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Lecornu Premier ministre, le brocciu passe !

La nomination de M. Lecornu, en elle-même, n’a rien de surprenant

Lecornu Premier ministre, le brocciu passe !


La nomination de M. Lecornu, en elle-même, n’a rien de surprenant : elle relève de l’évidence coutumière, ou plutôt du coutumier d’un Président qui ne change rien pour donner l’illusion du mouvement. À l’image d’un prestidigitateur qui agite la main gauche pour mieux cacher la droite, l’Élysée recycle les mêmes visages dans une chorégraphie immobile.


Mais cette immobilité feinte prépare un désastre électoral
.

Du haut en bas de la nation, une avalanche de mots creux et de projets pharaoniques s’abat sur le pays, rivalisant d’inutilité et de catastrophisme. Les slogans se succèdent comme des mirages, tandis que la réalité s’efface sous les effets d’annonce.
Bouger pour bouger devient la règle, et cette agitation sans but transforme peu à peu nos paysages traditionnels en champs de ruines. Ce qui se décide dans les palais nationaux se répercute jusque dans nos villages, où les édiles, croyant imiter le sommet, singent ses travers à une échelle réduite mais tout aussi destructrice.
Car il n’est pas de petite politique : la vacuité d’en haut inspire la vacuité d’en bas. Et lorsque les ambitions minuscules rencontrent la vanité locale, le résultat prend des allures de comédie, parfois si grotesque qu’il en devient tragique.

Ce récit est fabulaire
.

Il ne rapporte pas un fait réel, mais expose, sous prétexte d’en rire, ce que devient parfois la petite politique : un mélange de maladresse, de vanité et d’instinct d’accaparement. L’exemple est imaginaire, mais il s’inspire de ce que chacun a déjà vu dans une salle des fêtes un soir de conseil municipal.
Imaginons donc un village de montagne. Trois cents habitants l’hiver, plusieurs milliers l’été. L’endroit vit de ses commerces, de quelques artisans, et de l’arrivée saisonnière des vacanciers. Mais ce soir-là, le maire-histrion, tout gonflé de son rôle, prend la parole.


Son discours ressemble à une improvisation maladroite. Les mots sont trop vastes pour lui, les notions s’embrouillent, le jargon pompeux coule comme une sauce épaisse. On n’entend qu’un magma de signes vocaux, où l’ignorance de l’idiome devient visible à chaque phrase. La salle se fige : on oscille entre consternation et rire. Ce qu’il croit énoncer comme vision paraît à tous un brouillard sonore. Mais sous ce flot confus, deux forces percent nettement : la vanité et l’appétit d’accaparement.
Le projet qui finit par émerger tient du mirage : un parking-tour vertical, dressé au cœur du village. Une tour à voitures, une cathédrale de béton censée organiser les flux saisonniers. On peine à réprimer un sourire, car chacun sait qu’aucun flux n’exige pareille construction. L’hiver, trois cents habitants garent leurs véhicules comme ils veulent ; l’été, les milliers de touristes trouvent, bon gré mal gré, un espace. Mais l’édile croit nécessaire d’annoncer un chantier de prestige. Il en promet la gratuité. Promesse impossible à tenir vu le coût de l’investissement : paroles, paroles, comme l’eût chanté la défunte Dalida, pâture pour le vent.


Il se rengorge, parle de « mutualisation de l’espace », d’« attractivité territoriale », de « rationalisation durable ». Tout ce lexique savant n’habille qu’une idée unique et prosaïque : capter les pépettes. Transformer le passant en payeur, le flâneur en client, l’automobiliste en contribuable de passage. Le discours est vaste, l’objectif minuscule.

Les conseillers, assis autour de la table, se partagent entre ricanement discret et hochements graves. Certains, hypnotisés par la solennité, feignent de comprendre. D’autres, moins dociles, voient clair : tout cela n’est qu’un prétexte pour lever une contribution nouvelle. Le maire, lui, se croit prophète de modernité, alors qu’il ne fait qu’inventer une taxe supplémentaire. Le comique involontaire vient de là : de l’écart entre l’emphase du discours et la pauvreté du dessein.

Tel le coucou qui dépose ses œufs dans le nid d’autrui, l’élu parasite veut implanter son projet dans une communauté qui n’en a pas besoin. L’incompétence de langage se conjuguerait par impossible avec la rapacité : de ce mariage absurde naît la mascarade. Le parking-tour, tout vertical qu’il soit, n’est qu’un mirage de gestion, une caisse enregistreuse maquillée en équipement public.

Les problèmes de la circulation automobile l’été sont évidemment surdimensionnés au regard du traitement pharaonique, ruineux et disproportionné que le maire leur réserve : à cervelle vide, projet grandiose. Aménager des espaces de stationnement aux entrées et sorties de l’agglomération eût été plus économique et moins défigurant que la verrue projetée. Y aurait-il un intérêt caché ?

On sourit, mais l’exemple n’est pas si innocent
.

Il rappelle ce qui se joue partout : de petites ambitions, nourries de grands mots, et qui n’aboutissent qu’à de petites ponctions. Rien d’exceptionnel : chacun a déjà entendu ces discours où le jargon se gonfle pour masquer le vide, où l’on confond gouverner avec prélever, où la vanité prétend faire fonction de vision. Le rire, ici, n’est pas méchanceté : il est sauvegarde.



Jean Paravisin Marchi d’Ambiegna
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