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Nouvelle -Calédonie : un accord à double tranchant entre espoir et fractures persistantes

L'accord historique signé en Nouvelle-Calédonie le 12 juillet 2025 représente un tournant majeur pour l'archipel, marquant un progrès vers une autonomie renforcée tout en restant ancré au sein de la République française

Nouvelle-Calédonie : un accord à double tranchant, entre espoir et fractures persistantes

L'accord historique signé en Nouvelle-Calédonie le 12 juillet 2025 représente un tournant majeur pour l'archipel, marquant un progrès vers une autonomie renforcée tout en restant ancré au sein de la République française. Ce compromis, après des années de tensions et de négociations, ouvre une nouvelle ère pour le territoire, et suscite un intérêt particulier pour les autres collectivités françaises, notamment la Corse. Cependant, un défi majeur se profile : si la Nouvelle-Calédonie est soumise au Congrès pour ratification en septembre ou octobre 2025, il est probable que la Corse, qui espère également une évolution de son statut, devra patienter avant que ses propres aspirations d’autonomie ne soient discutées.



Un projet d’État et une reconnaissance constitutionnelle

L'accord signé prévoit la création d’un « État de Nouvelle-Calédonie », inscrit dans la Constitution française, tout en conservant un lien avec la République. Ce statut permettrait à l’archipel de gérer certains domaines stratégiques – comme la politique étrangère ou l’économie touristique – tout en conservant, sous l’autorité de l’État, les compétences régaliennes comme la défense ou la monnaie. Un référendum local est prévu en février 2026 pour valider ce nouveau statut.

Une des avancées notables est la révision du corps électoral, notamment l’inclusion de 12 000 personnes jusque-là exclues des listes. Cette réforme, très attendue, répond à des tensions de longue date autour du droit de vote et pourrait redistribuer les équilibres politiques. Mais elle suscite aussi de vives critiques : certains responsables indépendantistes, comme Brenda Wanabo-Ipeze de la CCAT, estiment que « ce texte est signé sans nous » et que « l’ouverture du corps électoral, c’est nous effacer ».

Des réactions contrastées et un accord contesté

Du côté du patronat, la présidente du Medef calédonien, Mimsy Daly, interrogée par l’AFP, estime que l’accord « apporte au moins un espoir de paix et de stabilité », conditions nécessaires à une relance économique. Elle juge cependant le volet économique « un peu léger ». Elle s’inquiète surtout de la capacité réelle de l’État à accompagner financièrement la relance, un peu plus d’un an après les graves émeutes de mai 2024.

Joël Kasarhérou, président du mouvement citoyen « Construire autrement », parle d’un accord « mort-né », signé par des responsables « sans légitimité », et qui constitue à ses yeux une mauvaise répétition des accords précédents, « sans ambition ni vision ». Il redoute un « nouveau 13 mai » si les frustrations ne sont pas traitées.

Les fractures sont également visibles dans le camp loyaliste. Philippe Blaise, premier vice-président de la province Sud, s’est publiquement désolidarisé des signataires, dénonçant une « ligne rouge franchie » avec la reconnaissance d’un « État calédonien » et d’une « nationalité distincte », jugées incompatibles avec l’unité de la République. Côté indépendantiste, plusieurs voix dénoncent un accord signé sans mandat de la base. Mélanie Atapo, présidente de l’USTKE et membre du FLNKS, se dit « surprise », rappelant qu’il était « question de revenir discuter avec les bases avant toute signature ». Un responsable du FLNKS évoque même une « trahison des positions adoptées lors des conventions », notamment sur la question du corps électoral.

Une inspiration pour la Corse ?

Cet accord soulève des interrogations concernant la Corse. Le mouvement autonomiste Femu a Corsica l’a salué comme un signe d’espoir pour l’île, preuve qu’une évolution constitutionnelle est possible dans le cadre républicain. Il témoigne aussi de la possibilité de répondre aux spécificités territoriales sans remettre en cause l’unité nationale. Cependant, bien que la situation calédonienne offre un précédent, la Corse devra probablement attendre que le Congrès statue sur le cas calédonien avant de voir avancer son propre dossier.

Les discussions sur la révision constitutionnelle pour la Corse sont attendues pour la fin 2025, mais le calendrier politique déjà saturé laisse peu d’espace pour un traitement concomitant. L’exemple calédonien pourrait toutefois nourrir les réflexions sur un statut d’autonomie renforcée pour l’île.

Un laboratoire pour la République

L’acceptation de l’accord demeure incertaine, tant il suscite de critiques à droite comme à gauche, chez les loyalistes comme chez les indépendantistes. Pour la Corse, il offre un précédent à observer de près : si le référendum calédonien de 2026 consacre ce tournant, cela pourrait renforcer les revendications d’autonomie sur l’île. Dans le cas contraire, le climat national risque de durcir à nouveau le jeu institutionnel. En tout état de cause, l’archipel du Pacifique sert aujourd’hui de laboratoire d’une République en mutation… ou en décomposition.

GXC
Illustration : GXC
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