• Le doyen de la presse Européenne

Ras la Covide

Quelle trouvaille cette pandémie !
Ras la Covide


Quelle trouvaille cette pandémie !
Et à la mode avec ça parce qu’elle est transgenre. La ou le Covid, allez savoir.


Si je me souviens bien, on a commencé par nous parler du Covid avant de s’arrêter à la Covid. Mais ces gens là sont d’un sérieux imperturbable, comme Diafoirus chez Molière ou Jacques Lacan au Collège de France dans sa grotesque conférence donnée en queue de pie devant une assistance médusée, oscillant entre la franche hilarité et la colère.
Pour les amateurs , cette conférence a été enregistrée et peut-être commandée, je l’imagine, auprès de L’INA. Cela vaut certainement le coup de faire des comparaisons également entre les discours de nos excellences, cafouillant en direct le masque de travers, à défaut du smoking, et la célèbre autre conférence de Salvador Dali filmée par le regretté Robert Descharnes et diffusée sous le titre La Dentelière et le Rinhocéros. Ce film génial fut produit dans les années soixante par Henri Spoturno-Coty, petit-fils de François Coty, le parfumeur.

Il en faut du mérite pour ne pas rire quand on en voit certains. On pourrait rétorquer à ce propos qu’ils chicotent comme la souris et que ce n’est pas à la hauteur de l’événement.
Quelle est la hauteur de l’événement?
Pour une souris tout fromage est un événement à sa hauteur. Las de se faire cajoler par les criailleurs geais du voisinage, ces censeurs salariés, le citoyen quant à lui, ravalé à ses propres yeux au rang de sujet de son mécontentement intime, se trouve à la croisée des chemins; qui croire et qu’espérer du lendemain?

J’ai dit que cette épidémie était une trouvaille et c’en est une,
quoiqu’elle emprunte à la chasse à courre une partie de son cérémonial. A y regarder de plus près, on y trouve la trompe destinée à rassembler les chasseurs, la meute, ce collège hétéroclite de faiseurs de morale, la bête, ce pauvre cerf que nous sommes dont la traque conciergifère et restauranticide ne laisse à la victime au moment de la servir que l’émission d’un rait douloureux et interrogatif: pourquoi? Mais tout simplement parce que la huppe pupulle, que le lapin glapit et que le lièvre vagit quand vient l’heure de mourir. Ah! Je meurs près
de ma mère et j’ai fait mon devoir (Les oiseaux de passage - Jean Richepin). Suivons le poète:

Elle a fait son devoir ! C'est à dire que oncques
Elle n'eut de souhait impossible, elle n'eut
Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs sur un fleuve inconnu.

Trouver des rameurs dans cette période de confinement et de couvre-feu alternés , c’est encore plus difficile que de trouver une jonque, n’en déplaise au lièvre et au lapin précités, convoqués dans le présent texte à titre d’illustrations de ce que nous sommes vraiment pour nos maîtres, tels qu’aurait pu nous croquer le bon Jean de La Fontaine, ce jeune disparu des lettres françaises.

Et pendant ce temps là que font nos amies les pies qui nous abreuvent de leurs nouvelles, je dirais même de leur cent nouvelles nouvelles télévisuelles: elles jacassent! Alors oui, l’aigle peut trompéter, la tourterelle roucouler et le ramier caracouler, quand les perdrix elles se bornent à cacaber.
Nous voilà Gros-Jean comme devant comme le Faust de Goethe avant l’arrivée du Diable. Ah! vous pouvez grisoller les alouettes et picasser les piverts, la montagne des mensonges qui nous accable finira par nous transformer en chameaux habiles à blatérer comme à déblatérer. Que dire encore? L’utilisation magique de la télécommande qui nous permet de couper le sifflet sur une simple pression du doigt à quiconque vient parader sur les canaux hertziens est d’un grand réconfort. Nul Auguste, Gnafron , Guignol, n’est en mesure en fin de compte d’imposer qu’on écoute ses pauvre litanies.


Léandre le sot, Arlequin aussi - Do,mi,sol,mi,fa,-
Pierrot qui d'un saut. Cet aigrefin si Tout ce monde va,
De puce. Fantasque. Rit,chante
Franchit le buisson, Aux costumes fous, Et danse devant
Cassandre sous son Ses yeux luisants sous Une belle enfant
Capuce, Son masque, Méchante

(Paul Verlaine)


Permettez pour finir au sanglier qui signe cette chronique en grommelant , comme il est logique qu’il le fasse puisque c’est sa langue maternelle, de risquer l’idée afin de se rattraper, que la belle enfant, c’est peut-être l’espérance.


Jean-François Marchi
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