ancrage local ou l’insuffisance d’engagement ou d’empathie de nombreux élus qui siègent à l’Assemblée de Corse ou au Conseil exécutif, ainsi que l’absence d’un pouvoir réel de l’Assemblée des territoires, font que n’ont toujours pas été remplacées la proximité, l’oreille compatissante et l’intervention souvent efficace de feu les conseillers généraux. Au quotidien, la Corse du rural vit mal n’avoir pour interlocuteurs que des fonctionnaires n’ayant à offrir que des relations impersonnelles, des rendez-vous formatés, des normes incontournables et des procédures dont les issues favorables sont incertaines ou lointaines. C’est clair, à beaucoup, la Collectivité de Corse apparaît lointaine et mal entendante. Le conseiller exécutif Julien Paolini qui préside l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie (AUE) a d’ailleurs honnêtement constaté qu’en découlait « un traumatisme ». Tout cela affecte la majorité siméoniste au moins autant que la réduction des moyens financiers pouvant être attribuées aux collectivités ou aux particuliers du fait de la situation budgétaire difficile de la Collectivité de Corse. Lors des dernières élections législatives, Jean Félix Acquaviva a pu le vérifier.


Davantage de barreaux à l’échelle

Entre 2018 et 2023, coûts de personnel de la Collectivité de Corse en hausse de 20 %. Ce constat a été fait lors du récent débat budgétaire à l’Assemblée de Corse. La création de la collectivité unique, produit de la fusion de la Collectivité territoriale et des deux conseils départementaux, était censée aboutir à des économies d’échelle ou du moins à une stabilisation de la hauteur de celle-ci concernant les dépenses de personnel. Eh bien, c’est raté ! Des barreaux ont été ajoutés. Selon le Conseil exécutif, tout cela est « raisonnable ». En ce sens, Gilles Giovannangeli, conseiller exécutif délégué aux finances, a souligné : « Les dépenses de personnel augmentent de 7 millions d’euros par an depuis 2018, ce qui représente 3 % par an, c’est dans la moyenne des collectivités comparables ». Le Conseil exécutif ajoute que la hausse des coûts de personnel était inévitable car ayant résulté de trois facteurs incontournables : l’harmonisation des régimes indemnitaires des collectivités ayant fusionné (Collectivité territoriale, conseils départementaux), les progressions indiciaires liées aux avancements statutaires, les mesures imposées par l’État (notamment les revalorisations du point d’indice et du Smic). Le Conseil exécutif juge aussi « raisonnable » de compter 46 agents de plus que lors de la fusion des trois collectivités. Apparemment, les notions de redéploiement des effectifs, de mobilité et de réaffectation des agents, de non renouvellement des doublons et de prise en compte des progrès de productivité ne figurent pas dans le viatique GRÉ (Gestion des ressources humaines) de la Collectivité de Corse.
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