Chroniques d'Octave, natif de l'île- aux- Oiseaux.......
Octave sortait peu de son repaire de l'Île-aux-oiseaux.
Chroniques d’Octave, natif de l’Île-aux-Oiseaux…
Octave sortait peu de son repaire de l’Île-aux-Oiseaux. Il aimait ses landes parcourues par les vents, les odeurs des bruyères quand le soleil aiguisait leurs essences, le vol des oiseaux qui n’étaient pas chassés pendant la période estivale. Tout cela l’apaisait.
Il avait néanmoins, en ce milieu d’été, décidé d’aller plus au sud pour y trouver un peu d’autre chose, bien que les paysages de l’Île-aux-Oiseaux fussent divers et permettent un grand dépaysement très rapidement. Il était aussi mû par le désir — un peu — de fuir la société en décomposition de la terre ferme, dont les miasmes se propageaient aussi sur l’Île-aux-Oiseaux. Pour lui, sur la terre ferme, tout n’était qu’artifice, ce n’était que spectacle permanent.
Une société gouvernée par la peur
Il avait alors un besoin impérieux d’ailleurs, un besoin impérieux de vérité, de réalité, loin de ce que serinait à longueur de journée la presse de la terre ferme, et aussi celle de l’Île-aux-Oiseaux. Ce n’était chaque jour que le remue-ménage de la peur. Peur du chaud, peur du froid, peur des inondations, peur de la canicule, peur des particules fines, peur de ceci, peur de cela. Il n’en pouvait plus de ces messages permanents de peur.
Il se disait parfois que cela cachait quelque chose, sans trop savoir quoi, mais il était certain qu’il y avait quelque chose. Il lui fallait fuir ce climat anxiogène et délétère, il lui fallait retrouver des gens normaux qui vivent dans la joie.
La nouvelle peur qui sévissait était celle d’une invasion par une puissance étrangère et lointaine située au-delà des monts. Il fallait en conséquence, disait-on, se mettre en armes et consentir tous les efforts pour soutenir la défense du pays. Octave était songeur. Il se disait que peut-être serait-il plus judicieux de concentrer ses efforts sur le pays, à savoir la terre ferme et ses îles, dont l’Île-aux-Oiseaux.
Cette dernière en avait bien besoin, car tout un chacun ne pouvait que constater, par exemple, que ses infrastructures étaient en piteux état et que se soigner sur une partie de son territoire était fort compliqué. Et puis, l’Île-aux-Oiseaux était une île, ce que d’aucuns oubliaient souvent, avec des contraintes et des approches qui, nécessairement, devaient être spécifiques.
Une comédie du pouvoir
Octave voulait fuir tout cela, faire une pause avec les messages anxiogènes permanents d’une société, d’un pays, qu’il sentait en grande décomposition. Il s’étonnait que des « élites » dirigeantes et ceux qui les soutenaient — nombreux, trop nombreux — participassent à faire comme si de rien n’était. Cela le sidérait, lorsqu’il y pensait en chassant la grouse ou le coq de bruyère. Comment cela était-il possible ?
C’était une vaste comédie dont le spectacle quotidien était donné à la population depuis les cimes enneigées de la capitale de la terre ferme. Il avait lu, pour se pénétrer de l’Histoire des nations étrangères, quelques ouvrages savants sur la Révolution française et ce basculement d’un ordre à l’autre, dont la portée réelle, se disait-il, devait être précisément mesurée.
La terre ferme était éloignée de cette nation qui se présentait comme la lumière du monde, pourtant ce qui s’y déroulait en ce moment lui rappelait étrangement cette période. Et plus précisément le moment où tout avait basculé, ou plutôt la période d’entre-deux. Une époque se finissait, une autre peinait à naître. N’était-ce pas cela que vivaient l’Île-aux-Oiseaux et sa terre ferme ?
Il avait lu qu’avant ce que l’on présentait comme le grand basculement en France, ceux qui dirigeaient la nation, ne voyant ou ne voulant pas voir l’état réel du pays — pour certains par orgueil — avaient persisté dans la comédie de l’exercice d’un pouvoir qu’ils ne détenaient pas, qu’ils ne détenaient plus. Il restait une fiction qui était entretenue partout, depuis le centre vers l’ensemble du territoire. Comme ces hologrammes, qui semblent parfaits, mais qui ne représentent que le vide et l’illusion.
Le désir de liberté
Il trouvait qu’il y avait comme une odeur de fin de règne, comme une fête des fous. Il lui revenait ces images de carnaval où la démesure régnait, où le vrai était un moment du faux, comme ces peintures de Jérôme Bosch, très colorées et plaisantes à voir de prime abord, mais au sein desquelles il n’était que folie. C’était un peu de tout cela qu’il voulait fuir, ne serait-ce que quelques jours.
Fuir ces artifices, fuir une société qui ne lui paraissait tenir que par la peur des contrôles des agents de la police de ceci ou de celle de cela, car tout devait être sous le contrôle du centre, jusqu’à l’étouffement de tous. Octave voulait de l’air, un grand bol d’air, celui de la liberté !
À suivre...
SALLUSTE