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Israël face à sa défaite morale et politique : un isolement qui s'accélère

Aprés plus de vingt mois de guerre dans la bande de Gaza, les critiques contre la politique israélienne se multiplient.

Israël face à sa défaite morale et politique : un isolement qui s'accélère

Après plus de vingt mois de guerre dans la bande de Gaza, les critiques contre la politique israélienne se multiplient. Le président Emmanuel Macron a exprimé son souhait de reconnaître un État palestinien, dans l’optique d’une « contribution à la solution à deux États » comme 17 pays de l’Union européenne qui ont demandé à la Commission européenne de revoir l’accord d’association entre l’UE et Israël. En France, d'éminentes figures de la communauté juive ont pris publiquement position contre le gouvernement Netanyahou. Face à la pression internationale, celui-ci a accepté, pour des « raisons diplomatiques », de ravitailler partiellement Gaza, afin d’éviter la diffusion d’images de famine qui nuiraient à l’image d’Israël. Mais en même temps, il a créé dix-sept nouvelles colonies en Cisjordanie occupée ruinant un peu plus son image.

Une convergence née de la situation humanitaire

Ce consensus inédit de critiques s’explique par la gravité de la situation à Gaza : bombardements quotidiens, reprise des opérations terrestres, destructions massives. Beaucoup s’interrogent : quel est le sens d’une offensive dans un territoire déjà dévasté ? Et quel sera le sort des civils ? Les objectifs initiaux – libérer les otages, affaiblir le Hamas, protéger Israël – n’étaient pas contestés. Mais dès octobre 2023, les moyens employés ont été remis en question. Le flou permet de croire que Netanyahou parie sur la poursuite du conflit pour se maintenir au pouvoir, au détriment d’une solution politique.

Des impasses stratégiques

Les interrogations restent nombreuses, même parmi les critiques d’Israël. Comment libérer les otages ? L’armée a éliminé certains dirigeants du Hamas et détruit des infrastructures militaires. Mais cela suffit-il alors même que l’attitude d’Israël lui amène toujours plus de volontaires ? Peut-on démanteler durablement le Hamas sans coopération civile locale ? L’opération terrestre en cours est insuffisante puisqu’elle dure et se retourne contre les intérêts géo-politiques de l’état hébreu. D’autres voies doivent être explorées : initiatives diplomatiques, soutien à une gouvernance alternative à Gaza, projets de reconstruction. Mais ni le gouvernement israélien ni ses détracteurs n’apportent pour l’instant de réponse claire.

L’horizon d’un règlement durable

Assurer la sécurité d’Israël implique aussi de penser l’après-conflit. Faute de stratégie politique, la guerre actuelle semble de plus en plus déconnectée de ses objectifs initiaux, risquant de se transformer en conflit sans fin, dont la légitimité s’effrite face aux pertes civiles massives. Le Hamas, quant à lui continuera à détourner l’aide humanitaire et à s’abriter parmi les civils, aggravant les frappes israéliennes et l’indignation internationale. Mais ces faits ne doivent pas faire oublier que cette guerre a débuté par le plus important massacre de juifs depuis la Shoah.

Extrémismes et tensions internes

Israël traverse aussi une crise politique et sociale interne. Quand le rabbin extrémiste Meir Kahane, fasciste et raciste, fut élu à la Knesset en 1984, la classe politique israélienne le rejeta. Quarante ans plus tard, son héritier idéologique, Bezalel Smotrich, est ministre des Finances. Il alimente une rhétorique visant à pousser les Palestiniens à l’exil, menaçant toute perspective de paix. Pourtant, une large partie de la société israélienne souhaite un changement : 70 % des Israéliens, selon un sondage Channel 12, réclament la démission de Netanyahou et la mise en place d’une commission d’enquête sur les tragiques défaillances du système de sécurité qui a permis l’atroce pogrom du 7 octobre. Des dizaines de milliers d’entre eux manifestent tous les samedis contre la guerre.

Pour une coopération avec les civils de Gaza

Des manifestations ont également eu lieu contre le Hamas à Gaza. Elles montrent qu’il pourrait être possible de travailler avec certains habitants pour reconstruire la société civile, notamment dans le domaine éducatif. Cette coopération serait essentielle pour affaiblir durablement l’influence du Hamas. Ni occupation durable ni expulsions ne peuvent constituer des solutions viables. Israël, qui contrôle actuellement un tiers de Gaza, devra envisager un retrait progressif. Une intervention internationale, avec des partenaires régionaux n’ayant pas soutenu le Hamas, pourrait alors faciliter la reconstruction et l’établissement d’une police civile locale.

La solution à deux États : une voie encore possible

La solution à deux États reste l’unique perspective politique à long terme. Si elle semble lointaine, sa simple évocation rappelle que la Palestine doit être reconnue comme une entité distincte et souveraine. Il existe déjà des modèles de coexistence : les Druzes vivent en paix en Israël, et la majorité des Arabes israéliens restent solidaires de la société civile. Un État palestinien changerait la dynamique régionale. La guerre n’est pas une fatalité. Mais pour en sortir, il faut poser les bonnes questions – et surtout, y répondre avec courage et lucidité.

GXC
Photo : D.R
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