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L'Invasion silencieuse des chenilles

L’île subit une invasion sans précédent des chenilles du bombyx disparate

L’invasion silencieuse des chenilles


L’île subit une invasion sans précédent des chenilles du bombyx disparate. Elles ont déjà dévoré 20 000 hectares de forêts. Le phénomène, exacerbé par la chaleur récente, bouleverse la vie quotidienne, l’économie et les paysages, tout en posant de nouveaux défis écologiques et sociaux.


Vie quotidienne bouleversée

C’est la deuxième année de pullulation, et après 5 000 hectares touchés en 2024, 20 000 hectares déjà ont donc déjà été affectés cette saison, confirme Orso Cerati, l’un des six observateurs insulaires pour le Département de la santé des forêts (DSF). « On les entend manger dans les feuillages », souligne l’expert. La première alerte avait été donnée en mai, en Haute-Corse, où une épidémie de chenilles Bombyx disparate avait attaqué les chênes des communes de Castirla, Castiglione, Prato, Piedigriggio et Soveria. La chenille du bombyx disparate provoque des dégâts importants dans les chênaies, principalement dans celle de Porto-Vecchio, mais de nombreux villages sont touchés, y compris dans le Cap Corse. Dans de nombreux villages, les Corses vivent reclus. Les repas en terrasse deviennent impossibles, les activités de plein air sont limitées, et l’odeur âcre envahit l’air. Le stress psychologique s’ajoute à la fatigue de la lutte quotidienne : nettoyage, tentatives de piégeage, recours à des insecticides bio, souvent sans effet durable. Face à cette épreuve, la solidarité s’organise : les voisins s’entraident, partagent des astuces, et adaptent leurs pratiques agricoles ou touristiques pour limiter les dégâts. Les habitants dénoncent un sentiment d’abandon ou de minimisation du problème par les autorités, qui insistent sur l’absence de danger pour la santé humaine et la vitalité des forêts. Les nuisances, elles, sont bien réelles. Le débat sur les méthodes de lutte est ouvert. Les traitements aériens sont jugés inefficaces, la lutte biologique reste limitée à quelques zones ciblées, afin de préserver les prédateurs naturels.



Conséquences économiques

La lutte à grande échelle sur le plan forestier n’est ni nécessaire ni souhaitable. En effet, même s’il existe un traitement microbiologique épandable par voie terrestre ou aérienne celui-ci reste en plus du coût, préjudiciable au niveau environnemental et d’efficacité très limité. Les pertes sont lourdes pour les éleveurs : la disparition des glands menace l’alimentation des cochons, pilier de l’élevage traditionnel. Les dépenses pour lutter contre l’invasion explosent, certains agriculteurs déboursant jusqu’à 1 700 euros pour des interventions spécialisées, même s’il faut traiter régulièrement et massivement pour éviter une invasion par migration des chenilles venant des massifs forestiers limitrophes. Le tourisme souffre : annulations de séjours, image dégradée de villages, inquiétude pour la saison estivale. Les paysages transformés, collines gris-brun et routes couvertes de chenilles, déconcertent visiteurs et habitants, qui vivent reclus pour éviter que les insectes ne pénètrent dans les maisons.



Enjeux écologiques

La défoliation massive touche surtout les chênes verts et lièges, ralentissant leur croissance, mais sans provoquer de mortalité selon les experts. Du fait de l’affaiblissement des arbres, il est fortement conseillé de ne pas lever le liège les années de fortes attaques de bombyx. Le phénomène suit un cycle naturel, avec des pics tous les 7 à 12 ans, et devrait s’atténuer grâce à la régulation par les prédateurs naturels. Cette dynamique cyclique est favorisée par des hivers doux, des printemps humides et un affaiblissement ponctuel de leurs prédateurs naturels. Les dégâts sont spectaculaires, mais temporaires : les arbres reverdissent généralement après la pullulation, sauf en cas d’attaques répétées sur plusieurs années. Les scientifiques utilisent des photos satellites pour cartographier l’évolution et l’intensité de l’invasion. Contrairement à la chenille processionnaire, le bombyx disparate n’est pas urticant, mais sa nuisance tient à son nombre et à l’odeur persistante. Beaucoup perçoivent une intensification du phénomène ces dernières années. D’autres espèces nuisibles pour la végétation Corse sont aussi sous surveillance, comme la Xylella fastidiosa, la sharka, le charançon rouge du palmier, le cynips du châtaignier, le dépérissement des oliviers, la flavescence dorée, le feu bactérien et la popilla Japonica. Ces insectes ravagent les cultures en Corse et représentent une réelle menace.


Maria Mariana

Crédits photographiques
11477_2025-06-20_csm_wsl_schwammspinner_raupe_00f24db469.jpeg : © schwammspinner

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